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Société - Cellule de crise

Le barreau de Beyrouth se mobilise pour les droits des personnes sinistrées

Plus de 800 dossiers de plaintes sont aujourd’hui constitués, avec l’aide d’avocats bénévoles.

Le barreau de Beyrouth se mobilise pour les droits des personnes sinistrées

L’avocat bénévole Ali Jaber, qui gère la plate-forme informatique d’assistance légale aux sinistrés. Photo A.-M. H.

Les locaux du barreau de Beyrouth ressemblent à une ruche où chacun s’active dans le calme, malgré les dégâts visibles occasionnés par la terrible explosion du port de Beyrouth, le 4 août dernier. Ici, chacun met ses capacités, ses compétences et son savoir-faire au service de la population sinistrée, dans le cadre de la cellule de crise mise en place par l’ordre des avocats de Beyrouth et son bâtonnier, Melhem Khalaf. Avec pour objectifs de permettre aux personnes meurtries dans leur chair et leurs biens d’avoir un accès gratuit à la justice, de réclamer leurs droits et d’obtenir réparation. « Les citoyens ont des droits. Ils ne réclament pas d’aides, mais veulent que justice soit rendue », martèle à L’Orient-Le Jour Me Khalaf. Et comme « l’accès à la justice n’est pas gratuit au Liban », et qu’il est « urgent de permettre aux sinistrés de réclamer leurs droits sans se perdre dans les méandres d’une justice lointaine », l’ordre des avocats de Beyrouth a pris l’initiative « de constituer des dossiers complets », documents et preuves à l’appui, étayés de rapports d’expertises, prêts à être présentés devant la juridiction compétente, et de « porter plainte » au nom des sinistrés.

Avec Melhem Khalaf, bâtonnier de Beyrouth. Photo DR

Une centaine de demandes par jour

Pour ce faire, « 300 avocats bénévoles sont à pied d’œuvre » depuis deux semaines déjà, dans sept centres de soutien aménagés dans les quartiers beyrouthins les plus touchés par la catastrophe, Achrafieh (Saydé), Rmeil (parking extérieur de l’Hôpital orthodoxe), Gemmayzé-Mar Mikhaël (église Saint-Antoine-de-Padoue), Aïn el-Mreissé-Corniche (en face de la mosquée de Aïn el-Mreissé), la Quarantaine (bifurcation de Sleep Comfort), Bourj Hammoud (place Bourj Hammoud, face à la municipalité) et Basta el-Tahta-Khandak el-Ghamik (face à la mosquée de Basta). Assistés de « 160 jeunes volontaires », ils collectent les informations auprès des habitants, des commerçants et chefs d’entreprise touchés par la double déflagration, ceux qui ont perdu un proche, leur habitation, leur local, ceux qui comptent des blessés ou qui ont enregistré des dégâts matériels plus ou moins importants. Ils les mettent alors « en relation avec des experts » susceptibles d’estimer l’ampleur des dégâts et de s’assurer que ces dégâts résultent bien de l’explosion du 4 août (au sein d’une liste de 468 experts bénévoles). À la condition, bien entendu, que les personnes lésées soient désireuses de porter plainte, car certaines expriment leur crainte de représailles.

Une fois le dossier constitué, le bâtonnier attribue à chaque personne sinistrée cinq avocats qui présenteront pour son compte une plainte contre X, dans l’attente que soient déterminées les responsabilités dans l’explosion. « Notre cellule de crise est devenue une véritable force permettant aux personnes sinistrées de constituer gratuitement un dossier de justice », dit fièrement Melhem Khalaf.

« En l’espace de quatre jours ouvrables, plus de 483 dossiers ont été constitués dont 200 ont été présentés à la justice », révèle Ali Jaber, l’un des avocats bénévoles. Et les demandes pleuvent. « Nous en recevons une centaine par jour. Nous nous attendons à constituer quelque 10 000 dossiers », assure-t-il. Dans l’un des bureaux du siège du barreau, réaménagé à la hâte après avoir subi d’importants dommages, ce passionné d’informatique centralise toutes les données collectées jusque-là, et suit de près l’évolution et la finalisation des dossiers. « Il s’agit de ne pas traîner, car les gens ont tout perdu », fait remarquer l’avocat, précisant que la plate-forme informatique de l’ordre des avocats (https://bbaob.bitrix24.site) qui bénéficie désormais du soutien légal du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) est au service des personnes sinistrées. Aujourd’hui, plus de 800 dossiers ont été finalisés.

