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Moyen-Orient - Reportage

Mossoul toujours en ruine, trois ans après sa libération des jihadistes

Mossoul toujours en ruine, trois ans après sa libération des jihadistes

Une photo d’un même bâtiment détruit à Mossoul, à gauche en décembre 2018, à droite en juillet 2020. Ahmad al-Rubaye et Zaid al-Obeidi/AFP

Trois ans après la libération de Mossoul, Ahmad Hamed a appris, résigné, la patience. Comme des milliers d’autres Irakiens, il n’a toujours aucune perspective de reconstruction de sa maison détruite pendant la guerre contre les jihadistes. Pourtant, les dédommagements de l’État sont nécessaires pour relancer l’économie de Mossoul, ancien carrefour commercial du Moyen-Orient situé dans le nord d’un pays où un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Partout, ils sont plus encore à vivoter à peine au-dessus de ce seuil, avec tout juste 50 euros par mois. Particulièrement dans le Nord ravagé par la guerre contre le groupe jihadiste État islamique (EI). Avec la chute des cours de brut, la maladie du Covid-19 et la hausse des prix, ce taux devrait doubler sous six mois, prévient la Banque mondiale. Au chômage, Ahmad Hamed, 25 ans, lutte pour grappiller de quoi payer un loyer ailleurs à Mossoul. Car sa maison, sa voiture et l’ensemble de son quartier de la vieille ville ont explosé sous les bombardements aériens et les combats.

Une fois la ville libérée en juillet 2017, il a monté un dossier à la Commission des dédommagements créée en 2018. Tout a été validé et envoyé à Bagdad, lui a-t-on dit. Depuis, plus rien. « Les politiciens nous répètent qu’on doit rentrer chez nous, dit-il. Mais comment ? Nos maisons sont détruites et il n’y a aucun service public. »

« Fonds insuffisants »

Selon l’ONG Norwegian Refugee Council, 64 % des déplacés de Mossoul affirment qu’ils ne pourront plus payer leur loyer sous trois mois. Mohammad Mahmoud, chef de la Commission des dédommagements, affirme avoir reçu « 90 000 dossiers, entre 48 000 et 49 000 pour des biens, des maisons, des magasins et autres propriétés, et 39 000 pour des pertes humaines, des morts, des blessés ou des disparus ». Ali Élias, 65 ans, lui, attend des nouvelles de son fils enlevé en 2017 par les jihadistes. « Nous avons envoyé un dossier à Bagdad, mais nous n’avons pas eu de nouvelles », dit cet agriculteur d’un village à l’ouest de Mossoul. « Je suis vieux et exténué de passer ma vie dans les administrations. » Les dossiers des disparus sont les plus longs, « pour les dégâts matériels, les trois quarts des dossiers ont été traités, assure M. Mahmoud. Mais les fonds sont insuffisants et seules 2 500 familles ont été dédommagées. »

L’ONU a bien reconstruit 2 000 maisons, des usines de traitement d’eau, des centrales électriques, des départements d’hôpitaux, 150 écoles, des facultés et des commissariats. Mais c’est une goutte d’eau dans une métropole de plus de deux millions d’habitants, dont la vieille ville ressemble toujours à une immense colline de gravats. Car la reconstruction est fortement ralentie par les nombreux filtres pour éviter la corruption. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les 30 milliards de dollars promis par des bailleurs au Koweït début 2018 ne sont jamais arrivés en Irak. Elle est aussi freinée par la bureaucratie et la gabegie, endémiques. L’ex-gouverneur Nawfel Akoub, par exemple, a pendant des années rançonné, via des factions armées postées aux checkpoints bordant Mossoul, l’entrée des matériaux de construction, selon un rapport de l’Université américaine de Souleimaniyeh.

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En juin, tout juste nommé, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi s’est rendu entouré de la presse à Mossoul. Il a promis d’étudier « personnellement chaque contrat de reconstruction pour en finir avec l’exploitation et la corruption ». L’État s’est engagé à payer des pensions aux familles des « martyrs » et des victimes du « terrorisme » et à celles d’autres blessés. Mais avec un prix du baril de brut divisé par trois, une contraction de l’économie de 10 % – un plus bas en 20 ans – et un déficit record à 30 % du PIB, ces promesses semblent impossibles à tenir. Déjà en 2019, les ministères de l’Habitat et des Déplacés étaient parmi les moins bien dotés avec respectivement 2 % et 0,1 % du budget de l’État. « Bagdad n’a jamais répondu à la catastrophe », assène Mouzaham al-Khayat, qui avait dirigé la cellule de crise ayant remplacé un temps Nawfel Akoub, avant la nomination d’un nouveau gouverneur. « Nous avons réclamé au ministre des Finances de dédier 17 millions de dollars aux dédommagements, mais notre requête n’a jamais reçu de réponse, renchérit Mahassen Hamdoun, députée originaire de la région de Mossoul. Kazimi a fait plein de promesses, mais rien n’a été fait. »

Raad AL-JAMMAS/AFP

Trois ans après la libération de Mossoul, Ahmad Hamed a appris, résigné, la patience. Comme des milliers d’autres Irakiens, il n’a toujours aucune perspective de reconstruction de sa maison détruite pendant la guerre contre les jihadistes. Pourtant, les dédommagements de l’État sont nécessaires pour relancer l’économie de Mossoul, ancien carrefour commercial du Moyen-Orient...

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