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Société - Restrictions bancaires

« Depuis juin, je survis à l’étranger avec 30 dollars par mois... »

À partir du moment où les banques ont réduit leurs limites de retraits mensuels, de nombreux Libanais bloqués à l’étranger à cause de la pandémie se voient contraints de survivre avec des sommes dérisoires.

« Depuis juin, je survis à l’étranger avec 30 dollars par mois... »

Un distributeur automatique de billets vandalisé à Beyrouth, en janvier dernier, signe de la grogne populaire grandissante face aux restrictions bancaires. Anwar Amro/AFP

Voilà bientôt cinq mois que Yehia, âgé de 29 ans, est bloqué au Népal. Initialement parti pour une retraite spirituelle de deux mois, il s’est retrouvé contraint d’y rester lorsque le Liban a décidé de fermer ses frontières en mars dernier, pour enrayer la progression du Covid-19. Le jeune homme a dépensé tout l’argent qu’il possédait en espèces et depuis le 1er juin sa banque a plafonné ses retraits à uniquement 30 dollars par mois. Bloqués ou installés à l’étranger depuis que le transport aérien mondial a été interrompu à cause de la pandémie du coronavirus, de nombreux Libanais doivent vivre, comme Yehia, sans ressources ou presque. Et pour cause : ils n’ont pas accès à leurs comptes bancaires et sont soumis aux restrictions draconiennes imposées par les banques sur les retraits effectués à partir de l’étranger. Au fur et à mesure que la crise économique et financière que traverse le Liban s’accentue, les restrictions se font de plus en plus dures : certains Libanais vivent avec quelques dizaines de dollars par mois, lorsqu’ils sont encore autorisés à retirer de l’argent. Pourtant, leurs comptes ne sont pas dégarnis. Ce sont les banques qui ont drastiquement réduit leurs limites de retrait à l’étranger ces derniers mois, les montants encore autorisés devenant tellement dérisoires dans certains cas qu’ils ne suffisent même pas à couvrir les dépenses de la vie quotidienne. En moyenne, les Libanais peuvent effectuer des retraits allant de 30 à 100 dollars par mois.

« Au départ, je pouvais retirer 100 dollars par mois, ce qui n’était pas suffisant bien entendu. En plus de cela, à chaque retrait, je payais des frais de 15 dollars à ma banque au Liban et 5 dollars à celle d’où je retirais la somme au Népal. Je perdais 20 dollars à chaque fois. Mais, depuis juin, je survis avec 30 dollars par mois », raconte Yehia à L’Orient-Le Jour.

« Lorsque j’ai appris la nouvelle, je me suis énervé et j’ai menacé la banque de brûler mon passeport en direct sur les réseaux sociaux. On m’a alors autorisé à dépenser 100 dollars par mois mais en ligne. Le problème est que je ne peux presque rien payer en ligne ici. J’ai besoin de cash », fulmine le jeune homme, d’autant plus furieux qu’il découvre par hasard que sa banque adopte une politique de deux poids, deux mesures à l’égard de ses clients. « Une fois, on m’a appelé par erreur pour me dire que je pouvais retirer 1 800 dollars. Je n’en revenais pas. J’ai découvert ensuite à mes dépens qu’ils pensaient s’adresser à un autre client et que j’étais autorisé à retirer 100 dollars seulement. J’étais furieux », s’indigne-t-il.

En manque de ressources, Yehia a réfléchi à quelques moyens de subvenir à ses besoins et s’est lancé dans un projet de photos en espérant qu’il lui rapportera de l’argent. Entre-temps, le jeune homme est constamment en négociation avec sa banque qui estime, raconte-t-il, qu’il est temps pour lui de rentrer au pays... « La banque se prend pour mes parents et me dit que je dois rentrer au Liban, maintenant que les vols ont repris, mais le Népal n’a pas rouvert ses frontières », s’exclame-t-il, de plus en plus outré.

« On nous dit qu’il pourrait y avoir un avion en août à destination de Beyrouth, mais je ne sais même pas comment payer mon billet », poursuit le jeune Libanais.


Une femme retirant de l’argent d’un distributeur de billets protégé par une porte en fer à Beyrouth. De nombreux établissements bancaires de la capitale restreignent désormais l’accès à leurs distributeurs durant la nuit. AFP/Patrick Baz


De 3 000 euros à zéro...
Sous couvert d’anonymat, R., un dentiste basé à Beyrouth, mais dont les parents sont bloqués en Grèce depuis février, dénonce une situation tout aussi insoutenable que celle de Yehia. Ses parents, retraités et âgés, pensaient pouvoir utiliser la carte bancaire de leur fils, n’ayant pas pu retirer de l’argent avant de partir. À l’époque, les banques étaient fermées et il n’était pas possible de retirer des espèces dans les distributeurs automatiques. Depuis février, leur limite de retrait est passée de 3 000 euros par mois... à zéro euro au 1er juillet.

