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Nos Lecteurs ont la Parole

L’affaire Rafic Hariri : les contradictions du jugement du TSL

Le jugement rendu par la chambre de première instance du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri est un point faible dans l’histoire des tribunaux internationaux. Il ressemble à un jugement rendu par un juge unique de Jeb Jennine en charge des affaires de trafic routier mais qui a coûté un milliard de dollars et qui a duré treize ans.

Après treize ans et un milliard de dollars, le TSL a seulement condamné Salim Ayyash pour une « infraction » qui fit un bruit retentissant dans le monde entier et dont les accusés étaient bel et bien connus : la Syrie et l’Iran par le biais du Hezbollah ! Le TSL considéra l’infraction comme « une infraction politique ayant des objectifs terroristes » mais n’a trouvé qu’un seul et unique homme à condamner pour ce tremblement de terre.

Le jugement ne comporte que des contradictions et n’a pas appliqué la loi libanaise alors que le Tribunal était dans l’obligation de le faire !

La première génération de magistrats du TSL comportait d’éminents magistrats internationaux mais avec le temps une deuxième génération faible et inexpérimentée fut chargée de l’affaire.

Les magistrats étaient faibles et plus faibles encore étaient les procureurs qui n’étaient pas à la hauteur de la mission dont ils étaient en charge. Le ministère public fut transféré à des magistrats qui ne sont pas aptes à être des magistrats, plus particulièrement des magistrats examinant des affaires de droit international !

La comédie, celle nommée un « jugement judiciaire international » rendu par un tribunal institué par le Conseil de sécurité de l’ONU, commença lorsque la direction du Hezbollah fut acquittée dans le jugement qui mentionne que « rien dans le dossier des preuves n’indique que la direction du Hezbollah ait été impliquée de quelque manière que ce soit dans l’assassinat de M. Hariri et il n’y a pas de preuve directe de l’implication de la Syrie ».

Le jugement ajoute, sans honte, que « la décision de donner le feu vert n’a été prise qu’[…] après la troisième réunion du Groupe de Bristol […]. C’est à l’occasion de cette troisième réunion que les participants ont convenu de demander le retrait immédiat et complet des forces syriennes du Liban », et que « la date à laquelle les auteurs du complot ont décidé d’exécuter l’attentat contre la vie de M. Hariri a coïncidé avec […] la tenue le lendemain d’une troisième réunion de l’opposition antisyrienne à l’hôtel le Bristol ».

Après avoir acquitté le Hezbollah et la Syrie, le TSL a ajouté un chapitre complet et détaillé sur Mustafa Amine Badreddine, « membre du haut commandement militaire du Hezbollah », qui fut tué plus tard en Syrie et l’acquitta contrairement à la loi applicable. Le TSL a ajouté que « M. Badreddine était l’une des quatre personnes initialement mises en accusation dans la présente affaire » et qu’il « a mis fin aux poursuites engagées à son encontre » parce qu’il est décédé en Syrie alors que l’instance était en cours !

Comme si la reconnaissance et la confirmation du rôle du « membre du haut commandement militaire du Hezbollah » à l’encontre duquel le Tribunal a mis fin aux poursuites engagées et le rôle qu’il a joué dans le complot furent anéantis en raison de son décès. Une peine peut être abolie si l’auteur de l’infraction est décédé mais ne peut pas être abolie pour tous ses complices, comme si ce fait établi par le TSL ne constitue pas une présomption et une preuve irréfutable de l’implication du Hezbollah dans l’assassinat.

Le TSL va même plus loin dans sa ruse. Arrêtons-nous sur les bases sur lesquelles le TSL a été institué :

1- « En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés », le TSL aurait dû, dans son jugement et en application de la théorie du maître absolu adopté par les juridictions libanaises, mentionner le groupe qui a planifié l’attentat en se basant sur l’objectif politique derrière un tel assassinat.

