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Politique - Corruption

Des dons internationaux pour l’éducation des réfugiés syriens auraient-ils été détournés ?

Selon une enquête médiatique réalisée par la chaîne al-Jadeed, 9 millions de dollars disparaissent chaque année depuis 2014.

Des dons internationaux pour l’éducation des réfugiés syriens auraient-ils été détournés ?

Une classe à l’école primaire publique de Laylaki. Photo d’archives L’Orient-Le Jour

Parallèlement à la guerre déclarée, à cor et à cri, par le gouvernement contre la corruption mais dont on n’a pas vu, jusqu’à présent, les retombées, le parquet financier s’attaque à présent à un nouveau dossier, lié cette fois au ministère de l’Éducation. L’avocat général Jean Tannous a entendu hier en tant que témoins Fadi Yarak, directeur général du ministère, et Sonia Khoury, directrice du programme Race PMU (Reaching all Children with Education – Program Management Unit) au sein du ministère, consacré notamment à l’enseignement dispensé aux élèves syriens réfugiés, et financé par les Nations unies, la Banque mondiale, l’Union européenne et l’Allemagne. La démarche de M. Tannous intervient suite à une dénonciation judiciaire présentée par huit avocats et un journaliste activistes, après la diffusion le 29 mai d’une enquête réalisée par la chaîne al-Jadeed, dans le cadre d’une émission périodique intitulée Que chute le pouvoir du corrompu. Selon les résultats des investigations, la liste d’enfants inscrits pour des cours du soir dans 346 écoles publiques, fournie par le ministère aux donateurs, comporte un nombre bien supérieur à celui des élèves qui se rendent effectivement dans ces écoles. Toujours d’après cette enquête qui a nécessité près d’un an de travail, le gonflement de ce chiffre implique une fuite de 9 millions de dollars annuels survenue depuis l’année scolaire 2014-2015. Le montant qui aurait disparu de manière frauduleuse serait calculé en multipliant le nombre de 15 000 élèves fictifs par la somme de 600 dollars qu’allouent les bailleurs de fonds chaque année au profit de tout écolier inscrit. Dans le cadre de cette enquête intitulée « Écoles de sable », on peut voir le journaliste d’investigation Riad Kobeissy confronter Mme Khoury dans le bureau de cette dernière, ou encore le même journaliste tenter de comparer, sur le terrain, le nombre d’élèves inscrits et celui des élèves effectivement présents.

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Joint par L’Orient-Le Jour après l’audience menée par le juge Tannous, Fady Yarak s’est contenté de déclarer qu’il a eu « l’honneur » de se présenter devant l’avocat général. « J’ai clarifié certaines questions et lui ai communiqué des documents », a ajouté succinctement le directeur général du ministère de l’Éducation. Selon une source informée, son entrevue a duré une quinzaine de minutes, mais l’audition de Mme Khoury se serait prolongée pendant plusieurs heures.

Dans la dénonciation judiciaire présentée au parquet financier, l’amplification de chiffres en vue de réaliser des bénéfices illégaux est décrite comme « un délit de falsification de registres officiels et de détournement et dilapidation de fonds publics ». Une source judiciaire interrogée par L’OLJ affirme qu’il faut encore savoir s’il s’agit vraiment de fonds publics – c’est-à-dire de fonds appartenant à l’État – ou si les aides financières des organisations internationales ont été directement allouées aux écoles concernées. Dans ce dernier cas, le parquet financier se déclarerait incompétent et ce serait au parquet général de Beyrouth que reviendrait la charge du dossier. La séance judiciaire hier aurait donc été consacrée à recueillir des éléments permettant de qualifier les montants fournis et à déterminer si l’affaire peut donner lieu à des poursuites. Selon la source précitée, aucune décision n’a encore été prise ni sur la compétence ni, donc, sur l’enclenchement d’une action publique. D’après les chiffres du HCR, près de 200 000 élèves syriens sont scolarisés dans les écoles publiques, dont les trois quarts suivent les cours du soir.

Bou Saab à « L’OLJ » : « Un système transparent »

Interrogé par L’OLJ, Élias Bou Saab, qui était ministre de l’Éducation à l’époque des faits reprochés, affirme que sous le mandat de son prédécesseur, l’actuel chef du gouvernement Hassane Diab, les dons étaient directement fournis aux écoles. Il indique que depuis qu’il a accédé en 2014 à la tête du ministère, les dons sont soumis à un mécanisme de centralisation au sein du ministère. Cela ne signifie pas pour autant que les fonds appartiennent à l’État, affirme M. Bou Saab, puisque les donateurs internationaux les versent en lieu et place des parents d’élèves comme frais d’inscription aux établissements scolaires. L’ancien ministre défend la transparence du système centralisé : « Les directeurs d’école dressent des rapports comportant les listes d’élèves enregistrés auprès de leurs établissements. Ils envoient ces listes aux autorités éducatives des mohafazats dans lesquels ils sont situés, lesquelles les vérifient avant de les faire parvenir au ministère de l’Éducation. Celui-ci les avalise et demande à la Banque du Liban de débloquer les sommes et de les faire parvenir aux caisses des écoles concernées, lesquelles caisses sont soumises aux inspections financières et éducatives. Chaque sou pioché doit être ainsi affiché sur le site du ministère, notamment les salaires des enseignants. »

M. Bou Saab doute donc de la possibilité de fraudes. Il attribue plutôt l’écart entre les listes officielles et le nombre réel d’élèves présents en classe aux circonstances « dramatiques » que vivent les enfants de réfugiés syriens. Inscrits en début d’année, nombre d’entre eux abandonnent leurs études au cours du premier semestre, parce que leurs parents les obligent à travailler, relève l’ancien ministre, soulignant que certains rentrent dans leur pays, tandis que d’autres qui atteignent 13 ou 14 ans « sont parfois entraînés dans des organisations terroristes ». Quant aux filles du même âge, elles sont souvent forcées de se marier. Tous ces facteurs diminuent naturellement le nombre d’écoliers, avance M. Bou Saab, soulignant que s’il y avait triche, elle se situerait à une petite échelle : paiement d’heures de travail à un enseignant qui ne les aurait pas assurées, présentation de fausses factures pour l’achat d’équipements ou autres frais de maintenance…

Pour Jad Tohmé, un des auteurs de la dénonciation judiciaire, « il est inadmissible que le ministère de l’Éducation se transforme en ONG qui travaille avec les donateurs ». L’avocat souligne que « les dons doivent se faire à travers des instances de contrôle », estimant que « ce ministère, chargé de l’éducation de générations entières, ne doit pas faillir au symbole d’intégrité qu’il est censé représenter ».

Parallèlement à la guerre déclarée, à cor et à cri, par le gouvernement contre la corruption mais dont on n’a pas vu, jusqu’à présent, les retombées, le parquet financier s’attaque à présent à un nouveau dossier, lié cette fois au ministère de l’Éducation. L’avocat général Jean Tannous a entendu hier en tant que témoins Fadi Yarak, directeur général du ministère, et...

commentaires (2)

il faut nommer une commission et une sous commission c est la règle au Liban pauvre liban

youssef barada

15 h 01, le 21 juin 2020

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Commentaires (2)

  • il faut nommer une commission et une sous commission c est la règle au Liban pauvre liban

    youssef barada

    15 h 01, le 21 juin 2020

  • Un autre scandale financier sans suite! Petit celui-là....!

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 21, le 19 juin 2020

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