
L’appel à la destitution du chef de l’État a été lancé hier, lors d’une conférence de presse organisée à quelques pas du port dévasté. Photo Z.A.
Une semaine après la double explosion meurtrière du port de Beyrouth, un collectif, présidé par l’ancien magistrat Chucri Sader et formé d’une centaine d’associations de la société civile, a appelé hier à la destitution du président de la République, Michel Aoun, ainsi qu’au départ de l’ensemble de la classe politique. C’est lors d’une conférence de presse tenue en pleine rue, face au port de Beyrouth ravagé par une double explosion mardi 4 août, que ces associations réunies sous le nom de « Rassemblement pour la révolution » ont lancé leur appel.
« Nous demandons la destitution du président de la République, la mise en place d’un gouvernement transitoire ancré dans la révolution et la démission des députés, tous membres d’un Parlement accaparé depuis trente ans par son chef (Nabih Berry) et ses maîtres étrangers », a affirmé Chucri Sader, lisant un communiqué au nom du collectif, dont fait partie le comité parrain du « communiqué national du 12 juin ». Ce comité, qui rassemble une trentaine de personnalités maronites dont M. Sader, l’ancien député Farès Souhaid, l’auteure et militante Nada Saleh Anid ou encore l’avocat Chibli Mallat, avait en effet demandé le départ de Michel Aoun dans ce manifeste publié en juin dernier.
« Tout gouvernement dit “d’union nationale” ou tout gouvernement dit “de partage du butin” est inacceptable, qu’il soit formel ou déguisé (...) Nous appelons au désarmement immédiat du Hezbollah et rejetons toute collaboration avec lui, au niveau officiel ou individuel, tant qu’il n’aura pas déclaré renoncer à son arsenal », indique le communiqué. « Un nouveau Liban émerge devant nos yeux. Faisant écho à la détermination du peuple – “tous veut dire tous” (en référence au slogan des révolutionnaires d’octobre, NDLR) –, nous demandons à ceux qui, parmi les officiels, ont encore une conscience d’abandonner le mandat actuel désormais en état de mort clinique », poursuit le texte qui appelle par ailleurs à l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU qui prévoit notamment le désarmement et la dissolution de toutes les milices au Liban.
« Crasse politique »
Interrogé par L’Orient-Le Jour en marge de la conférence de presse, Chucri Sader a appelé « le président de la République à bien vouloir se rendre compte du fait que sa présence à la tête de l’État n’est plus conforme aux aspirations de la population ». L’ancien magistrat, qui a également dénoncé l’incurie de la « crasse politique », a estimé que « la voix du peuple finira par se faire entendre, surtout que la corruption de la classe politique est de plus en plus décriée à l’international ». « La communauté internationale appuie le peuple libanais, et c’est la première fois qu’elle fait la différence entre le peuple et l’État », a souligné M. Sader.
« On aurait peut-être pu tolérer la corruption si les politiciens servaient les intérêts de l’État... Mais maintenant, nous faisons face à un incident très grave qui frôle le crime prémédité, a estimé l’ancien président du Conseil d’État. Deux mille sept cents tonnes de nitrate d’ammonium enrichi stockées depuis six ans dans un port civil situé dans la capitale, c’est absolument fou. C’est un crime. » « Jamais un dirigeant n’a pris ses citoyens, qu’il est censé servir, pour des demeurés », a-t-il ajouté, dans une critique adressée au chef de l’État.
Le magistrat a par ailleurs critiqué le fait que ce soit la Cour de justice libanaise qui se charge de l’enquête, et non une commission internationale, comme suggéré par une partie de la société civile et par le président français Emmanuel Macron. « Nous avons vu, au fil des ans, que les enquêtes internes n’aboutissent à rien », a déploré M. Sader qui rappelle que le chef de l’État a reconnu être au courant de la présence du nitrate d’ammonium dans le port, lors d’une conversation avec la presse il y a quelques jours.
C’est dans ce cadre que le « Rassemblement pour la révolution » a appelé hier dans son communiqué à « la mise en place d’un mécanisme de poursuites judiciaires contre tous les responsables au sein du pouvoir, maintenant que Michel Aoun a officiellement reconnu avoir été au courant de la gravité de la situation dans le port de Beyrouth sans agir pour empêcher le massacre, lui qui est tenu par son serment constitutionnel de protéger le Liban et les Libanais ».Depuis l’explosion, responsables politiques, judiciaires et sécuritaires se rejettent la responsabilité.
« Dans l’esprit de cet appel à la responsabilisation criminelle des dirigeants pour le massacre du 4 août, notre demande est celle d’une enquête internationale », indique le texte.
Une centaine d'associations , dites-vous ? sans compter celles qui pullulent à vue d'œil dans un pays de quatre millions et demi d'habitants ..
21 h 42, le 13 août 2020