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Monde - Reportage

Syrien ou allemand, deux destins bouleversés par la "crise" des migrants

Pour Aeham Ahmad, pianiste syrien d'origine palestinienne réfugié en Allemagne, sa génération sera toute sa vie marquée au fer rouge par les horreurs de la guerre et les difficultés inhérentes à l'exil.

Syrien ou allemand, deux destins bouleversés par la

L'Allemande Gracia Schütte, 36 ans, le 27 août 2020 dans une gare de Munich. Photo AFP / Christof STACHE

Pour l'Allemande Gracia Schütte comme pour le Syrien Aeham Ahmad, la décision d'Angela Merkel d'ouvrir grand les portes de l'Allemagne aux réfugiés à la fin de l'été 2015 a bouleversé leur vie à tout jamais. En août de cette année-là, la première est venue avec des milliers d'autres bénévoles, touchés par le désarroi des réfugiés, servir des louches de soupe à des familles exténuées en gare de Munich.

Des trains pleins à craquer de Syriens, d'Irakiens, d'Afghans, bloqués jusqu'alors en Hongrie après avoir remonté toute l'Europe via les Balkans, ne cessaient de descendre sur les quais. Dans l'un d'eux, le 23 septembre, se trouvait Aeham Ahmad, un pianiste syrien d'origine palestinienne qui un mois plus tôt avait quitté Yarmouk, un vaste quartier au sud de Damas assiégé par l'organisation Etat islamique (EI). Derrière lui, il avait alors laissé sa femme et ses deux garçons, trop jeunes encore pour entreprendre une si périlleuse odyssée. Son histoire saisissante fit le tour du monde. Le musicien de 32 ans, que l'AFP avait suivi pas à pas, via internet, sur la route de l'exil puis durant sa première année en Allemagne, parcourt désormais l'Europe et voyage jusqu'au Japon pour donner des concerts.

"Gratitude"

De retour à la gare de Munich où un centre de dépistage du Covid-19 est désormais installé, Gracia Schütte, 36 ans, assure avoir redéfini les valeurs fondamentales de sa vie: "la gratitude et la conscience que malgré tout ce qui se passe en Allemagne, c'est toujours un pays très sûr".

Ce n'est pas dans une gare mais dans un train qui file vers le nord de l'Allemagne où il doit se produire sur scène qu'Aeham Ahmad convoque ses souvenirs. C'était une période de grande confusion, dit-il d'emblée. Comme des dizaines de milliers d'autres Syriens en fuite il n'avait qu'un mot à la bouche :"Alemania!". L'Allemagne, donc.

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"Après mon arrivée à Munich, on m'a envoyé dans plusieurs centres d'accueil d'urgence puis à Wiesbaden" près de Francfort où on lui attribue avec son oncle une chambre dans un foyer de demandeurs d'asile, raconte-t-il dans une langue toute en rondeur où s'entrechoquent mots d'anglais et d'allemand. Il se souvient de "l'extrême gentillesse" dont faisaient preuve les bénévoles comme Gracia Schütte, "cette communauté de gens qui disaient 'nous devons aider'".

"Agir activement"

Pour Mme Schütte, c'est d'ailleurs ce sentiment qu'"on n'était pas seulement spectateur" du drame des migrants mais "qu'on pouvait agir activement" en distribuant des produits de première nécessité ou en montant des lits de camp, un sentiment qui reste fort encore aujourd'hui. La jeune femme, qui travaille dans les services administratifs d'une crèche, n'a plus cessé de s'engager en faveur des réfugiés au point d'héberger trois jeunes, dont l'un vit toujours chez elle. Son statut de réfugié obtenu, Aeham Ahmad a pu, un an plus tard, faire venir sa femme et ses enfants. La famille a déménagé pour Warburg, dans le centre du pays. Et elle s'est agrandie avec la naissance d'une petite fille il y a sept mois.

En Syrie déjà, ses chansons d'espoir au milieu des ruines avaient fait le tour des réseaux sociaux. Alors il a continué de chanter le mal du pays, avec le souci d'alerter l'Allemagne et l'Europe sur "cette guerre stupide" dans laquelle la Syrie est embourbée depuis plus de neuf ans. Aujourd'hui il "aspire à faire se rencontrer les cultures, à faire dialoguer les musiques orientale et occidentale".

Après plus de 720 concerts, l'épuisement le guette quelquefois. Mais "tout est mieux que de vivre des subsides de l'Etat" comme ce fut le cas les premiers mois en Allemagne, juge-t-il. Alors si c'était à refaire? "Je pense que je ne serai plus quelqu'un qui dit d'emblée 'on va y arriver et tout se passera super bien'. Il faut être réaliste", répond Gracia Schütte, consciente des difficultés d'accueil et d'intégration. "Mais cela ne fait aucun doute: j'y retournerais!". Aeham Ahmad pose lui aussi un regard plus nuancé. Sa génération, dit-il, sera toute sa vie marquée au fer rouge par les horreurs de la guerre et les difficultés inhérentes à l'exil. Mais, s'empresse-t-il d'ajouter, un sourire dans la voix, ses deux fils parlent déjà allemand "sans le moindre accent".

Pour l'Allemande Gracia Schütte comme pour le Syrien Aeham Ahmad, la décision d'Angela Merkel d'ouvrir grand les portes de l'Allemagne aux réfugiés à la fin de l'été 2015 a bouleversé leur vie à tout jamais. En août de cette année-là, la première est venue avec des milliers d'autres bénévoles, touchés par le désarroi des réfugiés, servir des louches de soupe à des familles...

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