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Lifestyle - La vie en roses

La maison des roses à Enfé, ou l’art de cultiver son propre bonheur

Promenade dans l’univers de Hafez Jreij, producteur passionné d’eau de rose traditionnelle et artisanale.

La maison des roses à Enfé, ou l’art de cultiver son propre bonheur

Le parfum entêtant des roses se dégage de la maison de Hafez Jreij à Enfé.

Parfois une balade dans la nature démarre avec une palette de parfums qui envahissent le promeneur et l’emportent ailleurs. Arrivé au terme de la traversée des roses qu’empruntent les producteurs d’eau de rose durant un mois pour acheter pétales et bourgeons directement à la source, le visiteur identifie, dès le premier effluve, l’entêtant parfum des roses qui se dégage de chez Hafez Jreij, à Enfé (Koura). Si toutes les maisons portent le nom de ceux qui y habitent, la sienne s’identifie aux productions qu’il se procure selon les saisons : tantôt la maison du sel, tantôt la maison des roses ou, plus simplement, la maison aux volets bleus. Hafez Jreij, septuagénaire, s’affaire tantôt à la récupération du sel d’Enfé, tantôt à la production d’eau de rose, de fleurs d’oranger ou celle de tisanes à la rose. « Bienvenue dans la maison des roses », lance Hafez Jreij à ses hôtes. Le spectacle qui s’offre au regard est impressionnant. Comme noyé dans une ambiance magique, le sol du séjour de la bâtisse est tapissé de pétales : une étendue de toutes les nuances de cette douce couleur qui part graduellement d’un rose pâle et doux à une teinte plus vive. La fraîcheur du sol empêche les pétales de s’assécher et de perdre l’eau qu’ils contiennent, le temps que le processus de distillation commence.

Les fleurs destinées à la production de tisanes de roses sont recueillies dans un grand panier posé dans un coin entre deux canapés. Composée de petits bourgeons asséchés, d’une couleur plus sombre virant au violet, ces roses contrastent avec les fleurs étalées sur le sol. « En ces temps difficiles, il faut que chacun de nous crée son bonheur de ses deux mains », lance Hafez Jreij, un brin philosophe. Depuis quand les roses font-elles son bonheur ? « Depuis toujours », répond-il sur-le-champ. « Je pense que le vécu de notre enfance nous accompagne tout au long de notre vie », confie-t-il, se souvenant précisément des jours où, dès son retour de l’école, il déposait son cartable par terre et s’empressait d’aider sa mère à produire l’eau de rose. « J’ai été très tôt fasciné par le processus de fabrication et tout ce qui l’accompagne », dit-il, avant de poursuivre : « Et jusqu’à aujourd’hui, je le suis toujours. »


Les roses de Hafez Jreij sont délicatement préservées avant que le processus de distillation ne commence. Photo João Sousa


Une eau de rose haut de gamme

Sa production d’eau de rose, Hafez Jreij en est fier. « C’est une eau de rose traditionnelle élaborée de manière artisanale ! » affirme-t-il, soulignant que sa production s’inscrit dans une tradition familiale déjà ancienne. Avant lui, ses parents et ses grands-parents fabriquaient déjà de l’eau de rose. « Dans le temps, posséder un alambic dans sa cuisine était aussi naturel que de posséder une marmite », se souvient le septuagénaire. Selon ses recherches personnelles, son nom de famille aurait même une racine grecque et signifierait « paysan » ou « gardien de la terre ». Tout un symbole.

C’est dans cette perspective que le producteur continue à produire de l’eau de rose et de la tisane de roses. « Regardez bien mon tapis de roses, est-ce que vous trouvez une seule feuille verte ? » demande-t-il à ses visiteurs. « Mon eau de rose est pure et parfaite. Certaines personnes ne prennent pas le temps de séparer les roses des feuilles, soit parce qu’elles n’en ont pas la patience, soit parce qu’elles perdent en poids si elles enlèvent les feuilles », déplore-t-il. Ce n’est pas le cas de ce passionné d’Enfé, happé par l’amour des roses depuis sa tendre enfance.

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Chaque année, au mois de juin, Hafez Jreij passe la majeure partie de ses journées assis sur une petite planche en bois, à côté d’un alambic posé devant sa maison. Il dose soigneusement l’eau et la quantité de fleurs. Deux heures plus tard, après que le mélange a bouilli, la distillation est réussie. La précieuse eau de rose se dépose au fond du container posé sous un robinet qui permet son évacuation. « Ce produit est béni par Dieu », dit-il, tout en soulignant que la tradition de dessiner de sa main une croix au-dessus de l’alambic avant d’entamer la distillation persiste depuis des décennies. « Jadis, nos grands-parents allaient jusqu’à recommencer le processus de zéro s’ils se rendaient compte qu’ils avaient oublié de bénir la distillation », confie-t-il, amusé.

