
Une scène apocalyptique. Il n’y a pas d’autre terme pour qualifier l’effroyable image que donnait Beyrouth hier en fin d’après-midi, après deux explosions massives au hangar numéro 12 du port de la ville. De Dora, dans la banlieue nord de Beyrouth, jusqu’au port, l’autoroute est jonchée de débris en tout genre. Le port lui-même semble dévasté dans des proportions dantesques. Les conteneurs ont explosé, les gigantesques silos à grains ont été soufflés, les grues sont à terre. Au-dessus du port, dans un ballet sonore incessant de sirènes de pompiers et d’ambulances, les hélicoptères tentaient, dans l’après-midi, d’éteindre l’incendie. Les opérations se poursuivaient encore tard en soirée.
Sur les bords de la route, les badauds sont hagards. Patil, la vingtaine, tremble. Elle habite dans le quartier de la Quarantaine. « Pendant 15 minutes, on a vu de la fumée s’élever au port de Beyrouth, puis on a entendu les explosions, raconte-t-elle. Je me suis cachée dans la salle de bains, puis brusquement les vitres ont été soufflées. » Elle a vu des gens blessés qui gisaient par terre. Certains dans un état grave.
Mohammad, la trentaine, est arrivé sur les lieux du sinistre quelques secondes après les déflagrations. Il confie avoir fait la navette « entre les bâtiments voisins pour sortir des gens blessés ou tués ». Avec l’aide d’autres volontaires, il a dû évacuer une soixantaine de personnes dont une personne âgée « coincée au vingtième étage ».
Céline, 20 ans, se trouvait dans un restaurant près de la place Sassine au moment de l’explosion. « J’ai entendu un grand boum, confie-t-elle. J’ai cru que quelque chose était tombé d’un immeuble en construction. Puis j’ai senti la terre trembler. J’ai alors compris que quelque chose d’anormal se passait. J’ai couru vers les toilettes, parce que j’ai eu peur que les vitres du restaurant n’explosent. J’avais tellement peur que je me suis mise à hurler. J’avais vécu l’explosition qui avait eu lieu en 2013 (au centre-ville de Beyrouth, coûtant la vie au ministre Mohammad Chatah, NDLR). Mais cette explosion est bien pire. Je ne voulais pas revivre cette même peur. »
Pierre et Carole étaient assis dans leur salon à Sodeco, lorsqu’ils ont entendu un bruit assourdissant et ont senti la terre trembler. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, Pierre s’est jeté à plat ventre sur le sol pour se protéger. « Lorsque j’ai vu la poussière, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait d’une explosion », confie-t-il. Pendant ce temps, Carole a vu la poussière entrer par les fenêtres tandis que le lustre dansait au-dessus de leur tête. Elle a juste eu le temps de se lever du fauteuil et de s’éloigner de la fenêtre. Elle était dans un état second, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Puis elle a vu son mari au sol entouré de débris de verre et de cadres de fenêtre. Ce n’est que quelques minutes plus tard, après avoir repris leurs esprits, qu’ils ont pu constater l’ampleur des dégâts dans l’immeuble.
Scène d’apocalypse au port de Beyrouth, hier. Issam Abdallah/Reuters
Beyrouth sinistrée
C’est tout Beyrouth qui est sinistrée. Les destructions les plus spectaculaires touchent surtout les quartiers limitrophes du port, notamment le centre-ville, Saïfi, Gemmayzé, Achrafieh, Mar Mikhaël, Bourj Hammoud et Dora. Des bâtiments sont soufflés. Des pans entiers de murs sont tombés. De certains immeubles couverts de paroi en verre, il ne reste plus que leur structure. Et partout, sur les trottoirs, dans les décombres, des blessés. Rapidement, les hôpitaux sont débordés et se voient contraints de refouler les blessés légers afin de garder des places pour ceux dans un état grave. Le bilan s’annonce lourd. En soirée, le ministre de la Santé Hamad Hassan annonçait un dernier bilan approximatif et provisoire de plus de soixante-dix morts. Plus de 3 000 personnes sont blessées. Lors d’une tournée dans les hôpitaux, il explique que les médicaments qui se trouvaient à la pharmacie centrale à l’hôpital de la Quarantaine, gravement atteint par l’explosion, sont en train d’être transférés aux dépôts de l’Unrwa. M. Hamad précise aussi que son ministère a demandé à l’Organisation mondiale de la santé de lui dépêcher un avion de médicaments. Un appel a été adressé également au Qatar pour mettre en place des hôpitaux de campagne.
Le secrétaire général des Kataëb, grièvement atteint alors qu’il se trouvait dans son bureau au siège du parti à Saïfi, devait succomber à ses blessures. Le député Nadim Gemayel est légèrement blessé. À Électricité du Liban, le directeur général Kamal Hayek et des employés de l’office, blessés, étaient toujours bloqués sous les décombres en soirée. À l’hôpital Notre-Dame du Rosaire à Gemmayzé, fortement endommagé par l’explosion, une infirmière a succombé à ses blessures.
