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Économie - Devises

Le dollar toujours aussi rare sur le marché des changes

Le collectif Kulluna Irada critique les moyens envisagés par les autorités pour contrôler le cours des devises.

Le dollar toujours aussi rare sur le marché des changes

Des clients faisant la queue devant un agent de change à Saïda. Photo Mountasser Abdallah

Les journées se suivent et se ressemblent pour les entrepreneurs et particuliers libanais à la recherche de dollars sur le marché des changes libanais. Selon les témoignages recueillis par L’Orient-Le Jour, il était en effet toujours aussi difficile, hier, de trouver des billets verts, même si certains agents ont ouvert leurs portes et ont effectivement vendu des dollars au taux du jour fixé par leur syndicat avant l’ouverture. Ce taux était compris dans une fourchette allant de 3 860 livres pour un dollar à l’achat et 3 910 livres à la vente, un niveau bien plus élevé que la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar qui n’est plus appliqué que pour certaines transactions bancaires. Si un entrepreneur, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a assuré avoir fait chou blanc après avoir contacté une dizaine de bureaux en milieu de journée dans le Mont-Liban, un autre a assuré avoir pu se fournir auprès d’un agent situé dans un quartier de la capitale. Selon notre correspondant à Saïda (Liban-Sud), Mountasser Abdallah, des foules de clients se sont massées devant les agents de catégorie A (ceux qui peuvent importer et exporter des devises et auprès desquels les autres agents peuvent également se fournir) pour acquérir des dollars, en se munissant des justificatifs imposés par le syndicat depuis le 8 juin.

Traçabilité des transactions

Depuis cette date, les entreprises qui veulent des dollars doivent fournir une preuve de leur immatriculation, une photo passeport signée de la personne à laquelle l’argent est destiné, une facture émanant du fournisseur basé à l’étranger ou encore une preuve du transfert effectué à celui-ci. Les particuliers doivent eux présenter leur carte d’identité, donner leur numéro de téléphone et préciser la raison de leur achat sur la facture de l’agent de change.

Ces modalités qui visent à renforcer la traçabilité des transactions en devises hors du secteur bancaire sont également un des objectifs de la circulaire n° 5 de la Banque du Liban, publiée le 10 juin et prévoyant le déploiement prochain d’une application, « Sayrafa », confiée aux agents et devant centraliser les données concernées.

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Le témoignage de notre correspondant à Saïda est de facto le premier qui rapporte que des changeurs ont effectivement appliqué les mesures de traçage imposées par le syndicat. Floue sur le marché des agents agréés, la situation n’était pas beaucoup plus claire sur celui du marché noir, où les différentes sources consultées par L’Orient-Le Jour ont toutes communiqué des fourchettes sensiblement différentes. Selon le site lebaneselira.org, ce taux se situait entre 4 700 livres le dollar à l’achat et 5 100 livres à la vente, des niveaux beaucoup plus élevés que ceux enregistrés lundi dans la journée (4 200/4 600), mais plus proches de ceux actualisés dans la soirée (4 500/4 900). Notre correspondant à Saïda a lui évoqué un taux à 4 800 livres pour un dollar à la vente, tandis qu’une autre source habituellement consultée a évoqué une fourchette moins élevée allant de 4 300 livres le dollar à l’achat à 4 500 livres à la vente.

Difficile donc pour l’heure d’évaluer le degré auquel les autorités et la BDL sont effectivement intervenues sur le marché pour stabiliser le taux livre/dollar. En chute continue depuis août dernier, la livre a violemment dévissé quelques jours après la levée, par le syndicat des agents agréés, de leur ordre de grève en vigueur depuis plus d’un mois. Le syndicat avait pourtant annoncé qu’il s’emploierait à progressivement abaisser le taux jusqu’à ce qu’il s’aligne sur le plafond de 3 200 livres pour un dollar fixé par la BDL (circulaire n° 553 du 28 avril).

