
Saad Hariri s’exprimant hier devant les journalistes. Photo tirée du site web du courant du Futur
Les propos qu’a tenus le chef du gouvernement, Hassane Diab, mardi en Conseil des ministres, concernant la visite du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, continuaient, hier, à susciter l’indignation de l’opposition.
Après le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, qui a appelé à « changer de Premier ministre », et celui des Forces libanaises, Samir Geagea, qui a dénoncé « la perturbation des rapports franco-libanais », c’est le leader du courant du Futur, Saad Hariri, qui a répondu hier à son successeur. Lors d’une conversation à bâtons rompus avec des journalistes à la Maison du Centre, M. Hariri a déclaré sans ambages : « Je ne comprends pas où le Premier ministre Hassane Diab nous mène avec cette diplomatie envers nos amis. Comment le Premier ministre se permet-il de faire de telles déclarations à l’égard d’une nation amie, en qui les Libanais voient une mère aimante ? Ces déclarations nous désolent », a-t-il lancé, avant de poursuivre : « M. Le Drian était porteur d’un message au Liban : “Aidez-vous et nous vous aiderons.” Mais le gouvernement a estimé que (les autorités françaises, NDLR) ne savent rien. Le gouvernement lui-même ne sait rien », a fustigé l’ex-chef du gouvernement.
Hassane Diab avait créé la surprise en estimant, lors de son intervention en Conseil des ministres, que la visite de Jean-Yves Le Drian « n’avait rien apporté de nouveau ». Il avait ajouté que le chef de la diplomatie française manquait d’informations au sujet des réformes adoptées par le gouvernement, et semblait regretter que le ministre français ait lié toute aide au Liban à la concrétisation de réformes et à la nécessité de passer par le Fonds monétaire international (FMI). Selon lui, « cela confirme qu’il y a toujours une décision internationale de ne pas aider le Liban ».
La nouvelle diatribe du chef du Futur contre Hassane Diab intervient quelques semaines après des spéculations politiques et médiatiques selon lesquelles un changement du gouvernement serait probable pour sortir le pays de la crise aiguë qui le secoue depuis des mois. En réponse à une question portant sur l’éventuelle formation d’un cabinet d’indépendants, Saad Hariri a lancé : « Commençons d’abord par trouver le chef du gouvernement. »
« La question que le président du Conseil a oublié de se poser est celle de savoir où est le Premier ministre », a également lancé M. Hariri. Il réagissait ainsi à une série de questions que M. Diab s’était posées pendant la séance du Conseil supérieur de la défense, mardi à Baabda. « Mais où donc est l’État, où sont les agents de l’ordre, où est l’appareil judiciaire ? » s’était ainsi interrogé M. Diab, dans un tweet qu’il a fini par supprimer.
Toujours au sujet du gouvernement, M. Hariri a mis les points sur les i : « Je ne veux pas être Premier ministre sous conditions. » Une flèche décochée en direction du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, avec qui les rapports sont rompus depuis « l’enterrement définitif » du compromis présidentiel, le 14 février dernier. Dans une interview accordée lundi à la chaîne LBCI, M. Bassil avait souligné sans détour que si Saad Hariri impose des conditions (à la formation d’un nouveau gouvernement), il rencontrera des conditions « rédhibitoires » en contrepartie. Pour M. Hariri, une seule solution existe : « Qu’ils (les membres du gouvernement) se mettent au travail et arrêtent de prétendre qu’on les empêche de travailler. » « Ils (les parrains du cabinet) possèdent la majorité à la Chambre, et détiennent le gouvernement. Qu’ont-ils accompli ? La seule réforme adoptée, c’est l’audit de la Banque du Liban, mais pourquoi ne pas adopter la même démarche dans toutes les administrations, notamment le ministère de l’Énergie », a lancé M. Hariri. Encore une pique à l’encontre du CPL qui détient ce portefeuille depuis 2008 et qui, selon ses détracteurs, n’a pas tenu ses promesses d’assurer le courant électrique 24 heures sur 24.
Les frontières et le TSL
Commentant l’escalade observée lundi dernier en zone frontalière au Liban-Sud entre le Hezbollah et Israël, le chef du Futur a commencé par stigmatiser « l’absence totale du gouvernement », mettant en garde contre « des tentatives de menacer la stabilité » à la veille du vote (en Conseil de sécurité) pour le prolongement du mandat de la Finul (prévu fin août, NDLR).
Saad Hariri s’exprimait quelques jours après le report sine die du congrès du Futur, initialement prévu le 25 juillet. L’ex-Premier ministre devait saisir l’occasion pour s’adresser à ses alliés comme à ses adversaires, notamment le Hezbollah, deux semaines avant la séance que tiendra le Tribunal spécial pour le Liban le 7 août à La Haye pour rendre son jugement dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri, ancien Premier ministre et père de Saad Hariri, à Beyrouth le 14 février 2005. Un dossier dans le cadre duquel quatre membres présumés du Hezbollah sont jugés par contumace. Pour le moment, Saad Hariri se contente d’assurer qu’il prendra position le 7 août à La Haye. Sauf que cela n’est pas sans susciter des interrogations autour d’un éventuel retour au modus vivendi observé avec le Hezbollah, en vue de préserver la stabilité du pays. Dans certains milieux politiques, on fait état d’une réunion tenue par plusieurs personnalités politiques, il y a quelques jours, en présence notamment d’Amine Gemayel, ancien chef de l’État, et de Fouad Siniora, ex-Premier ministre. Selon les informations, les anciens ministres Khaled Kabbani et Rachid Derbas étaient également présents. Dans les mêmes milieux, on croit savoir que les discussions auraient porté sur le verdict du TSL et ses incidences sur la scène locale. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Fouad Siniora confirme que la réunion a bien eu lieu. « Il s’agissait d’une occasion pour passer en revue les développements locaux, et la manière dont il faudrait appréhender le jugement du TSL », dit-il, jugeant qu’il est « encore tôt » pour se poser des questions autour des rapports entre le Futur et le Hezbollah dans l’après-7 août.
Mr. Diab a fait des réformes deux heures sur 24 h. De l'électricité , ha ha ha
16 h 42, le 30 juillet 2020