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Économie - Consommation

Les rayons des commerçants appelés à se dégarnir de plus en plus

Ce sont les maigres réserves en devises de la Banque du Liban qui financent les importations de denrées alimentaires et de matières premières pour l’industrie.


Les rayons des commerçants appelés à se dégarnir de plus en plus

Selon les témoignages recueillis, certains supermarchés continuent de réassortir leurs rayons avec la quasi-totalité des produits, importés ou locaux, qu’ils avaient l’habitude de vendre, alors que d’autres ont drastiquement réduit leur choix de marques. Photo C.A.

Alors que le risque de pénurie de carburant revient régulièrement sur le devant de la scène en marge de la crise que traverse le pays, les consommateurs libanais sont nombreux à constater la disparition, progressive mais de plus en plus prononcée, de nombreux produits – alimentaires ou non – qu’ils avaient l’habitude de trouver dans les supermarchés et les commerces de proximité.

« Il m’a fallu faire le tour de quatre établissements pour trouver le produit que je cherchais », raconte une habitante de Beyrouth cherchant une marque de fromage français. Une autre résidente de la capitale affirme avoir eu beaucoup de mal à se procurer de la feta grecque. Toujours à Beyrouth, un couple a affirmé avoir dû faire cinq petits commerces dans un quartier de la capitale pour trouver une certaine marque de confiserie, importée elle aussi. Dans le Metn, la boutique d’une station-service n’a pas renouvelé plusieurs catégories de produits, dont toutes les marques de chewing-gums, qui ont littéralement disparu. « Le patron n’a pas renouvelé les stocks parce qu’il attend de voir comment le taux dollar/livre va évoluer pour savoir ce qu’il va commander et à combien il pourra le vendre en livre », a soufflé un des employés.

Différence d’une région à l’autre
« Que ce soit à Beyrouth ou dans d’autres régions, la situation peut varier du tout au tout en fonction des enseignes. Certaines continuent de réassortir leurs rayons avec la quasi-totalité des produits, importés ou locaux, qu’ils avaient l’habitude de vendre, en augmentant toutefois les prix en livre à des niveaux parfois hallucinants. D’autres ont drastiquement réduit leur choix de marques, soit pour certaines catégories de produits soit pour l’ensemble de leurs marchandises importées », explique un résident du Mont-Liban. « Il n’y a pas que sur les gammes de produits alimentaires que l’offre a été réduite. Les produits de nettoyage ou encore les articles pour animaux de compagnie ont été particulièrement affectés, pour ne citer que ces exemples. Pour d’autres lignes de produits, comme ceux de nettoyage (lessive, vaisselle), certaines marques classées haut ou milieu de gamme ont disparu au profit d’alternatives bas de gamme, de qualité moindre, mais dont les prix en livre restent plus acceptables », ajoute-t-il.

Le Liban importe la majorité des produits consommés sur le marché local. Les importations sont réglées en dollar et les prix sont calculés en fonction de la parité entre le billet vert et la livre libanaise, qui a beaucoup perdu de sa valeur depuis le début de la crise, fin août dernier. Le taux dollar/livre sur le marché noir a atteint 7 500 livres pour un dollar à l’achat et 8 000 livres à l’achat, selon le site Lebaneselira.org, et respectivement 7 200 livres et 7 400 livres, selon l’application Sarraf Lebanon. Ce niveau sans commune mesure avec le taux de change officiel de 1 507,5 livres – artificiellement maintenu en vie par la Banque du Liban – est cependant relativement stable depuis une dizaine de jours, après avoir flirté avec la barre des 10 000 livres. Une stabilisation durable du taux dollar/livre n’est pas envisageable sans réformes en profondeur du pays, qui a accumulé des dizaines de milliards de dollars de pertes et qui négocie une assistance financière avec le Fonds monétaire international.

La disparition d’une partie des biens de consommation des commerces libanais s’inscrit donc dans un contexte de morosité ambiante et de perte de confiance quasi-totale des Libanais dans les institutions publiques et bancaires du pays, ce qui a naturellement alimenté les spéculations autour des raisons de la disparition de certaines marchandises. La brutale dépréciation de la livre a poussé certains commerçants à retirer quelques références de leurs rayons, devenues trop chères. Mais des voix, à l’image de celle de l’Association des consommateurs libanais, ont aussi récemment accusé une partie des commerces de « stocker les marchandises importées afin de pouvoir les revendre plus tard, lorsque les prix auront augmenté ».

