
Le président de l’Association des banques du Liban, Salim Sfeir. Photo Mohammad Azakir/Reuters
Alors que le Liban ne parvient toujours pas à s'extirper de la pire crise économique de ces trente dernières années et que le gouvernement tente de négocier une aide financière internationale après avoir fait défaut sur le remboursement de sa dette en dollar, le président de l'Association des banques du Liban (ABL), Salim Sfeir, a sévèrement critiqué dans la presse les autorités pour leur gestion de la situation, s'attirant une réponse de la part du ministre des Finances, Ghazi Wazni, samedi.
Dans un entretien accordé au quotidien Nida' al-Watan et publié vendredi, Salim Sfeir ne mâche pas ses mots à l'égard du gouvernement, l'accusant, entre autres, de ne "pas avoir de vision" concernant son plan de redressement. Le président de l'ABL accuse également le ministère des Finances d'avoir "dépensé l'argent des déposants" du pays pour payer les salaires des fonctionnaires, des accusations démenties par le bureau du ministre, Ghazi Wazni.
"En examinant de près le plan mis en place par le gouvernement, nous constatons qu'il n'y a pas de vision, mais (une volonté) de mener les banques et la Banque centrale à la faillite et un refus de rembourser les dépôts des clients", affirme Salim Sfeir dans cet entretien. "La question qui se pose est : Quel est le but derrière cela ? Et comment redonner espoir à la nouvelle génération (...)", s'est interrogé M. Sfeir. "Le plan (de redressement) a été rejeté par la population et le secteur privé (...)", a-t-il affirmé par la suite.
"L'Etat n'a plus d'argent"
Dans ce contexte de crise économique et financière, de sévères restrictions bancaires sont apparues depuis août 2019, en toute illégalité, au moment où la Banque du Liban puis le secteur bancaire ont commencé à limiter la quantité de dollars injectés sur le marché. Ces restriction ont d’abord pris la forme de limitations sur les plafonds de retraits en devises – variables d’un établissement à un autre – pour graduellement monter en intensité au fil des mois qui ont suivi. Il a fallu attendre le mois de novembre suivant pour que l’ABL – à qui la loi n’accorde aucune compétence en la matière – légitime l’existence de ces restrictions, alors qualifiées de "temporaires". L’association s’apprêtait, à ce moment-là, à ordonner la réouverture des agences du pays, dans le sillage des événements liés à la contestation populaire du 17 octobre 2019. Peu encline à admettre que le secteur traverse une crise de liquidités qui couvait depuis fin 2017, elle se réfugiait en outre en partie derrière ces événements pour justifier la mise en place de ces mesures.
"L'Etat a dépensé l'argent des déposants à hauteur de 40 à 50 milliards de dollars. Il doit faire preuve de bonne volonté pour réinstaurer la confiance des Libanais dont elle a dépensé l'argent", a par ailleurs accusé Salim Sfeir. Et de poursuivre : "Le ministère des Finances a dilapidé l'argent des déposants et l'a dépensé. Il faut qu'il le rende d'une manière ou d'une autre. L'Etat ne peut pas continuer de la sorte. Il y a quelques minutes, on m'a appelé car le ministère des Finances veut que nous lui assurions des montants en liquide pour payer les salaires des fonctionnaires retraités durant la période de fête. Tout cet argent provient des dépôts des clients, car l'Etat n'a plus d'argent. Les salaires des fonctionnaires et des retraités, ainsi que les dépenses des ministères, sont tous financés par ce qui reste des dépôts des clients à la Banque du Liban. Ces montants doivent être restitués afin de ne pas aboutir à un +haircut+ (ponction sur les dépôts, ndlr)", a encore prévenu le président de l'ABL.
"Prises de positions qui frôlent le populisme"
Dans ce contexte de délitement des institutions de l'Etat et leur incapacité à gérer la crise, le ministère des Finances avait annoncé mercredi qu’une "panne pour raisons techniques, liée aux coupures de courant", avait empêché le transfert des allocations dues aux fonctionnaires à la retraite pour le mois d’août. Le ministère avait alors expliqué que les virements seront effectués vers les banques lors du premier jour de réouverture après la fête de l’Adha suscitant un tollé parmi les fonctionnaires retraités.
Réagissant samedi aux accusations de Salim Sfeir, le bureau de presse du ministre des Finances, Ghazi Wazni, a publié un communiqué dans lequel il affirme que "les propos tenus par M. Sfeir au sujet des salaires des fonctionnaires sont dénués de tout fondement et ne sont pas dignes du président d'une association qui gère les économies de toute une vie des Libanais. En vérité, les salaires des fonctionnaires sont exclusivement versés à partir des caisses de l'Etat à la Banque du Liban et sont transférés aux comptes des employés et des retraités dans les banques du pays. Ces salaires ne sont liés, ni de loin ni de près, aux économies des Libanais". Le bureau de presse de M. Wazni dit enfin "regretter certaines prises de position qui frôlent le populisme gratuit dans une période cruciale qui nécessite de tous un sens des responsabilités nationales pour assumer les agissements des décennies cumulées et pour que chaque citoyen obtienne ses droits, au lieu que son argent soit confisqué ou volé".
Réagissant avec une pointe de sarcasme au communiqué du bureau de M. Wazni, Salim Sfeir a dit samedi "saluer" ce message et a estimé qu'il "répond à la volonté de l'ABL et du peuple libanais de voir que les salaires des fonctionnaires sont assurés, que les finances de l'Etat libanais sont saines, que le gouvernement n'a pas besoin de s'endetter et qu'il dépense en fonction des recettes de l'Etat". Salim Sfeir a enfin souligné que "le secteur bancaire ne constitue pas une partie politique et ne fait pas dans le populisme, mais reste proche de la réalité".
Retrouvez l'intégralité de l'entretien accordé par Salim Sfeir à Nida' al-Watan ici
A quoi vous attendiez-vous Monsieur Sfeir ? Quand une banque prête de l'argent à un débiteur , il le dépense à bon ou mauvais escient, Avez-vous en tant que professionnel jamais entendu perler de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit. Avez-vous tout aussi bien entendu parler des ratios que les banques doivent respecter et des limites qui leur sont imposées pour des prêts à un seul débiteur par rapport à leurs fonds propres, Non ? Les banques prêteuses sont aussi sinon plus responsables que l'Etat. Les souteneurs sont condamnés à des peines plus importantes que les prostituées. Ayez l'élégance de démissionner de vos responsabilités et demandez aux autorités de placer vos établissements sous contrôle judiciaire.
20 h 07, le 02 août 2020