Rendre les lieux habitables

Le barreau de Beyrouth ne fait pas cavalier seul. Il est partie prenante du comité de coordination qui regroupe divers ordres et syndicats de professions libérales soucieux d’apporter une réponse aux sinistrés de la capitale et d’entamer la reconstruction. « Il est indispensable de canaliser l’élan de solidarité qui a mobilisé les associations locales et les jeunes bénévoles, note Melhem Khalaf. D’où la nécessité d’organiser une référence sociale pour guider cette énergie positive. » Si les avocats ont gratuitement mis à disposition des sinistrés leur savoir-faire légal et les capacités de leurs effectifs, « les experts-comptables sont un partenaire-clé, pour répertorier les donations et gérer les stocks », affirme le bâtonnier. « De même, les industriels sont indispensables pour fournir les matériaux nécessaires et les entrepreneurs pour prendre en charge les travaux », ajoute-t-il. Contacté par L’OLJ, le vice-président du syndicat des industriels, Georges Nassrawi, fait part de « l’engagement des industriels à fournir des matériaux à prix coûtant ». « C’est notre contribution à l’effort de reconstruction. Et nous sommes prêts à ce sacrifice », dit-il, rappelant que les industriels ne sont pas soutenus financièrement. « L’organisation se met d’ailleurs en place, souligne Me Khalaf. Mais les dégâts sont si monstrueux que la réparation des dégâts ne peut être de la seule responsabilité du comité de coordination. » D’où la nécessité que s’associent à ce comité les associations humanitaires, la jeunesse libanaise, et même des institutions étatiques comme le mohafez de Beyrouth et l’armée libanaise. « Car il n’est pas question de prendre la place de l’État », prévient le président de l’ordre des avocats, également connu pour être l’un des cofondateurs de l’association Offre-Joie. Et si des donateurs se manifestent, « seuls les dons en nature et en matériaux sont acceptés pour l’instant », précise Melhem Khakaf, le temps que se concrétisent les besoins financiers, qu’aboutissent les expertises et que soit finalisée la plate-forme informatique de gestion transparente des dons. Résultat, après avoir divisé la capitale en zones, la priorité du comité de coordination est accordée dans un premier temps à la reconstruction d’urgence, les murs, les vitres, l’aluminium et le bois. « L’objectif immédiat est de rendre les lieux habitables. » Un processus qui « se met en place » et risque à lui seul de « prendre quelques mois ».

Les locaux du barreau de Beyrouth ressemblent à une ruche où chacun s’active dans le calme, malgré les dégâts visibles occasionnés par la terrible explosion du port de Beyrouth, le 4 août dernier. Ici, chacun met ses capacités, ses compétences et son savoir-faire au service de la population sinistrée, dans le cadre de la cellule de crise mise en place par l’ordre des avocats de...

commentaires (2)

le Liban doit se réinventer rapidement, se débarrasser rapidement des symboles de la faillite actuelle et récupérer les deniers publics. Pour ce faire, il faut des hommes et des femmes comme Melhem: un parcours immaculé, une volonté et une détermination sans faille, et surtout un amour inconditionnel et inconditionné de ce merveilleux pays qu'est le Liban.

Ayoub Elie

17 h 36, le 01 septembre 2020

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Commentaires (2)

  • le Liban doit se réinventer rapidement, se débarrasser rapidement des symboles de la faillite actuelle et récupérer les deniers publics. Pour ce faire, il faut des hommes et des femmes comme Melhem: un parcours immaculé, une volonté et une détermination sans faille, et surtout un amour inconditionnel et inconditionné de ce merveilleux pays qu'est le Liban.

    Ayoub Elie

    17 h 36, le 01 septembre 2020

  • Il est genial Melhem Khalaf!! Merci pour tout ce que vous faites , merci pour votre energie et votre determination, merci pour votre amour du Liban et des libanais.

    Otayek Nada

    05 h 00, le 01 septembre 2020

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