Les produits périssables
Si cette hypothèse peut être envisageable en ce qui concerne les produits non périssables (notamment le carburant, les pièces de rechange automobile ou les matériaux de construction, pour ne citer que ces exemples), elle reste cependant largement rejetée par les professionnels du secteur commercial, surtout lorsqu’elle concerne les biens de grande consommation, notamment les denrées alimentaires.

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Le président du syndicat des importateurs de produits alimentaires, Hani Bohsali, considère par exemple que stocker ce type de marchandise est « aberrant d’un point de vue économique », dans la mesure où le coût du stockage – électricité, gardiennage, entretien et éventuelle réfrigération – reste élevé et ponctionne sensiblement les marges pouvant être éventuellement réalisées à court et moyen terme. Même son de cloche de la part du président du syndicat des supermarchés, Nabil Fahed, qui juge la démarche contreproductive à un moment où les commerçants cherchent à tout prix à maintenir un certain semblant d’activité.

Le président du syndicat des importateurs reconnaît toutefois que certains commerçants peuvent être tentés de stocker certains produits dans la crainte d’une pénurie spécifique et non de la disparation de la catégorie de biens à laquelle ils appartiennent, précisant toutefois que ce dernier scénario reste improbable. Il reste que le récent scandale lié au dépôt de viande de poulet dans la région de Zekrit (Metn), dans lequel ont été découverts des stocks de volailles aux dates d’expiration remontant parfois à 2016, montre que certains commerçants peuvent être parfois tentés d’aller très loin dans l’illégalité pour générer des profits.

Une source proche de l’Association des commerçants de Beyrouth a pour sa part remarqué que « certains produits avaient disparu chez certains commerçants alors qu’ils restaient disponibles chez d’autres ». Elle souligne également la différence de prix d’un même produit d’une même marque vendu par deux enseignes différentes, sans fournir d’autre explication que la tentation d’une partie des professionnels de gonfler illégalement leurs marges, sans préjudice pour ceux qui continuent de travailler de bonne foi.

L’inefficacité des subventions

S’agissant enfin de la hausse des prix de certains biens de grande consommation importés, le président des importateurs de denrées alimentaires a assuré cette semaine que la baisse des prix des denrées alimentaires subventionnées allait commencer à se faire ressentir graduellement. Le gouvernement et la Banque du Liban avaient en effet actualisé le 8 juillet le mécanisme de subvention du « panier alimentaire élargi » permettant de subventionner les importations de 300 produits, essentiellement alimentaires (circulaire n° 564 actualisant la n° 557 du 27 mai). Ce mécanisme s’ajoute à ceux existants pour plusieurs catégories d’importations stratégiques, dont le carburant (circulaires n° 530 et n° 535 adoptées l’automne dernier). Ces mécanismes ont été toutefois critiqués, soit parce qu’ils allongent la durée des transactions, soit qu’ils donnent un droit de regard aux ministères impliqués dans leurs mises en œuvre et à la Banque du Liban (BDL) dans le choix des entreprises qui en bénéficient ; ou encore le fait, soulevé il y a quelques jours sur Twitter par le député Michel Daher, que les montants prélevés sur les réserves en devises stockées à la BDL ne profitent pas à ceux qui en ont le plus besoin.

Un argument évoqué par le parlementaire pour les subventions sur les importations de carburant – dont une partie alimente la contrebande vers la Syrie aux frais des réserves de la BDL–, et qui a été repris à son compte par Nabil Fahed qui estime que ces subventions « profitent plus aux riches qu’aux pauvres ». Un rapport de 2013 du Fonds monétaire international, qui a étudié les subventions énergétiques dans les pays en développement, lui donne raison, montrant que dans ce cas, 43 % des subventions sont utilisées par les 20 % les plus riches. L’institution financière internationale pointe également du doigt que cette subvention provient de fonds publics, « qui se substituent à d’autres dépenses publiques plus utiles ». Dans le cas du Liban, ce sont les maigres réserves en devises de la BDL, évaluées à 30,8 milliards de dollars à mi-juillet, selon ses chiffres relayés par Lebanon this week de Byblos Bank, qui financent les importations de denrées alimentaires et de matières premières pour l’industrie.


