En annonçant la fin des subventions des produits destinés à la production agricole et à l’élevage samedi, le ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé, a provoqué la colère des professionnels des deux filières, qui subissent tout comme la population les répercussions de la crise économique et financière depuis plus d’un an, doublée d’une inflation galopante en raison de la dépréciation de la livre.
Contacté par L’Orient-Le Jour, le président de l’Association des agriculteurs Antoine Hoyek table sur une légère augmentation des prix des volailles et des bovins élevés localement, alors que ceux des produits agricoles ne devraient pas connaître d’évolution particulière, les deux biens restant toutefois soumis aux variations du taux de change dollar/livre, lequel s’est chiffré à 7 300 livres à l’achat et 7 400 livres à la vente durant le week-end écoulé, selon le site Lebaneselira.org.
Samedi, Raoul Nehmé avait annoncé sur son compte Twitter l’arrêt de l’octroi de ces subventions, en se justifiant du fait que « leurs prix n’ont pas baissé », et que « certains ont même augmenté ». Or ces produits ont été inclus en juillet dans le « panier alimentaire élargi », lancé en mai, pour contrer l’inflation galopante (112 % en juillet en glissement annuel, selon l’Administration centrale de la statistique, et 336,32 % concernant les prix de l’alimentation et des boissons non alcoolisées). La cause principale de cette augmentation monstre est la dépréciation de la livre.
Mauvaise période
Pour Antoine Hoyek, la raison de cette tendance est simple : « Presque aucun agriculteur n’a bénéficié de cette subvention », et pour cause : ce mécanisme a été lancé à la mauvaise période à ce moment-là, alors que les importateurs avaient déjà passé leurs commandes aux fournisseurs étrangers pour la saison actuelle. Il aurait fallu, selon lui, subventionner la production déjà présente sur le marché auprès de chaque agriculteur pour observer une baisse des prix, et non l’importation, vu qu’il était trop tard.
Il en est de même pour les éleveurs, dont certains ont de plus eu affaire à certains importateurs peu scrupuleux, qui ont acheté des fourrages au prix subventionné (soit 3 900 livres) et les ont vendus aux professionnels de la filière au prix du marché noir. C’est la raison pour laquelle il appelle la Direction de la protection du consommateur (DPC), qui dépend du ministère de l’Économie, à contrôler ces importateurs. Toutefois, certains « rares » éleveurs ont réussi à obtenir des fourrages aux prix subventionnés, et avec l’arrêt des subventions, ceux-là devraient répercuter l’augmentation de leurs coûts sur les prix de vente aux consommateur.
Selon le ministre, le fait qu’il n’y ai pas eu de baisse des prix constitue « un gaspillage de l’argent public ». Les fonds provenant des réserves de devises de la Banque du Liban (BDL) s’élèvent, rappelle-t-on, à 19,5 milliards de dollars selon son gouverneur Riad Salamé, dont 17,5 milliards de réserves obligatoires. M. Salamé avait d’ailleurs déclaré à fin août que la BDL, n’ayant plus assez de réserves, ne pourra plus subventionner les produits de première nécessité au taux officiel de 1 507,5 livres. Ces produits concernent le blé, le carburant, les médicaments, le matériel médical et les matières premières destinées à l’industrie pharmaceutique locale. Quant aux autres subventions en vigueur, notamment les denrées alimentaires importées et celles destinées à l’industrie qui dépendent du mécanisme proposé par le ministère de l’Économie, Raoul Nehmé s’est montré favorable à leur maintien. L’arrêt des autres subventions pourra être problématique pour la situation des ménages libanais, dont 55 % vivaient déjà en dessous du seuil de pauvreté en mai selon l’Escwa.
commentaires (7)
Tous oui tous ça ne s'applique pas qu'à la classe politique. Les subventions (qui proviennent de nos $ retenus en otage par la BDL) in the pockets des importateurs de produits de base destinés à l'industrie libanaise. Et dans la poche des éleveurs. Et dans la poche des producteurs de fruits et légumes. Rien n'a baissé. Absolument rien. Et avec nos propre argent en plus. Vraiment on nous aura RIEN épargné... Écœurant de voir comment tous oui tous cherchent le profit sur notre dos. La malhonnêteté dans toute sa splendeur.
Sybille S. Hneine
20 h 49, le 07 septembre 2020