Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Reportage

En Syrie, un musée de la soie en souvenir d’une industrie en déclin

Avant la guerre, le tourisme représentait 12 % du PIB.


En Syrie, un musée de la soie en souvenir d’une industrie en déclin

Mohammad Saoud, artisan à Deir Mama, le 22 juin 2020. Maher al-Mounes/AFP

Dans la Syrie en guerre, Mohammad Saoud a été privé de ses vers à soie. Mais après une vie consacrée à la confection du tissu précieux, le sexagénaire a converti son atelier en un modeste musée, dernier hommage à un artisanat en déclin. Sur les hauteurs verdoyantes de la province centrale de Hama, dans la bourgade de Deir Mama, M. Saoud, sa femme et ses trois enfants élevaient autrefois au printemps des vers à soie en les nourrissant de feuilles de mûrier. À l’automne, il pouvait alors tisser la soie à partir des cocons pour fabriquer des étoffes. L’activité économique a cessé avec le conflit déclenché en 2011. Mais M. Saoud a tenu à installer chez lui un musée qui permet aux visiteurs – rares pour le moment – de découvrir les étapes successives d’un artisanat faisant jadis la renommée mondiale de la Syrie. « Aujourd’hui dans notre village, je me bats seul pour maintenir le métier en vie », déplore M. Saoud. Dans la cour de sa maison, il exhibe des cocons de soie blancs qu’il a conservés. Il y a une grande roue en bois sombre, utilisée pour confectionner des fils. Un vétuste métier à tisser trône dans une pièce attenante. « Il n’y a plus que trois familles qui pratiquent notre profession dans toute la Syrie », regrette l’homme de 65 ans à la peau mate.

L’AFP avait rencontré en 2010 M. Saoud, qui se plaignait déjà des difficultés menaçant le secteur, malgré les efforts des autorités pour le revitaliser. Notre artisanat était « comme un homme malade dont nous espérions la guérison », se souvient M. Saoud.

« Coup de grâce »

À l’époque, environ 16 villages et 48 familles travaillaient dans l’élevage des vers à soie. La production des cocons était de 3,1 tonnes en 2010, contre 60 000 tonnes en 1908. « Mais la guerre est venue nous donner le coup de grâce », admet M. Saoud. Véritable célébrité locale, il est surnommé « Cheikh al-Kar » de la soie, titre coutumier décerné aux doyens de l’artisanat. Sur son métier à tisser, il effectue une démonstration, glissant la navette pour confectionner un bout d’étoffe. Dans un coin, différents modèles d’écharpes et de châles blancs sont accrochés au mur ou drapent des mannequins de couture. Si l’entrée du musée est gratuite, rares sont les curieux, dans un pays englué dans une grave crise économique, marquée par un effondrement de la monnaie et une flambée des prix. « La soie est un luxe au vu de la crise que nous vivons », reconnaît le sexagénaire. Il dépendait principalement des touristes avant le conflit. « Ce sont eux qui avaient les moyens de payer pour de la soie », confirme M. Saoud. « Aujourd’hui, il ne reste plus que les souvenirs », déplore-t-il, exhibant de vieilles photos de lui aux côtés de visiteurs, ou des articles de presse sur son atelier. « Il faudrait l’intervention du ciel pour sauver la profession », dit-il.

Chèvres

La Syrie est célèbre depuis toujours pour son artisanat raffiné, notamment la confection du brocart de Damas, étoffe tissée à la main avec de la soie naturelle et des fils d’or. Une légende urbaine voudrait qu’en 1947, le président de l’époque, Choukri al-Kouatli, ait offert un morceau de ce tissu à la reine Élisabeth II, qui l’aurait utilisé pour sa robe de mariage. Avant la guerre, le pays attirait les visiteurs étrangers qui faisaient vivre l’artisanat, et le tourisme représentait 12 % du PIB. « Les touristes achetaient la majeure partie de la production. On exportait des quantités importantes vers le Liban et les pays du Golfe », confirme Mourhaf Rahayyim, un responsable du ministère du Tourisme. Aujourd’hui, « le problème se résume à une question de commercialisation. Les vêtements en soie ne sont pas une priorité pour les Syriens », poursuit-il. À Deir Mama, l’épouse de M. Saoud, Amal, pratique toujours le crochet pour garder la main, avec des fils de soie. Comme son époux, elle ne cache pas sa tristesse face à la situation. « Il n’y a que nous qui cultivons encore des mûriers », déplore-t-elle, un châle en soie blanc, fabriqué au crochet, sur les épaules. « Mais cette année, au lieu de donner les feuilles aux vers à soie, on les a données aux chèvres », dit-elle.

Maher AL-MOUNES/AFP

L’OIAC épingle la Syrie pour des attaques chimiques au sarin

Les États membres de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ont prévenu hier Damas qu’ils pourraient prendre des mesures à son encontre, suite à un rapport désignant pour la première fois le régime syrien comme responsable d’attaques chimiques sur son propre sol. L’équipe d’identification et d’enquête (IIT) de l’organisation basée à La Haye a établi en avril que l’armée de l’air de Bachar el-Assad avait lâché en 2017 des bombes contenant du gaz sarin et du chlore à Latamné, dans le nord de la Syrie, violant ainsi la Convention sur les armes chimiques. La motion, proposée par la France, appelle Damas à « redresser la situation dans un délai raisonnable » et demande au directeur général de l’OIAC « de faire un rapport » à ce sujet, a déclaré cette semaine l’ambassadeur de France aux Pays-Bas, Luis Vassy. Il a également évoqué « des mesures qui pourraient être prises » lors de la Conférence des États membres en novembre en cas d’absence d’actions de la part de la Syrie. De telles mesures seraient « largement procédurales », la plus importante étant une éventuelle suspension des droits de vote de la Syrie à l’OIAC, d’après une source diplomatique.

Dans la Syrie en guerre, Mohammad Saoud a été privé de ses vers à soie. Mais après une vie consacrée à la confection du tissu précieux, le sexagénaire a converti son atelier en un modeste musée, dernier hommage à un artisanat en déclin. Sur les hauteurs verdoyantes de la province centrale de Hama, dans la bourgade de Deir Mama, M. Saoud, sa femme et ses trois enfants élevaient...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut