C’est un véritable réquisitoire contre la classe politique que le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a encore une fois dressé, critiquant violemment aussi bien les manœuvres politiciennes et les tergiversations liées à la formation d’un nouveau gouvernement que la gestion officielle du dossier de l’explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août et qui a poussé le chef de l’Église maronite à monter au créneau quant à la présence d’armes cachées dans ou proches de zones résidentielles.
« Ce qui fend le cœur et attise la colère populaire, c’est que certains responsables traitent l’explosion de Beyrouth dans une perspective politique et empêchent une enquête internationale qui déterminerait, grâce à sa neutralité et aux techniques dont elle peut être dotée, les circonstances de la déflagration, de même qu’elle fixerait les responsabilités en toute impartialité et intégrité », a déclaré Mgr Raï dans son homélie dominicale, hier à Dimane. « La colère populaire gronde aussi parce que les parties concernées par la formation d’un nouveau gouvernement traitent ce dossier sous un angle électoral, lié à leurs propres intérêts. Ils posent des conditions et des conditions contraires, comme si le pays ne s’était pas effondré, que la crise socio-économique ne battait pas son plein, que l’entité libanaise n’était pas ébranlée, que l’explosion du port n’avait pas eu lieu, détruisant plusieurs quartiers de Beyrouth, faisant 200 victimes, des milliers de blessés et sans-abri. À croire aussi que des sanctions (américaines) ne sont pas prévues (contre le Hezbollah et ses alliés) et que l’épidémie de corona n’existe pas », a tonné le patriarche.
Réfractaires aux réformes
Après avoir rappelé que « les Libanais et la communauté internationale veulent sans tarder un gouvernement de salut national et économique, composé de personnalités à la hauteur de cette mission », Mgr Raï s’est interrogé : « Pourquoi reste-t-on réfractaires aux réformes ? Pourquoi faut-il que le pouvoir soit limité à une clique qui a prouvé son échec ? » Il a exprimé la crainte « que l’une des raisons des tergiversations en cours soit la volonté de ramener le Liban à l’état d’isolement dans lequel il se trouvait avant la tragédie du port et de faire échec aux initiatives des hauts responsables internationaux en sa faveur », en allusion notamment à celle du président français Emmanuel Macron, qui était venu à Beyrouth au lendemain du drame et pressé les responsables libanais de former un gouvernement capable de mener le pays à bon port.
Commentant le verdict du Tribunal spécial pour le Liban dans l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le chef de l’Église maronite a salué le rôle de bâtisseur de ce dernier, ainsi que ses efforts pour tenir le Liban à l’écart des crises régionales et internationales tout en consolidant ses relations avec les pays arabes et occidentaux. « C’est exactement ce dont nous avons besoin aujourd’hui, a-t-il enchaîné, Nous avons besoin de quelqu’un qui puisse, avec les personnes de bonnes volonté, rétablir ces relations avec ces pays et tirer le Liban de son isolement forcé politique, diplomatique et économique qui l’étouffe. »
Caches d’armes
Mgr Raï a ensuite insisté sur le fait que « le pouvoir doit considérer l’explosion du port de Beyrouth comme un signal d’alarme pour perquisitionner toutes les caches d’armes installées illégalement au cœur des quartiers résidentiels, dans les villes et les villages ». Il a estimé que « certaines régions libanaises sont devenues des champs de mines qui peuvent à tout moment sauter. La présence de ces caches constitue une véritable menace pour la vie des Libanais, laquelle n’appartient à personne, ni à un parti ni à une organisation. Il est temps de saisir ces armes et ces explosifs pour que les citoyens se sentent en sécurité », a-t-il poursuivi, dans ce qui peut être considéré comme une allusion aux armes illégales du Hezbollah.
Par ailleurs, Mgr Raï, qui plaide depuis plusieurs semaines en faveur d’une « neutralité active » pour le Liban, a lancé un appel à cesser les guerres et les conflits « dont nous ne voulons pas ». « En 2002, la Ligue arabe avait lancé depuis Beyrouth son initiative en vue d’une paix juste et globale. Aujourd’hui, le Liban a plus que jamais besoin de paix pour recouvrer sa force. Nous en avons assez des guerres, des combats et des conflits dont nous ne voulons pas », a-t-il lancé.
Lundi, le chef de l’Église maronite avait rendu public un mémorandum portant sur le Liban et la neutralité active. « Ce mémorandum n’est pas un projet du patriarcat maronite, mais un retour aux fondamentaux de la politique et de la nature du Liban. C’est la porte de salut du Liban et de tous les Libanais. La neutralité ne peut pas être fractionnée. Lorsque la loyauté envers le Liban sera consacrée, accepter l’idée de la neutralité deviendra naturel », a conclu le prélat.
commentaires (6)
Bien dit Sissi. Mais ces abuseurs de pouvoir ne voudront jamais, au grand jamais, admettre qu'ils ne sont que des hors-la-loi !
RAYMOND SAIDAH
18 h 32, le 24 août 2020