Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a tenté dimanche de défendre sa formation politique fondée par le président Michel Aoun alors qu'ils concentrent tous les deux une grande part des critiques de la contestation contre le pouvoir, à son paroxysme depuis la double explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août dernier.
La déflagration dans le port de la capitale, sans doute due à l'explosion d'un stock d'une énorme quantité de nitrate d'ammonium entreposé sans précaution depuis 2014, a fait 177 morts et plus de 6.500 blessés selon un bilan encore provisoire, dévastant des quartiers entiers de la capitale et alimentant la colère d'une grande partie des Libanais, pour qui cette catastrophe de trop vient une nouvelle fois illustrer l'incurie d'une classe politique accusée de corruption et d'incompétence.
"Nous sommes face à une catastrophe et une tragédie nationale. Si, dans le passé, certaines vérités n'ont pas été dévoilées, cette fois, il est interdit de ne pas poursuivre ou de ne pas juger les responsables. Tout le monde est soumis à la loi, qu'ils soient ministres, directeurs, fonctionnaires, services de sécurité.", a déclaré M. Bassil lors d'une allocution télévisée pour sa première prise de parole après la tragédie.
"Ces sept dernières années, il a été question de négligence, et l'explosion, en tant que telle, est le résultat d'un accident ou d'un acte de sabotage. La différence entre les deux, c'est que la négligence est documentée et appelle une enquête simple et rapide. L'accident, lui, reste un mystère qui réclame une enquête plus poussée", a poursuivi le leader du CPL.
"Assassinat politique"
Dans ce contexte, Gebran Bassil, gendre du chef de l'Etat, a dénoncé les attaques contre la présidence de la République dès la survenance de l'explosion. "Dès les premiers instants, le président a été attaqué dans le cadre d'une exploitation politique, non pas pour sa responsabilité, mais pour l'accuser d'être le coupable direct", a-t-il déploré, faisant un parallèle avec les attaques subies par le président Emile Lahoud et la mise en cause de certains responsables "dont l'innocence a été prouvée" après l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005.
"Nous sommes attaqués de toute part, notamment dans les médias et sur les réseaux sociaux à travers des campagnes de dénigrement, de diabolisation et de lavage de cerveau. Cela s'appelle un assassinat politique. Face à cette campagne locale et internationale contre nous, nous ne nous tairons pas et nous répondrons. Nous avions décidé de nous taire, par respect envers les victimes, mais cette fois, il est temps de répondre", a déclaré M. Bassil dans un discours qui s'adresse essentiellement aux partisans de sa formation.
Rappelant que sa formation n'a pas été au pouvoir pendant 15 ans puis a été empêchée d'agir pendant les 15 années suivantes, le chef du parti aouniste s'en est pris à ses opposants qui ne cessent d'"attaquer" la formation "sur les dossiers dans lesquels le CPL est impliqué, notamment sur l'électricité, l'essence, les barrages ou les déchets". "Nous agissons et eux, ils ne font que s'opposer", a-t-il déploré. "A ceux qui nous accusent de ne rien faire, je rappelle que nous avons présenté de nombreuses lois, notamment contre la corruption. Mais nous sommes un parti politique, pas des juges". "Nous , nous ne démissionnons pas car nous ne fuyons pas nos responsabilités", a poursuivi M. Bassil.
"Nous sommes la vraie révolution"
"Nous sommes la vraie révolution. Nous sommes les parents de la réforme. Nous avons la conscience tranquille et n'avons pas à avoir honte", a martelé M. Bassil. "Aujourd'hui, la priorité est d'enrayer l'effondrement du pays et de mettre en oeuvre des réformes. Le prochain gouvernement, le Parlement et la majorité parlementaire seront responsables de la mise en oeuvre des réformes nécessaires".
Six jours après la démission du gouvernement de Hassane Diab, le chef de l'Etat n'a toujours pas fixé de date pour les consultations parlementaires alors que les tractations sur la forme du futur cabinet et l'identité du prochain Premier ministre ont débuté dans les coulisses.
"Tout ce que nous voulons, c'est un gouvernement efficace qui conduise des réformes. Le CPL ne veut pas participer à un cabinet qui n'a pas de programme de réformes", a affirmé Gebran Bassil, qui a insisté sur la nécessité d'un audit des comptes de la Banque du Liban et de "toutes les institutions et caisses publiques". Il a également souligné la nécessité d'assurer l'électricité 24 heures sur 24 et d'adopter un budget prévoyant des réformes pour 2021 intégrant des impôts progressifs.
"Nous dérangeons""Nous dérangeons les pays étrangers qui ont des projets. Si ces projets menacent l'existence du Liban, doit-on rester sans rien faire ? Nous ne sommes liés à aucun pays. Notre bataille est celle de l'existence du Liban", a ajouté le chef du CPL, affirmant que l'alliance avec le Hezbollah est fondée sur la "défense du Liban face à Israël et le terrorisme". "Nous les défendons face à l'étranger, mais nous ne sommes pas obligés de défendre leurs erreurs sur le plan intérieur", a-t-il cependant ajouté.
"Notre position sur la Syrie est basée sur notre refus de voir l'émergence d'un Etat islamiste à nos frontières. Notre position sur les réfugiés syriens est basée sur le fait que cette question menace l'entité et l'identité du Liban", a-t-il ajouté, estimant que le CPL "paie le prix de sa volonté de protéger le Liban".
Sur le plan régional, Gebran Bassil a affirmé qu'un accord entre les Etats-Unis et l'Iran "est en route". "Cet accord, et les accords de normalisation qui vont être annoncés, vont dessiner un nouveau Moyen-Orient. La solution à l'échelle régionale est en route", a-t-il affirmé.
"Améliorer le système de gouvernance"
Par ailleurs, le leader du CPL a déclaré qu'il allait oeuvrer à "améliorer" le système de gouvernance du pays "sur la base de la Constitution" car "nous ne pouvons pas continuer de cette façon". "Nous sommes en faveur de la mise en place d'un Etat civil et de la décentralisation administrative, comme le prévoit Taëf", a-t-il déclaré, annonçant sur ce plan le lancement d'un Pacte civil qui sera annoncé à l'occasion du 100ème anniversaire de la création du Grand Liban.
"Dans ce cadre, des élections, qui pourraient avoir lieu dans un an si tout le monde joue le jeu, deviennent nécessaires pour consacrer le changement, à travers un Parlement élu conformément à une nouvelle loi électorale sur base d'un scrutin proportionnel et de plus grandes circonscriptions, et un Sénat protégeant nos particularismes et notre entité", a conclu M. Bassil.
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Je ne suis pas sûr que monsieur Gebran Bassil ait encore quelqu' audience ici ou ailleurs. Ce qu'il a à dire n'a jamais intéressé personne encore moins aujourd'hui, sauf peut-être les quelques irréductibles d'arrière garde encore sensibles à ses incantations. Il devrait plutôt se demander pourquoi la seule chose qu'il ait réussi à faire en 12 ans aura été de cristalliser autour de sa personne la haine des trois quarts des Libanais.
Paul-René Safa
14 h 32, le 21 août 2020