C’est maintenant qu’il faut agir

C’est instantané. En une fraction de seconde, tout bascule. Je réalise la fragilité de ce corps, que mon ego a réussi à me cacher à moi-même. Ballotté comme un brin de poussière dans le vent, propulsé contre le mur comme une brindille, pendant un court instant je me dis « c’est fini, j’ai mon compte ». Et puis, par miracle, grâce à l’intervention de ces anges gardiens anonymes, encore sonné mais vivant, je me retrouve face à cette seconde chance. La question est : « Saurai-je la saisir ? »

… Et nous, citoyens de ce pays que nous déclarons aimer tant, saurons-nous saisir cette chance pour nous réinventer ? Ce nouveau Liban pourrait être là, à portée de main, et pourtant il nous semble tellement inaccessible. Espérons que ce désastre nous aidera à y voir plus clair. Je ne veux pas laisser à mes enfants un monde de haine et de violence. Je veux qu’ils soient fiers de leur héritage.

C’est maintenant – et pas demain – qu’il faut agir. Je comprends la rage qui s’exprime, mais nous ne nous en sortirons pas en nous accusant mutuellement, en essayant de trouver le bouc émissaire le plus convenable. Nous sommes tous coresponsables de ce qui nous arrive, et c’est ensemble que nous nous en sortirons.

Saisissons le moment pour élaborer un nouveau pacte de vie en commun qui transcende cette supposée différence. Dans certains pays, cette différence s’appelle « couleur de peau ». Dans d’autres, « origine ethnique ». Chez nous, elle s’appelle « confession ». Ayons le courage, une fois pour toutes, de dépasser cette limitation que nous nous imposons. Ce jeune à mobylette qui sans hésitation m’a conduit – ensanglanté – mardi soir à l’hôpital le plus proche, je ne sais pas à quel Dieu il voue ses prières, je ne sais même pas s’il en a un, et je n’en ai cure. Ça ne l’a pas rendu plus – ou moins – efficace au moment de m’aider.

À l’inverse, limiter telle ou telle fonction administrative dans le pays à l’appartenance religieuse n’est pas seulement inefficace, c’est meurtrier, lorsque l’on voit les incapables énergumènes qui se retrouvent à nous « gouverner » au nom de cette loi inique, de cette dimension tellement réductrice. Mais ce ne sont pas eux qu’il faut pendre (quoique…), c’est tout ce système qu’il faut réinitialiser, à commencer par cette notion de confessionnalisme, concept moyenâgeux s’il en est, qui nous étouffe et nous tue.

L’explosion du mardi 4 août, quelle qu’en soit la cause, est avant tout le résultat d’un système défaillant que nous devons œuvrer à changer ensemble, aujourd’hui.

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