
Le roi Abdallah II de Jordanie lors d’une adresse au Parlement européen à Strasbourg, le 15 janvier 2020. Photo d’archives. Vincent Kessler/Reuters
Aucun doute : l’annonce du plan de paix israélo-américain, fin janvier, a réveillé des angoisses existentielles en Jordanie voisine. Une angoisse, nourrie par la peur d’un transfert massif de population et d’une déstabilisation du royaume, qui gonfle à mesure que les perspectives d’un État palestinien s’estompent.
L’« option jordanienne », longtemps mise dans les tiroirs diplomatiques, semble être ressuscitée par l’esprit du plan de paix. Une annexion, même partielle, pourrait en effet réhabiliter l’idée que les 2,8 millions de Palestiniens résidant en Cisjordanie tombent sous la responsabilité des autorités jordaniennes. « Si Israël ne veut pas d’un État Palestinien, le seul scénario politique restant demeure celui d’un vaste transfert de Palestiniens en dehors des territoires occupés, vraisemblablement vers la Jordanie », estime Marwan Muasher, diplomate jordanien et ancien ministre des Affaires étrangères de 2002 à 2004. L’annexion, dont les termes d’application précis seront officialisés par l’administration israélienne le 1er juillet, devrait concerner une partie de la Cisjordanie occupée, actuellement soumise à la loi martiale. Une option qui, quels qu’en soient les contours exacts, « tue l’idée d’une solution à deux États et avec elle l’idée d’un État palestinien sur le flanc ouest du Jourdain », note Omar al-Sharif, un journaliste jordanien.
La décision israélienne, unilatérale, pourrait également redistribuer les cartes diplomatiques et remodeler les relations israélo-jordaniennes – régies jusque-là par le traité de paix de 1994 qui a permis une reprise des activités économiques et diplomatiques. « Avec une annexion, c’est le principal objectif sous-tendant le traité de paix qui disparaîtrait : l’idée que l’instauration d’un État Palestinien n’est pas seulement dans l’intérêt des Palestiniens, mais également des Jordaniens », observe Marwan Muasher. Le roi Abdallah a ainsi déjà laissé entendre à plusieurs reprises qu’une remise en question du traité n’est pas à exclure.
« Menaces prises au sérieux »
En conséquence, les derniers mois ont été marqués par une forte activité diplomatique visant à défendre ce point de vue sur la scène internationale. Les prises de positions du roi Abdallah et la mobilisation de l’appareil diplomatique ont joué un rôle central dans la critique des positions israéliennes auprès des chancelleries européennes et de l’administration américaine. « Personne ne s’attend à ce que la Jordanie empêche une annexion à elle toute seule, mais dans la région et même à l’international, le roi est reconnu pour son leadership et son positionnement extrêmement clair sur la question », remarque Marwan Muasher. Une prise de position soutenue par un discours agressif – comme dans cet entretien télévisé diffusé vendredi où le souverain menaçait Israël d’un affrontement important en cas d’annexion effective des colonies israéliennes de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain.
Dans la pratique, ces menaces pourraient se traduire par une série de décisions diplomatiques et économiques : suspendre le traité de paix – bien que peu probable car il compliquerait sérieusement les relations de Amman avec Washington – ; annuler l’accord d’échange de gaz entre Israël et la Jordanie ; rompre les représentations diplomatiques… Autant de mesures qui viseraient à envoyer un signal fort à Israël « qu’elle ne peut pas poursuivre ses affaires comme si de rien n’était », note Marwan Muasher.
La portée de ces menaces est certes limitée par l’étroitesse des liens qui unissent la Jordanie aux États-Unis – et l’extrême dépendance financière du royaume en pleine crise économique aggravée par la pandémie. Mais elles pourraient néanmoins contribuer à alerter l’administration israélienne quant aux possibles retombées et risques en cas d’annexion. « Les menaces côté jordanien ont été prises au sérieux par une partie des forces politiques en Israël – notamment l’entourage de Benny Gantz et d’autres partenaires du Likoud au sein de la coalition gouvernementale », estime Omar al-Sharif. Une prise de conscience qui pourrait encourager des pressions en interne pour freiner ou retarder l’annexion.
commentaires (4)
En fait, la Jordanie ne veut surtout pas d'un Etat Palestinien sur sa frontiere. Il n'y aura pas de transfert de population vers la Jordanie. Dábord les Palestiniens de la cisjordanie etaient des jordaniens jusq'en 1988 lorsque le Roi Hussein a rompu avec la West Bank. La seule solution serait de re-áccorder la nationalite Jordanienne aux habitants de cisjordanie qui deviendrait des residents etrangers en Israel. Un Etat Palestinien aujourd'hui est une chimere.
IMB a SPO
16 h 17, le 25 juin 2020