
Béchara Raï au cours de son homélie dimanche à Dimane. Photo ANI
Le patriarche maronite Béchara Raï a été au centre de l’actualité politique du week-end écoulé, comme il l’est depuis qu’il a lancé sur la scène locale l’idée d’une neutralité du Liban, il y a deux semaines de cela. Durant les deux derniers jours, et notamment dans son homélie d’hier à Dimane, il a repris son bâton de pèlerin pour mieux expliciter cette proposition qui a mis le pays en émoi, assurant qu’il ne s’agit pas « d’une proposition confessionnelle, de classe ou importée, mais une réappropriation de notre identité et de notre nature libanaise ».
Comme le note un observateur, la proposition du patriarche autour de la neutralité a acculé les acteurs sur la scène politique à prendre position, s’attirant nombre de défenseurs, et des détracteurs dont la voix se fait entendre de plus en plus, à l’instar du cheikh Abdel Amir Kabalan, président du Conseil supérieur chiite (voir par ailleurs), et de deux autres dignitaires de la même communauté vendredi. Plus au centre, il y a la prise de position de ceux, à l’instar du Courant patriotique libre, qui estiment qu’une telle proposition requiert un dialogue et une entente nationale.
La neutralité du Liban sera-t-elle le point de départ de la création d’un nouveau schisme ? Les propos du patriarche hier semblaient, bien au contraire, lui donner une dimension de rassemblement, la qualifiant de « salut pour tous les Libanais sans exception ». Et dans tous les cas, les visites du Premier ministre Hassane Diab samedi et du chef du CPL, le député Gebran Bassil, hier, à la tête d’une délégation, ainsi que la participation de Mgr Raï à une messe pour la fête de saint Charbel à Bkaakafra samedi, en présence du chef des Forces libanaises Samir Geagea, montrent à quel point le patriarcat a visé un point sensible qui l’a propulsé au centre des préoccupations politiques, dans un pays faisant face à la pire crise économique – voire existentielle – de son histoire.
De sources concordantes, on estime que le patriarche maronite est déterminé à aller jusqu’au bout pour défendre son idée. Il l’a d’ailleurs lui-même réaffirmé hier soir, lors d’une messe à Harissa, lorsqu’il a dit que « la prise de position en faveur de la neutralité n’est pas circonstancielle, mais de principe ». Il devrait se rendre au Vatican incessamment, dès cette semaine pour certains, ou vers la mi-août pour d’autres, en attendant le retour du pape François. Mais l’appui à la neutralité du Liban ne vient pas que du Vatican.
« Le salut pour tous les Libanais »
Dans son homélie d’hier, le patriarche a donc martelé que « la neutralité n’est pas une proposition confessionnelle, de classe ou importée, mais une réappropriation de notre identité et de notre nature libanaise. Elle constitue une démarche de salut pour tous les Libanais sans exception, et j’espère que le concept de neutralité sera compris de manière objective, à travers des dialogues intellectuels qui révéleront sa nature nationale et politique et son importance pour le développement du Liban et de la région ». « Le système de neutralité requiert l’existence d’un État fort à travers son armée, ses institutions et des lois capables de le défendre et de créer la stabilité politique et le développement économique », a ajouté le prélat maronite. Celui-ci a ensuite critiqué le gouvernement de Hassane Diab, en évoquant la crise actuelle. « Nous compatissons aujourd’hui avec les Libanais qui souffrent de la pauvreté et de la pénurie, alors que leur nombre augmente en raison de l’incapacité du gouvernement à effectuer des réformes dans les secteurs concernés », a déploré Mgr Raï.
Un message « clair », selon le CPL
C’est dans ce contexte que Mgr Raï a reçu hier le député Gebran Bassil, accompagné du député Ibrahim Kanaan et de l’ancien ministre Mansour Bteich. Tout comme le Premier ministre Hassane Diab la veille, M. Bassil a prôné un dialogue national autour de cette idée. « Le CPL est en faveur de la neutralité du Liban, et nous avons appliqué cela au sein du ministère des Affaires étrangères », a affirmé l’ancien chef de la diplomatie libanaise, à l’issue de l’entretien.
« La neutralité est une décision qui relève de nous et des autres », a-t-il encore estimé. « La neutralité est une prise de position stratégique pour laquelle nous devons assurer les circonstances du succès. Ces circonstances se basent sur l’entente interne, qui requiert un dialogue national afin d’aboutir à une conviction nationale. À défaut de quoi, nous risquons de provoquer des problèmes intérieurs », a-t-il nuancé. Gebran Bassil a également appelé à assurer « un parapluie international afin d’appliquer la neutralité, et la nécessité pour les pays voisins de reconnaître ce principe ».
« Nous sommes en faveur de la neutralité qui protège le Liban et son unité, ainsi que toutes ses composantes, le prémunissant ainsi des ambitions d’Israël et lui ôtant le fardeau des déplacés », a-t-il ajouté, en référence au million de réfugiés syriens qui se trouvent au Liban.
La déclaration de M. Bassil a été jugée par certains comme affirmant la chose et son contraire, ou comme cherchant à imposer des conditions jugées difficiles à l’application de la neutralité. D’autres sources vont même jusqu’à dire que le chef du CPL aurait été mis à mal par la proposition du patriarche, non seulement du fait de son alliance avec le Hezbollah, mais aussi en raison des débats au sein de son parti, qui opposeraient les partisans d’un soutien aux propositions du patriarche à ceux qui n’y sont pas favorables.
Antoine Constantine, directeur de communication de M. Bassil, dément catégoriquement tout flou dans les propos de ce dernier. « La déclaration est très claire, affirme-t-il à L’Orient-Le Jour. Pour que la neutralité aboutisse aux résultats escomptés, il y a des conditions à respecter, notamment le dialogue et le consensus autour d’un concept qui requiert un positionnement stratégique. Ce ne sont pas des conditions mises par le CPL mais les conditions sine qua non du succès de cette entreprise, que le parti souhaite. »
Selon M. Constantine, l’atmosphère de l’entretien était « très positive ». « M. Bassil a expliqué que la neutralité, dans son acception internationale, nécessite non seulement une décision interne, mais une approbation externe, poursuit-il. Mgr Raï a remercié le chef du CPL de l’avoir éclairé sur ce point. » Il souligne cependant que, contrairement à ce qu’affirment certains, le CPL ne ressent aucun embarras par rapport à son allié du Hezbollah, estimant qu’il tient du préjugé de considérer que le parti chiite se sent visé par cette proposition.
Mgr Raï a par ailleurs participé à une grande messe à l’occasion de la fête de saint Charbel hier soir à Harissa, dans une basilique pleine à craquer. Significatives étaient la participation de figures de la société civile, notamment de la contestation populaire, ainsi que la lecture de l’Évangile par le bâtonnier Melhem Khalaf.
Ayant attentivement lu les declarations du CPL (Mr Gendre et Mr Conseiller dudit gendre) je pose la question avec le plus grand sérieux : est-ce l'ombre du regrette BOURVIL qui fait la politique de ce triste parti ?
10 h 49, le 20 juillet 2020