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Moyen-Orient - Éclairage

Ismaïl Haniyé au Liban : un « coup de com’ pour faire oublier la misère »

En visite à Beyrouth à l’occasion d’une réunion entre les différentes factions palestiniennes, le chef du bureau politique du Hamas s’est entretenu avec les chefs de fil des principales forces du pays, dont Hassan Nasrallah.

Ismaïl Haniyé au Liban : un « coup de com’ pour faire oublier la misère »

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à droite, en compagnie du chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Hanyié, lors de leur rencontre à Beyrouth dans un lieu tenu secret. Photo AFP

Des scènes de liesse, un leader acclamé, un ton révolutionnaire : Ismaïl Haniyé, chef du bureau politique du Hamas, est en visite à Beyrouth. Depuis dimanche, le leader palestinien multiplie les messages forts en direction de sa base populaire. Mais ces images ne sont pas du goût de tous; elles évoquent également l’histoire troublée de la présence palestinienne au Liban : les parades, les hommes en armes, le souvenir de la guerre et, avec lui, la crainte d’une prise en otage du pays au service d’une cause étrangère.

Mais la visite d’Ismaïl Haniyé est avant tout un non-événement, peu susceptible de modifier l’équilibre des forces. « Malgré une crainte générale que cette visite n’ait une dimension politique ou sécuritaire, il s’agit d’une visite interpalestinienne d’ordre général », précise une source palestinienne proche du dossier.

La visite de Haniyé est d’abord motivée par l’appel lancé par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à l’intention des dirigeants du Fateh, du Hamas, du Jihad islamique et d’autres factions : la réunion régionale, ayant lieu en parallèle à Ramallah et à Beyrouth, a pour objectif d’unifier la scène politique palestinienne en proie à des divisions qui la paralysent depuis plusieurs années. « Certains d’entre eux, dont le Hamas, ne sont plus les bienvenus à Damas en raison des tensions avec le régime de Bachar el-Assad, d’où le choix de Beyrouth », observe cette même source souhaitant rester anonyme.

L'éditorial de Issa GORAIEB

Image à l’appui


La rencontre était marquée par quelques absences, notamment Ahmad Jibril, du Front populaire pour la libération de la Palestine-Commandement général, ou encore Nayef Hawatmé, du Front démocratique pour la libération de la Palestine, tous deux résidant actuellement en Syrie. Parmi les présents, certains se sont contentés des strictes rencontres intrapalestiniennes. C’est le cas du secrétaire général du Jihad islamique, qui n’a pas fait la demande de rencontrer les responsables libanais.

Le Hamas a été le seul mouvement à organiser une série de rencontres bilatérales, transformant la visite jusqu’à éclipser la raison originelle du déplacement. Le programme des rencontres parallèles a inclus le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, le président du Parlement Nabih Berry, le chef druze Walid Joumblatt ou encore le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim. « Des rencontres d’ordre général, qui ne présagent pas d’alliances spécifiques », résume la source à L’Orient-Le Jour.

Un « shoot de morphine »
Pour beaucoup, c’est la rencontre avec Hassan Nasrallah qui envoie le principal message politique dans un contexte géopolitique tendu, marqué par le récent accord israélo-émirati et la multiplication des incidents sécuritaires à Gaza comme à la frontière libanaise. « C’est ce qu’ils mettent en avant eux-mêmes : un front commun contre la normalisation, une relance de l’axe antinormalisation », observe Georges Haddad, chercheur libanais spécialiste de la question palestinienne, pour qui il s’agit d’« un genre de shoot de morphine administré aux populations pour continuer à soutenir le parti ».

Au-delà du contexte régional et national, c’est ainsi l’environnement politique propre au Hamas et au Hezbollah qui permet de saisir toutes les dimensions de la visite. Les images de la rencontre servent ainsi de point d’appui afin de renforcer l’axe de la résistance à un moment où les deux partis font face à des critiques sur leurs scènes intérieures. « Face à la détérioration de leurs soutiens, ils envoient tous deux un message clair : malgré le blocus, malgré l’isolement politique, nous avons toujours les moyens de poursuivre la lutte », note Georges Haddad. Le Hamas transforme un sommet régional en « opération de com’ », estime le chercheur, pour qui les images triomphales d’Ismaïl Haniyé à Beyrouth ont d’abord vocation à « rehausser le moral des troupes pour faire oublier la misère ici et là ».