Au total, 500 kilos de pétales de roses sont nécessaires pour produire les quelque 300 litres d’eau de rose artisanale que Hafez Jreij revend chaque année aux propriétaires de restaurants ainsi qu’à une clientèle qu’il a su fidéliser au fil des ans.

Hafez Jreij dose soigneusement l’eau et la quantité de fleurs nécessaires à la distillation. Photos João Sousa


La vie en rose ?
« Ça ne permet pas de vivre de manière correcte », répond-il lorsqu’on lui demande si sa production est rentable. « Je ne veux pas m’en plaindre, mais on aurait été en meilleure situation si l’État nous soutenait », explique-t-il. Souhaitant que les ministères concernés se tournent vers l’agriculture des roses et les productions qui en découlent, Hafez Jreij martèle : « L’État doit se rendre compte qu’il existe dans notre pays des personnes qui entreprennent de longues traversées sous le soleil pour la cueillette des roses, dans des conditions difficiles, et que d’autres rentrent chez elles les doigts ensanglantés après la récolte. » 

Aujourd’hui, à ses heures perdues, Hafez Jreij publie sur Facebook des photos de ses traversées dans les champs de roses, de sa maison bleue d’Enfé au sol tapissé de cette fleur magique, des saisonniers à l’œuvre sous un soleil de plomb. « Les Libanais ont besoin de voir autre chose que la misère en ces temps sombres », estime-t-il. Il accompagne ces clichés de petits textes poétiques en arabe qui font rêver les abonnés à son compte. « Le langage des roses est universel parce qu’il porte la même signification et la même poésie partout dans le monde », affirme ce passionné, rappelant que les roses sont offertes en signe d’amour, lors d’occasions heureuses ou moins heureuses. «Avez-vous jamais rencontré quelqu’un qui n’aime pas les fleurs ? Et de surcroît les roses ? » interroge-t-il.

Parfois une balade dans la nature démarre avec une palette de parfums qui envahissent le promeneur et l’emportent ailleurs. Arrivé au terme de la traversée des roses qu’empruntent les producteurs d’eau de rose durant un mois pour acheter pétales et bourgeons directement à la source, le visiteur identifie, dès le premier effluve, l’entêtant parfum des roses qui se dégage de chez...
commentaires (5)

GENIALISSIME... BRAVO et LONGUE VIE à ce monsieur. En espérant que la tradition, les recettes soient transmises aux autres générations pour perdurer. C'est tout ce qui reste au liban. Faut le préserver. Voici un article comme nous aimons en lire. Ouf...Ca nous change des TETES DE NOEUD et des NAINS de la politique qui nous pondent discours et autres débilités. MERCI MERCI et MERCI M JREIJ

LE FRANCOPHONE

13 h 29, le 26 juin 2020

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Commentaires (5)

  • GENIALISSIME... BRAVO et LONGUE VIE à ce monsieur. En espérant que la tradition, les recettes soient transmises aux autres générations pour perdurer. C'est tout ce qui reste au liban. Faut le préserver. Voici un article comme nous aimons en lire. Ouf...Ca nous change des TETES DE NOEUD et des NAINS de la politique qui nous pondent discours et autres débilités. MERCI MERCI et MERCI M JREIJ

    LE FRANCOPHONE

    13 h 29, le 26 juin 2020

  • C’est le même monsieur qui milite pour les salines et soutient l’agriculture biologique. Nous avons besoin de milliers comme lui. Bravo.

    Michael

    11 h 52, le 26 juin 2020

  • Hafez Jreij est passionné de tout ce qui est beau et bon et qui élève l'âme. des gens comme lui sauveront le Liban.

    Christine KHALIL

    10 h 40, le 26 juin 2020

  • MICHEL ANTAR D,EL MINA EST MON FRERE. PARENT ?

    LA LIBRE EXPRESSION-LA PATRIE EN DANGER

    09 h 22, le 26 juin 2020

  • MERCI POUR CET ARTICLE. LES ROSES ET L,EAU DE ROSE, J,EN RAFFOLLE.

    LA LIBRE EXPRESSION-LA PATRIE EN DANGER

    08 h 43, le 26 juin 2020

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