« J’ai une carte bancaire qui me coûte 100 dollars par an, mais je peux utiliser 0 euros à l’étranger », déplore ce dentiste qui dénonce le « manque de professionnalisme » des banques libanaises. « En février, la limite de retrait était de 3 000 euros par mois, puis elle a été réduite à 1 500 euros. En avril, c’est passé à 100 euros par mois. À ce moment-là, j’ai perdu la tête », raconte-t-il à L’Orient-Le Jour. Après d’âpres négociations, la banque autorise finalement les parents de R. à retirer 875 euros au mois d’avril. Sauf qu’en mai et en juin, la limite de retrait tombe de nouveau à 100 euros. R. avoue passer plus de temps à la banque que dans son cabinet, à parlementer pour que l’établissement relève le plafond de retrait pour ses parents. « Au 1er juillet, j’ai découvert avec stupeur qu’ils ne pouvaient plus rien retirer », confie le dentiste. Rebelote. Il réussit, au prix d’un stress insoutenable, à transférer à ses parents 300 euros puisés dans les limites autorisées sur 4 cartes différentes lui appartenant ainsi qu’à son épouse. Une somme qui reste insuffisante pour couvrir les dépenses de ses parents. « C’est affreux. Mes parents vivent au jour le jour et se serrent la ceinture, alors que j’ai de l’argent sur mon compte. Au pire des cas, j’achèterai des dollars chez les changeurs, au taux du marché noir et je trouverai peut-être le moyen de les leur envoyer, en attendant qu’ils puissent revenir à Beyrouth », espère ce dentiste.

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Ce qui accentue son désarroi, comme d’autres Libanais bloqués ou installés à l’étranger, c’est que les autorités sont complètement indifférentes face à ce problème. Les personnes qui se trouvent dans cette situation s’affolent parce qu’elles savent qu’elles n’ont aucun recours et que si elles ont le moindre problème de santé ou autre, les autorités libanaises ne feront rien pour les aider. Ces Libanais ne sont pas démunis, mais ils sont privés d’accès à leurs comptes bancaires alors qu’ils pourraient, comme leurs compatriotes au Liban, disposer à certaines conditions de leur argent.

« Rien n’est garanti pour août »
C’est ce que souligne sous couvert d’anonymat également cette jeune femme libano-lituanienne, coincée depuis fin février en Lituanie avec son fils de deux ans. I. tente de survivre avec 500 dollars par mois. Sa limite de retrait avait été réduite sans préavis. « Survivre avec 500 dollars par mois ici est difficile, surtout avec un enfant. Avec cette somme, je peux uniquement acheter à manger et quelques tickets de bus. Mais si je dois faire face à une urgence, je serai dans de beaux draps. Mon fils devra être vacciné bientôt et nous ne sommes pas assurés ici. Si je veux contracter une assurance, il va falloir débourser 900 euros, confie-t-elle à L’OLJ, ce que je ne suis pas en mesure de faire. »

« J’avais une limite de 5 000 dollars par mois, qui est tombée à 1 000 en janvier. Ça allait encore avec 1 000 dollars. Mais à la mi-mai, la banque a réduit le montant autorisé de moitié. Avec 500 dollars, je peux survivre 15 jours ici », déplore la jeune femme.

Après avoir contacté sa banque et haussé le ton, elle parvient à obtenir 1 500 dollars en juillet, mais la banque l’a prévenue « que rien n’est garanti pour août ». De plus, I. et son fils ne peuvent rentrer au Liban car la compagnie aérienne avec laquelle ils ont voyagé n’a pas encore repris ses vols vers Beyrouth et acheter de nouveaux billets est impossible avec les restrictions imposées par sa banque.

« Nous avons le droit d’utiliser notre argent comme nous voulons. Les banques n’ont pas à nous dicter nos dépenses ou notre mode de vie », s’insurge cette mère de famille. « J’ai peur de me sentir emprisonnée, une fois de retour au Liban. Les banques s’attendent à ce que l’on fasse tout ce qu’elles veulent. Nous ne sommes même pas sûrs de pouvoir accéder un jour à cet argent que nous gagnons à la sueur de notre front. C’est tout simplement horrible », s’affole-t-elle.La situation des Libanais à l’étranger ne devrait pas s’arranger de sitôt. Cela est presque sûr. Selon certaines sources à l’Association des banques du Liban, on laisse entendre qu’il ne sera pas possible de lever ces restrictions dans un proche avenir. Il n’en reste pas moins que les Libanais coincés en dehors du pays peuvent tout de même appeler l’ABL au numéro vert suivant : 00 961 1 970 500, pour une aide éventuelle.