Il s’agit de redorer l’image du mouvement auprès des Palestiniens de Gaza, mais également de gagner en capital politique au sein des camps de réfugiés, traditionnellement gérés par le Fateh, lui-même de plus en plus contesté au Liban comme en Cisjordanie, critiqué pour son inertie et accusé de corruption. « Comme une petite brèche dans laquelle le Hamas s’engouffre pour essayer de grignoter du pouvoir, sans pour autant parvenir à prendre le dessus », observe M. Haddad.

L’escapade beyrouthine permet également de briser l’isolement du mouvement, notamment sa mise au ban diplomatique et sa fragmentation, symbolisée par la dispersion de sa direction, basée en exil, et un réduit militaire seul à Gaza. « Ismaïl Haniyé est au chômage technique », ironise notre source, affirmant que le leader « est actuellement installé à Istanbul d’où il ne peut plus revenir à Gaza qu’il a quitté depuis environ un mois ». L’autre possibilité, c’est que la visite libanaise soit le début d’une tournée régionale. « Il est possible que le Hamas soit en train d’essayer de faire le dos rond, après des années de discorde avec le régime de Bachar el-Assad, pour faire son retour sur la scène syrienne », estime Georges Haddad.

Pourtant, le succès politique et populaire de cette visite ne doit pas être surestimé. « Les rues des camps sont très étroites : une dizaine de personnes suffit à donner l’impression d’une foule », nuance le chercheur. L’importance politique est d’abord symbolique. « Rien de consistant n’est sorti en termes de coopération sécuritaire, il faudra attendre les prochains semaines ou mois pour voir si cela change… » note-t-il. Mais surtout parce que les grands discours, les images flamboyantes ont peu de chances de changer quoi que ce soit à la vie des populations à Gaza, sous le double contrôle militaire d’Israël et du Hamas : « Les écoles sont fermées, les hôpitaux ne fonctionnent pas, il n’y a presque pas d’électricité… » déplore enfin Georges Haddad.

Des scènes de liesse, un leader acclamé, un ton révolutionnaire : Ismaïl Haniyé, chef du bureau politique du Hamas, est en visite à Beyrouth. Depuis dimanche, le leader palestinien multiplie les messages forts en direction de sa base populaire. Mais ces images ne sont pas du goût de tous; elles évoquent également l’histoire troublée de la présence palestinienne au Liban :...

commentaires (2)

En tous cas c'est une baffe a l'adresse de Macron. Ainsi, un mouvement considere terroriste par l'énsemble de l'UE vient au Liban, est recu au salon d'honneur de l'aeroport, est recu par Istez Nabeuh, Joumblat et Bahia Hariri? C'est ca le Liban? Non mais vous croyez vraiment que le monde entier va vouloir investir dans un pays qui croit encore vouloir lioberer la Palestine? Ca suffit de rever,

IMB a SPO

14 h 35, le 09 septembre 2020

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Commentaires (2)

  • En tous cas c'est une baffe a l'adresse de Macron. Ainsi, un mouvement considere terroriste par l'énsemble de l'UE vient au Liban, est recu au salon d'honneur de l'aeroport, est recu par Istez Nabeuh, Joumblat et Bahia Hariri? C'est ca le Liban? Non mais vous croyez vraiment que le monde entier va vouloir investir dans un pays qui croit encore vouloir lioberer la Palestine? Ca suffit de rever,

    IMB a SPO

    14 h 35, le 09 septembre 2020

  • Il faut dire à ce Monsieur que son acte irréfléchi de répondre aux appels de HN n’est pas pour aider les palestiniens qui se trouvent sur le sol libanais et encore moins pour les palestiniens en général. Il attise la haine de ce peuple qui vient se mêler des affaires internes pour profiter du caho qui règne. Attention cependant l’armée libanaise n’est pas morte et veille sur le grain en attendant son heure de gloire. Il ne faut pas que les palestiniens fassent les frais pour que HN tire son épingle du jeu. C ‘est sûr que ce complot se retournera contre eux. Trompe-moi une fois, honte à toi. Trompe-mois deux fois honte à moi.

    Sissi zayyat

    12 h 53, le 09 septembre 2020

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