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On expose !

La peinture c’est comme la m…e ; ça se sent, ça ne s’explique pas.
(Toulouse-Lautrec)

Pour fragmentaire qu’elle fut au plan de la représentation nationale, pour brouillonne qu’elle s’avéra dans ses objectifs comme dans ses résultats, la concertation tenue jeudi au palais présidentiel aura tout de même été des plus concluantes, mais certes pas dans le sens souhaité par ses organisateurs.


Préparée à la va-vite, cette réunion était officiellement motivée par la nécessité de réaliser l’union sacrée des Libanais face, tantôt à la crise économique et financière, et tantôt au spectre de la guerre civile. Un large pan de l’éventail politique n’y a vu toutefois, à raison d’ailleurs, qu’une grossière manœuvre visant à renflouer un pouvoir en difficulté et totalement détaché des réalités et priorités du moment. À défaut d’une fresque illustrant d’idylliques retrouvailles nationales, ce sont donc trois tableaux de styles divers qui, ce jour-là, au musée de la présidence, auront accroché les regards des citoyens.


D’hyperréaliste pourrait être qualifié le premier, où l’on a vu un ancien maître des lieux mettre en doute l’utilité de ce genre de palabres dès lors que d’aucuns n’honorent pas les engagements antérieurement contractés. Artisan de la déclaration de Baabda qui bannissait toute implication libanaise dans les conflits régionaux, l’ex-président Michel Sleiman a eu beau reprocher au Hezbollah de n’avoir pas tenu parole, c’est à la milice qu’était acquis l’auditoire : cela au nom du réalisme, mot qui trop souvent dans notre pays sert de prétexte à toutes les compromissions.


Avec les deux autres tableaux, c’est au surréalisme que l’on passe sans transition. Même si elles ne trompent plus personne, les mensongères promesses de réformes et de lutte contre la corruption continuent certes de farcir discours et communiqués de clôture. Mais les badigeonneurs se sont surpassés cette fois, dépassant toutes ces humbles contingences pour affûter leurs pinceaux et s’en aller tâter de la science politique. Alors que se bousculent les urgences, que l’économie du pays est à terre, que les commerces ferment leurs portes en masse, que le chômage prolifère et que la famine guette la population, c’est de rénovation du système politique libanais que nous parlent ainsi ces beaux esprits.


Que le système soit loin d’être parfait, nul ne saurait le contester. Le mettre à jour nécessiterait toutefois des mois, sinon des années, d’âpres marchandages à connotation sectaire entre les partis, alors que la demeure brûle. Entrouvrir dès aujourd’hui la boîte de Pandore serait, de surcroît, fort imprudent : surtout de la part d’un régime affirmant œuvrer pour une présidence forte mais dont le maître a joué un rôle capital dans l’effondrement de la Ire République et l’adoption de la Constitution de Taëf. Mais surtout, il est clair que le vice réside moins dans les institutions que dans le criminel usage qu’en a fait, que continue d’en faire, une clique dirigeante aussi véreuse qu’incompétente, et dont l’éviction est vivement réclamée par les révolutionnaires du 17 octobre.


Dans cette galerie de méchantes croûtes, on nous a gardé le meilleur pour la fin : c’est le spectacle du Premier ministre reconnaissant que les citoyens n’ont que fiche de tous les flots de rhétorique déversés ce jeudi-là, car ils n’ont d’autre hantise en tête que la hausse insensée du cours du dollar. Comme à l’accoutumée, il en a tenu pour seul responsable le gouverneur de la Banque centrale ; en revanche, il a fait l’impasse sur la désespérante impuissance de son gouvernement à tenir ses promesses.


N’ayant rien de tangible à exhiber, c’est un petit chef-d’œuvre d’art abstrait que s’est appliqué, dès lors, à torcher Hassane Diab.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

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