2- « Sont applicables à la poursuite et à la répression des infractions […], sous réserve des dispositions du présent statut : a) Les dispositions du Code pénal libanais relatives à la poursuite et à la répression des actes de terrorisme, des infractions et délits […]. »

3- Dans le statut du TSL, Le Tribunal a compétence à l’égard des personnes responsables de l’attentat et non à l’égard de régimes et de partis. Or l’article 219 du Code pénal libanais prévoit ce qui suit : « Seront considérés comme complices d’un crime ou d’un délit : 1) Ceux qui auront donné des instructions pour le commettre, même si ces instructions n’ont pas servi à l’action ; […] ; 5) Ceux qui, s’étant convenus avec l’auteur ou un autre complice préalablement à la perpétration de l’infraction, auront contribué à en faire disparaître les traces, à recéler ou écouler les choses qui en seront provenues, ou à soustraire aux recherches de la justice un ou plusieurs de ceux qui y auront participé […] ». La lumière doit plus particulièrement être jetée sur l’article 220 qui prévoit que « le complice sans le concours duquel l’infraction n’aurait pas été commise sera puni comme s’il en avait été lui-même l’auteur ».

Le Tribunal n’a pas lu cet article malgré tous les faits qu’il a présentés dans son jugement.

4- L’article 217 du Code pénal libanais prévoit ce qui suit : « Est considéré comme instigateur quiconque détermine ou tente de déterminer, par quelque moyen que ce soit, une autre personne à commettre une infraction. » Si le Hezbollah et la Syrie furent exclus de l’instance, cette dernière reste valide vis-à-vis de Hassan Nasrallah et Bachar el-Assad en tant que personnes instigatrices.

Le Tribunal n’a pas lu cet article quand il a présenté et confirmé les faits dont il est convaincu.

Le résultat

Si le Tribunal spécial est incompétent à l’égard des régimes et des partis et a acquitté la Syrie et le Hezbollah malgré les faits qui les incriminent et les réunions organisées par l’opposition antisyrienne, plus particulièrement la réunion présidée par M. Rafic Hariri durant laquelle les participants ont convenu de demander le retrait immédiat et complet des forces syriennes du Liban, la loi libanaise, si elle avait été appliquée, aurait considéré la Syrie et le Hezbollah des complices et des instigateurs ainsi que les hauts responsables du Hezbollah en tant que personnes qui ont donné l’ordre d’exécuter l’assassinat au moyen de matières explosives et l’utilisation de téléphones mobiles et les aurait condamnés. La loi libanaise, si elle avait été appliquée, aurait de même condamné Assad Sabra, Hassan Merhi et Hussein Oneissi et n’aurait pas transformé un procès international d’une telle gravité en une comédie pleine de contradictions qui ignore les provisions de la loi applicable.

En un mot, la loi libanaise, si elle avait été appliquée, aurait condamné des personnes et non des partis et des régimes. Or le TSL est resté loin des personnes en tant qu’identités personnelles sous couvert que les partis et les régimes ne peuvent pas être jugés et condamnés.

La surprise

Lors d’une récente émission télévisée avec Marcel Ghanem, l’ancien ministre de la Justice Charles Rizk, qui occupait ce poste lors de l’institution du Tribunal spécial pour le Liban, a déclaré qu’il soumettait le projet du statut du TSL, qui était préparé par les deux éminents et honnêtes juges Chucri Sader et Ralph Riachi, à Wafic Safa et Sayyed Hassan Nasrallah et qu’il approuvait leurs observations sur ledit projet. Lorsqu’il fut demandé si le Premier ministre Fouad Siniora était tenu au courant des réunions avec les deux personnes précitées, il répondit que ce n’était pas nécessaire.

La vie cache bien de surprises.

Avocat

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Le jugement rendu par la chambre de première instance du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri est un point faible dans l’histoire des tribunaux internationaux. Il ressemble à un jugement rendu par un juge unique de Jeb Jennine en charge des affaires de trafic routier mais qui a coûté un milliard de dollars et qui a duré treize ans. Après...
commentaires (1)

Cher ami, dans notre cher et delabre pays, peu de gens ont la capacite d'etaler la verite. Nous sommes tres chanceux que vous soyez l'un 'eux.

SATURNE

15 h 18, le 10 septembre 2020

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Commentaires (1)

  • Cher ami, dans notre cher et delabre pays, peu de gens ont la capacite d'etaler la verite. Nous sommes tres chanceux que vous soyez l'un 'eux.

    SATURNE

    15 h 18, le 10 septembre 2020

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