Les tractations politiques dans la perspective de la formation d’un nouveau cabinet ont repris hier, sans pour autant opérer une percée qui mettrait sérieusement sur les rails la formation de la future équipe ministérielle. L’entente élargie autour du nom du prochain Premier ministre, mais aussi du plan d’action de son cabinet, se fait donc toujours attendre.
La présidence de la République s’abstient toujours de fixer la date des consultations parlementaires en vue de désigner le successeur de Hassane Diab. Elle préfère attendre l’issue des contacts en cours autour du futur cabinet, principalement articulés autour d’une dynamique conduite par le président de la Chambre, Nabih Berry. Deux jours après sa rencontre avec le chef de l’État, Michel Aoun, à Baabda, M. Berry a reçu hier le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, à Aïn el-Tiné. Étaient présents Hussein Khalil, conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, ainsi que Ali Hassan Khalil, bras droit du chef du législatif.
Dans le prolongement de sa rencontre avec Michel Aoun, M. Berry aurait profité de la réunion d’hier pour tenter de convaincre M. Bassil, et par conséquent le président Aoun, d’accepter un retour du leader du courant du Futur, Saad Hariri, au Sérail, apprend-on de sources concordantes. On assure aussi que M. Berry, appuyé par le Hezbollah, presse pour que le chef du Futur soit chargé de former le cabinet dans la mesure où il s’agit d’une figure qui inspire confiance à la communauté internationale, notamment les bailleurs de fonds, pour débloquer les aides promises au Liban depuis avril 2018, à condition que les autorités libanaises assument leur part de responsabilité et mettent en œuvre les réformes exigées par les donateurs.
Sauf que le nom de Saad Hariri continue de se heurter tant au veto du tandem Baabda-CPL qu’à l’opposition du mouvement de contestation. Des informations ayant circulé hier dans certains médias indiquaient ainsi que le chef du CPL aurait proposé les noms de juges sunnites qui pourraient être nommés à la présidence du Conseil. Des informations que le bureau de presse de M. Bassil a démenties dans un communiqué publié tard en soirée. Une source proche du leader du courant aouniste confie à L’Orient-Le Jour que les discussions avec M. Berry et les participants à la réunion de Aïn el-Tiné ont principalement porté sur les réformes que le futur cabinet devrait opérer le plus rapidement possible, assurant que le CPL n’entravera pas les tractations gouvernementales et n’a aucune demande à satisfaire dans le cadre du prochain gouvernement.
Même son de cloche du côté de Aïn el-Tiné, où l’on assure que ce qui importe le plus au président de la Chambre, c’est qu’un programme principalement axé sur les réformes soit bien défini avant la mise sur pied du cabinet. Il reste que Nabih Berry est attaché au retour de Saad Hariri au poste de Premier ministre. Et pour cause : il faut que le chef du gouvernement soit représentatif de sa communauté (sunnite).
En face, le chef du Futur s’en tient à une position de principe : il exige que Salim Ayache, membre du Hezbollah reconnu coupable de l’assassinat de Rafic Hariri et de 21 autres personnes le 14 février 2005, soit remis à la justice. « Il s’agit là d’une position de principe qui ne fera pas l’objet de concessions. Et c’est notre ligne rouge », affirme à L’OLJ un proche de la Maison du Centre. Il réagissait ainsi aux propos de Hassan Fadlallah, député Hezbollah de Bint Jbeil. Dans un entretien accordé jeudi à la chaîne al-Mayadine, il avait déclaré que le parti chiite appuyait la nomination de Saad Hariri à la présidence du Conseil, mais qu’il n’était pas concerné par le verdict que le Tribunal spécial pour le Liban a rendu mardi dernier, incriminant M. Ayache.
Tout comme le Hezbollah, les berrystes minimisent l’importance des conditions que M. Hariri impose pour diriger le cabinet, notamment la mise sur pied d’un gouvernement d’indépendants qui n’inclurait pas le Hezbollah, et encore moins Gebran Bassil. « Nous n’avons pas eu écho des conditions de M. Hariri. Mais nous appuyons sa candidature parce que c’est ce que nous jugeons bon pour la prochaine phase », déclare ainsi une source proche de M. Berry.
Le mouvement de contestation
Le business as usual est donc de mise chez tous les protagonistes qui s’en tiennent à leurs manœuvres politiques, faisant la sourde oreille aux demandes de la rue qui, appuyée par la communauté internationale, fustige la classe dirigeante dans son ensemble. Contacté par L’OLJ, Wassef Haraké, activiste politique et membre de l’Observatoire libanais de lutte contre la corruption, assure que les contestataires n’ont pas confiance en la classe politique, y compris Saad Hariri, même s’il dit vouloir former un cabinet de spécialistes. « Nous ne resterons pas les bras croisés. Nous les affronterons aussi bien dans la rue qu’au niveau politique, parce que la révolte est désormais prête à se présenter comme une sérieuse alternative aux protagonistes en présence », affirme-t-il, sans donner des détails sur les prochaines étapes de la contestation.
Pour ce qui est de la communauté internationale, elle suit de près le processus politique au Liban. À en croire certains médias locaux, la France aurait préparé un document qui devrait servir de feuille de route pour le prochain cabinet qui serait « un gouvernement de mission » principalement chargé de mener les réformes et d’organiser des législatives anticipées. Mais selon une source proche du dossier, ce document serait toujours en discussion.
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Mais on se fiche comme d'une guigne de ce que veulent ou ne veulent pas l'un et l'autre. C'est nous, le peuple, qui avons désormais la parole. Nous soutenons tout premier ministre intègre, compétent et indépendant, susceptible de mettre en oeuvre immédiatement le train de réformes indispensables qui nous sortirait de l'immense ornière dans laquelle nous ont plongé ceux qui aujourd'hui tentent encore de s'accrocher aux oripeaux du pouvoir.
Paul-René Safa
11 h 55, le 26 août 2020