Voilà bientôt cinq mois que Yehia, âgé de 29 ans, est bloqué au Népal. Initialement parti pour une retraite spirituelle de deux mois, il s’est retrouvé contraint d’y rester lorsque le Liban a décidé de fermer ses frontières en mars dernier, pour enrayer la progression du Covid-19. Le jeune homme a dépensé tout l’argent qu’il possédait en espèces et depuis le 1er...

commentaires (6)

Ah les banques et la BDL, ils savaient très bien ce qu’ils faisaient, comme j’ai appris récemment que c’est une méthode qui avait été pratiquée dans d’autres pays et qui ont par la suite subi une faillite. Méthode simple, dont j’ai été victime aussi: Les responsables de la banque proposent au déposant (et souvent le harcèlent) de changer ses dollars en livres libanaises avec un taux d’intérêt intéressant sur 3 ans en lui affirmant que c’est un investissement sans risque car garanti par la BDL et l’Etat et que, à la fin de la date de maturité, il pourra reconvertir ses livres en dollars au même taux approximatif de 1500. Le faît que l’investissement était sur 3 ans et qu’il n’était pas possible d’investir sur 1 ou 2 ans seulement me fait penser que les banques et la BDL savaient bien ce qu’ils faisaient. Ils savaient donc à l’avance (délit d’initié) que la situation financière de la chaîne Etat-BDL-banques allait se détériorer, donc bien au courant que l’argent était détourné et viré à l’étranger. Comme le compte était bloqué sur 3 ans, le déposant ne pouvait plus rien faire quand les premières rumeurs du désastre se faisaient entendre. Conclusion: ARNAQUE A GRANDE ECHELLE IMPLIQUANT BANQUES, BDL ET ETAT. Dans un pays qui se respecte, tout ce beau monde aurait déjà affaire à la justice.

GKaram49

17 h 00, le 17 juillet 2020

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Commentaires (6)

  • Ah les banques et la BDL, ils savaient très bien ce qu’ils faisaient, comme j’ai appris récemment que c’est une méthode qui avait été pratiquée dans d’autres pays et qui ont par la suite subi une faillite. Méthode simple, dont j’ai été victime aussi: Les responsables de la banque proposent au déposant (et souvent le harcèlent) de changer ses dollars en livres libanaises avec un taux d’intérêt intéressant sur 3 ans en lui affirmant que c’est un investissement sans risque car garanti par la BDL et l’Etat et que, à la fin de la date de maturité, il pourra reconvertir ses livres en dollars au même taux approximatif de 1500. Le faît que l’investissement était sur 3 ans et qu’il n’était pas possible d’investir sur 1 ou 2 ans seulement me fait penser que les banques et la BDL savaient bien ce qu’ils faisaient. Ils savaient donc à l’avance (délit d’initié) que la situation financière de la chaîne Etat-BDL-banques allait se détériorer, donc bien au courant que l’argent était détourné et viré à l’étranger. Comme le compte était bloqué sur 3 ans, le déposant ne pouvait plus rien faire quand les premières rumeurs du désastre se faisaient entendre. Conclusion: ARNAQUE A GRANDE ECHELLE IMPLIQUANT BANQUES, BDL ET ETAT. Dans un pays qui se respecte, tout ce beau monde aurait déjà affaire à la justice.

    GKaram49

    17 h 00, le 17 juillet 2020

  • LE MALHEUR DES LIBANAIS VIVANT A L,ETRANGER ET QUI ONT PRATIQUEMENT PERDU TOUTES LEURS ECONOMIES AU LIBAN CAR N,AYANT PAS LA POSSIBILITE DE RETIRER FUT-CE UN DOLLAR EST PLUS TERRIBLE QUE LES LOCAUX QUI PEUVENT AU MOINS TIRER DES SOMMES FUT-CE EN L.L. ET JE NE PARLE PAS DES LOCAUX QUI SONT COMPLETEMENT SANS ARGENT CAR C,EST A LA MORT CERTAINE QU,ON LES CONDAMNE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 13, le 17 juillet 2020

  • A BAS LES BANQUES ET LES BANQUIERS AU LIBAN = Politiciens véreux.

    Marie Claude

    08 h 14, le 17 juillet 2020

  • "ce dentiste qui dénonce le « manque de professionnalisme » des banques libanaises": ce n'est pas du tout un manque de professionalisme, mais un niveau inégalé (voire inégalable) de professionalisme en matière de banditisme...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 42, le 17 juillet 2020

  • L’Inertie du Gouvernement et des Ministères Concernes Face a ce mépris et cet abus envers le client est révoltante. La Resignation du Déposant, écrasé depuis plus de deux décennies par les diverses malversations du Pouvoir et du Système en place a encourage les Institutions Bancaires a prendre exemple sur les méthodes de ces derniers et a exploiter Cette faille en appliquant un Système draconien abusif et profondément malhonnête . La Déroute Financière est tellement énorme, la Crédibilité du Déposant tellement déroutante, le cynisme de nos politiciens tellement evident que toutes ces pratiques illégales et révoltantes continueront a sévir sans crainte et pour longtemps encore. Le risque de révolte et de reaction violente des petits déposants ayant été résolu par le remboursement de leurs depots, les argentiers tablent intelligemment et cyniquement sur le sens du civisme et de la mesure des vieux épargnants et des gros déposants pour leur faire avaler couleuvre apres couleuvre.

    Cadige William

    06 h 26, le 17 juillet 2020

  • Ceux qui vous ont volé sont au pouvoir , détrônez les ou bien taisez vous et cesser de vous plaindre comme des vielles madonnes

    Robert Moumdjian

    01 h 04, le 17 juillet 2020

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