Alors que le risque de pénurie de carburant revient régulièrement sur le devant de la scène en marge de la crise que traverse le pays, les consommateurs libanais sont nombreux à constater la disparition, progressive mais de plus en plus prononcée, de nombreux produits – alimentaires ou non – qu’ils avaient l’habitude de trouver dans les supermarchés et les commerces de...

commentaires (4)

Hou la la elle n'a pas trouvé facilement son fromage français. Et eux leur marque de confiserie importée. 4 à 5 boutiques pour être satisfaits. Quant aux chewing-gums... et ben je ne m'attendais pas à ça au vu du titre. On dirait des enfants gâtés privés de dessert. Décidément y en a qui n'ont pas appris à relativiser. La leçon est difficile.

Sybille S. Hneine

17 h 26, le 24 juillet 2020

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Commentaires (4)

  • Hou la la elle n'a pas trouvé facilement son fromage français. Et eux leur marque de confiserie importée. 4 à 5 boutiques pour être satisfaits. Quant aux chewing-gums... et ben je ne m'attendais pas à ça au vu du titre. On dirait des enfants gâtés privés de dessert. Décidément y en a qui n'ont pas appris à relativiser. La leçon est difficile.

    Sybille S. Hneine

    17 h 26, le 24 juillet 2020

  • CE GOUVERNEMENT EST LE PLUS NOCIFS QUE TOUS LES PRECEDENTS : les autres le faisaient pour se mettre de l'argent en poche , tout le monde le savait et tous les politiciens le permettait et le peuple silencieux le savait aussi et ne disait rien Ce gouvernement sous des aspects d'aide a la population Libanaise oblige la banque du Liban a donner des subventions dans le taux du dollar pour importer des denrees et nourriturs et medicaments et petrol /mazout etc...SANS INTERDIRE FERMEMENT LA REEXPORTATION DES BIENS IMPORTES AVEC CETTE SUBVENTION D'OU UNE BRUSQUE REMONTEE DES EXPORTATIONS DE CES PRODUITS SOUVENT LEGALEMENT PAR LES PORTS ET AEROPORTS OFFICIELS ET SOUVENT AUSSI PAR LES FRONTIERES ILLEGALES AVE NOTRE VOISIN DU NORD C'EST UNE MECONNAISSANCE CERTAINES DES IMPORTATEURS LIBANAIS OU UNE INCOMPETENCE DE METTRE AVEC LES SUBVENTIONS DES CONDITIONS DRACONIEEN DE CONTROLE SUR LES MARCHANDISES IMPORTEES ET L'INTERDICTION DE LEURS REEXPORTATION LA VERITE CE GOUVERNEMENT PAR SON TRAVAIL TRES MINUTIEUX EST INCOMPETENT A COMPRENDRE QUE LES PERSONNES QUI ONT VOLE L'ETAT DEPUIS DES ANNEES LE LAISSE PILLE L'ARGENT DES DEPOSANTS QUI SONT ENCORE A LA BDL POUR ENGRAISSER ENCORE PLUS LES HOMMES D'AFFAIRES TOUS LIES AUX PARTIS AU POUVOIR A QUAND LA DELIVRANCE

    LA VERITE

    16 h 50, le 24 juillet 2020

  • Il faut comprendre que nous nous paupérisons de jour en jour à cause de ces incompétents et malhonnêtes qui nous ont gouverné les 30 dernières années. Ceci dit, il faudrait aussi que les libanais arrêtent un peu leur BATAR... même dans les supermarchés en France on trouve un nombre réduit de marques.

    Lecteur excédé par la censure

    16 h 13, le 24 juillet 2020

  • ET CE N,EST QUE LE DEBUT. AVEC NOS ABRUTIS CORROMPUS, VOLEURS ET INCOMPETENTS IL FAUT S,ATTENDRE AU PIRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 42, le 24 juillet 2020

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