
Le président libanais, Michel Aoun (au centre sur la photo), lors d'une visite dans le port de Beyrouth, au lendemain de la double explosion dévastatrice du 4 août. Photo ANI
Le président libanais, Michel Aoun, a écarté samedi toute possibilité de démission suite aux explosions dévastatrices dans le port de Beyrouth, qui ont fait jusqu'à présent 177 morts, des dizaines de disparus, ainsi que plus de 6.500 blessés et laissé des centaines de milliers de personnes sans abri. Estimant qu'une telle démission risquerait de créer un "vide de pouvoir", il a encore affirmé que l'enquête menée par les autorités libanaises sur les circonstances de la catastrophe du 4 août était "plus complexe" que ce qu'il avait envisagé et prendrait donc plus de temps que prévu.
"Il n'y a pas de retard dans l'enquête. Nous avons la volonté de la faire aboutir très rapidement, mais nous avons découvert que la situation est beaucoup plus complexe, ce qui signifie que cette enquête ne pourra pas être aussi rapide qu'on le souhaitait", a déclaré le chef de l'Etat lors d'un entretien avec la chaîne française BFMTV. Il a souligné que le transfert du dossier des explosions devant la Cour de justice, un tribunal pénal d'exception, avait été assuré par le gouvernement "à sa demande". Dans ce cadre, il a souligné que l'instruction a donc été confiée à un juge "indépendant". "Nous voulons absolument désigner les responsables de la corruption et les criminels", a-t-il poursuivi.
Le gouvernement démissionnaire, chargé de l'enquête administrative sur les explosions du port, avait annoncé le soir-même des explosions que les résultats de cette procédure seraient annoncés "dans les cinq jours". Onze jours plus tard, aucune information n'a encore filtré concernant le rapport du comité de l'exécutif chargé d'enquêter sur les faits.
Concernant son refus d'une enquête internationale, M. Aoun a souligné que "dans les faits, des experts internationaux sont venus aider, surtout d'un point de vue technique". "Mais il faut aussi enquêter sur les événements externes", a-t-il ajouté, notamment concernant les circonstances dans lesquelles le bateau avait accosté en 2013 au Liban alors qu'il contenait les produits chimiques incriminés dans les explosions. Près de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium ont provoqué le souffle qui a rasé le port et dévasté des nombreux quartiers de la ville. Il a par ailleurs souligné que toutes les hypothèses, à savoir une négligence, un accident ou l'envoi d'un missile, restaient envisagées jusqu'à présent.
"J'ai compris l'origine de la colère" du peuple
Le président Aoun a par ailleurs écarté toute éventualité d'une démission suite à la catastrophe du 4 août. "C'est impossible car cela conduirait à un vide au niveau du pouvoir", a-t-il déclaré. "Qui assurera le suivi du pouvoir"?, s'est-il interrogé, rappelant que le gouvernement de Hassane Diab avait déjà démissionné, lundi dernier. "Si je démissionnais, il faudrait tout de suite organiser des élections, mais la situation actuelle dans le pays ne permet pas de convoquer un tel scrutin", pour élire un Parlement "qui représenterait vraiment le peuple", a-t-il estimé.
Il a par ailleurs affirmé avoir bien entendu la colère des Libanais descendus dans la rue pour demander un changement radical du pouvoir et du système en place. "Je suis issu du peuple, on m'appelle le père du peuple, et donc pour moi, c'est très dur d'entendre leurs appels", a-t-il souligné, ajoutant "entendre les douleurs" du peuple. Interrogé par la journaliste française sur les raisons pour lesquelles il ne s'était pas rendu à la rencontre des Libanais après les explosions, Michel Aoun a rétorqué qu'il s'était rendu dans le port. "Je ne pouvais pas vraiment me mélanger au peuple, mais j'ai suivi très attentivement tout ce qu'il se passe, j'en ai tiré une leçon et j'ai compris l'origine de cette colère", a-t-il affirmé.
Après les explosions, des milliers de Libanais sont descendus dans la rue afin de réclamer la démission de toute la classe politique, jugée responsable de la catastrophe et qui a reconnu avoir connaissance de l'existence du nitrate d'ammonium. Les slogans lors des différents rassemblements organisés depuis le 4 août sont très virulents à l'égard du chef de l'Etat.
Pas d'ingérence française
Concernant les craintes des Libanais vis-à-vis des fonds de soutien que pourrait recevoir l'Etat pour faire face à la catastrophe du 4 août, alors que les dirigeants sont accusés de corruption, le président Aoun a rappelé que lors de la conférence internationale de soutien au Liban, organisée par la France et les Nations Unies, il avait demandé que toute l'aide soit envoyée "là où elle est nécessaire".
Il a par en outre qualifié la visite du président français Emmanuel Macron à Beyrouth, deux jours après les explosions, de "très positive". Il a souligné qu'il n'avait pas accompagné M. Macron lors de sa visite dans les quartiers détruits de Beyrouth, notamment à Gemmayzé, à la demande du président français. "Il ne voulait pas que je sois là personnellement avec lui", a-t-il ajouté. Il a par ailleurs assuré ne pas s'être senti visé par les propos du chef de l'Etat français concernant la corruption au Liban et la volonté de la France de ne pas "signer de chèques en blanc" au pouvoir. Commentant encore l'annonce du président français concernant les "mesures" qu'il prendrait si, à son retour prévu à Beyrouth le 1er septembre, des réformes n'avaient pas été entamées, Michel Aoun a indiqué ne pas percevoir ces propos comme de l'ingérence de la part de la France. "Nous devons nous assurer de prendre des décisions judicieuses, a-t-il affirmé. Je ne pense pas qu'il y ait d'ingérence dans les affaires libanaises, cela vient de l'amour que porte le président français au Liban. Il a le droit de donner des conseils afin de vérifier que le travail que nous entamons est bien fait", a-t-il dit. "Il y aurait ingérence s'il s'immisçait dans la formation du gouvernement", a-t-il poursuivi.
Lors de sa visite, M. Macron avait rencontré de nombreux acteurs politiques et de la société civile et avait appelé à l'élaboration d'un "nouveau pacte" politique au Liban.
Et Michel Aoun d'affirmer que le Hezbollah n'était "pas tellement" un Etat dans l'Etat libanais. "Ce n'est pas vrai" que la nomination du Premier ministre dépend du Hezbollah, "elle dépend de la majorité" des nominations faites par les députés lors des consultations parlementaires, a-t-il ajouté. Il a conclu, en répondant à une question concernant la normalisation des relations avec Israël, soulignant que "cela dépend", et qu'il ne pourrait y avoir d'avancée que lorsque "les problèmes" qu'a le pays du Cèdre avec l'Etat hébreu seraient "résolus".
Jeudi, le président américain Donald Trump avait annoncé un accord pour la normalisation des relations entre les Emirats arabes unis et Israël.
LE PROMOTEUR DE DEUX ANS ET DEMI DE VIDE DE POUVOIR POUR ACCEDER A LA CHAISE... QUE CHAQUE LECTEUR COMMENTE !
11 h 42, le 17 août 2020