Hôpitaux débordés
Devant l’Hôtel-Dieu endommagé par l’explosion, c’est le chaos. Des gens vont et viennent et se mêlent aux secouristes, visiblement débordés. Certains cherchent leurs proches. L’air est empli du hurlement des sirènes des ambulances et des cris des proches des victimes.
Mohammad, la quarantaine, fume une cigarette avec un ami. « On a entendu dire qu’ils ont besoin de sang, nous sommes venus en donner. J’ai entendu un père hurler que son fils est décédé. » Quelques minutes plus tard, le père affligé sort dans la rue. Il tombe à terre, en pleurs. Trois hommes essaient, en vain, de le consoler.
L’Hôtel-Dieu et le Centre médical de l’Université libano-américaine – Clinique Rizk sont submergés. Et pour cause. Fortement endommagés, l’hôpital libanais – Jeïtaoui et le Centre médical universitaire – hôpital Saint-Georges ne sont plus en mesure d’accueillir un grand nombre de blessés. Le Centre médical universitaire – hôpital Saint-Georges a transformé le parking en hôpital de campagne, pour les urgences. Scène de guerre. Les hôpitaux du Chouf ont annoncé en soirée qu’ils ouvraient leurs portes pour accueillir les blessés. Idem à Saïda où des blessés ont été admis à l’hôpital Hammoud et au Centre médical Labib. Des médecins ont de leur côté annoncé qu’ils recevaient dans leur cabinet les cas bénins ayant besoin de traitements. Face à l’apocalypse, la solidarité se met en branle.
Les différents partis politiques appellent, eux, leurs partisans et sympathisants à donner du sang. Dans les camps des réfugiés palestiniens à Saïda, des appels similaires sont lancés à travers des haut-parleurs.
Panique généralisée
Dans les rues, les gens sont paniqués ou hagards. Nombreux sont ceux qui, désemparés, perdus, courent dans tous les sens à la recherche de leurs proches. Un homme de 70 ans, portant des sacs en plastique, raconte que le souffle de l’explosion l’a « fait voler d’une pièce à l’autre ». « Personne n’a été blessé », dit-il, précisant qu’il va passer la nuit chez sa fille à Fanar, parce qu’il ne reste plus rien de sa maison.
Sur le bord de la route, des voitures sont écrasées, comme du papier mâché. Certaines ont été retournées par le souffle de l’explosion. Une étrangère est assise sur l’asphalte, les bras lacérés par des bris de verre. Un homme arrive, la fait monter sur sa moto pour l’évacuer vers un hôpital de la ville. Mais vers 21 heures, les hôpitaux de Beyrouth avertissent les équipes de secours et la population qu’ils ne sont plus en mesure d’accueillir des victimes, leurs demandant de se diriger vers des établissements hospitaliers en banlieue et dans les provinces.
« Une vieille bâtisse vient de s’effondrer, les pompiers étaient dedans. Elle s’est effondrée sur eux », lâche un militaire, qui semble perdu.
Près de l’ancien immeuble de Touch, le toit d’une station-service s’est effondré sur un employé. Tard en soirée, il était toujours sous les décombres. Plus loin, à Mar Mikhaël, un chauffeur de taxi ensanglanté se tient toujours devant sa voiture. « On aurait dit une bombe atomique, dit-il. Je ne voyais plus rien. J’entendais des pierres s’écraser sur le toit du véhicule. » Il attendait que l’un des membres de sa famille vienne l’accompagner au Akkar.
Des propriétaires de petits hôtels, des écoles et des couvents ont eux aussi annoncé sur les réseaux sociaux qu’ils ouvraient leurs portes à toute personne dont l’habitation a été endommagée et qui ne trouverait pas de place pour la nuit.Hier soir, Beyrouth, et tout le Liban, était chaos, sonné, par ce énième coup du sort.
Une scène apocalyptique. Il n’y a pas d’autre terme pour qualifier l’effroyable image que donnait Beyrouth hier en fin d’après-midi, après deux explosions massives au hangar numéro 12 du port de la ville. De Dora, dans la banlieue nord de Beyrouth, jusqu’au port, l’autoroute est jonchée de débris en tout genre. Le port lui-même semble dévasté dans des proportions dantesques....
commentaires (9)
L'incendie n'est pas éteint que déjà les accusations sont lances Le résultat d'une enquête est d'avance rejeté Un présentateur fait une introduction de son programme critiquant le gouvernement ( en fonction depuis six mois) tandis que le nitrate de potassium est en dépôt depuis 6 ans . Pour une fois soyons KOULOUNA LIL WATAN
aliosha
13 h 16, le 05 août 2020