Traque des spéculateurs

Le violent dérapage du taux sur le marché noir survenu presque au même moment a fini par alimenter un nouveau départ de manifestations – émaillées de dérapages violents – contre la classe politique, dans le sillage de celles initiées le 17 octobre dernier et qui avaient été mises en pause avec le confinement décrété mi-mars pour lutter contre le Covid-19. Les autorités se sont mobilisées face à cette situation en programmant des réunions élargies de suivi et en annonçant deux mesures concrètes : l’injection de devises par la BDL et la création d’une cellule d’opérations au sein de la direction générale de la Sûreté générale pour renforcer la traque aux spéculateurs et aux agents qui détournent des dollars vers le marché syrien. L’approche privilégiée par les autorités pour contrôler le taux de change a été sévèrement critiquée par le collectif de la société civile Kulluna Irada dans une série de messages et un communiqué publiés sur son compte Twitter. Le collectif considère que la combinaison d’une injection de devises et le renforcement des mesures de contrôle des transactions hors du secteur bancaire ne constituent qu’une réponse à court terme dont les effets secondaires vont « renforcer l’impact de la crise sur les citoyens ordinaires » en amenuisant un peu plus les réserves déjà très basses de la BDL ou encore en incitant encore plus les agents économiques à se tourner vers le marché noir. Le collectif appelle dès lors les autorités à privilégier une approche plus globale de la crise « basée sur un accès total à l’ensemble des comptes publics et une coopération effective entre l’ensemble des institutions ». Le fait que la Sûreté générale soit mobilisée n’est, par ailleurs, pas anodin. Cette direction qui dépend du ministère de l’Intérieur possède en effet une vaste palette de missions et de prérogatives qui touchent aussi bien aux procédures d’immigration dans le pays, au contrôle des médias audiovisuels ou encore à la lutte contre « tout ce qui peut porter atteinte à la sécurité ». Une position qui peut aisément lui permettre d’approcher les agents de change illégaux, vers lesquels spéculateurs et ressortissants syriens pourraient se retourner si les mesures de traçage des transactions sur le marché des changes se généralisent.

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Pour l’heure, seules la justice et les Forces de sécurité intérieures ont été mobilisées pour tenter de lutter contre les acteurs du marché noir. Sans succès apparent, ces derniers continuant d’effectuer des transactions au nez et à la barbe des autorités. Très discret depuis l’impressionnante vague d’arrestations menée en mai contre des agents de change agrées et illégaux et à l’issue de laquelle un cadre de la BDL avait été retenu plusieurs jours par la justice, le parquet financier a convoqué pour demain le PDG de la SGBL, Antoun Sehnaoui, selon des informations relayées dans la presse hier et confirmées par une source bancaire à L’Orient-Le Jour. Selon plusieurs sources concordantes, le dirigeant de la banque serait toutefois actuellement à l’étranger, ce qui suscite un doute concernant son éventuel retour au Liban cette semaine, l’Aéroport international de Beyrouth étant fermé jusqu’au premier juillet, Covid-19 oblige. Courant mai, Karim Khoury, cadre dirigeant de la SGBL, avait été arrêté avant d’être libéré. Contacté, le parquet financier n’a pas fait de commentaires, tandis que la SGBL n’a pas répondu à nos sollicitations.

Les journées se suivent et se ressemblent pour les entrepreneurs et particuliers libanais à la recherche de dollars sur le marché des changes libanais. Selon les témoignages recueillis par L’Orient-Le Jour, il était en effet toujours aussi difficile, hier, de trouver des billets verts, même si certains agents ont ouvert leurs portes et ont effectivement vendu des dollars au taux du jour...

commentaires (2)

GRACE AU HEZBOLLAH/CPL ET A LA SYRIE.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 54, le 17 juin 2020

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Commentaires (2)

  • GRACE AU HEZBOLLAH/CPL ET A LA SYRIE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 54, le 17 juin 2020

  • Et la commission d’enquête sur les milliards sortis après le début des problèmes? Toujours impossible de communiquer le montant et le nom des responsables?

    Bachir Karim

    09 h 21, le 17 juin 2020

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