La contestation contre la classe dirigeante, qui a réinvesti les rues à travers le Liban, a organisé samedi plusieurs marches à Beyrouth, ainsi que dans d'autres régions du pays, au lendemain d'une nouvelle nuit de violentes manifestations sur fond d'effondrement de la livre libanaise face au dollar.
Dans le centre-ville de la capitale, deux marches en faveur d'un nouveau gouvernement sont partis dans l'après-midi du quartier de Béchara el-Khoury et une autre de la voie express du Ring, pour se rejoindre devant le siège de l'Association des banques (ABL) et se diriger vers la place Riad Solh. Des slogans hostiles ont été lancés contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, les politiques économiques et la classe politique, appelant également à la reddition des comptes et au recouvrement des fonds volés.
"Nous sommes ici pour réclamer la formation d'un nouveau gouvernement transitoire doté de prérogatives législatives exceptionnelles qui mette en place une loi électorale juste" en vue d'élections législatives anticipées et de "l'émergence d'une nouvelle élite politique", a affirmé à l'AFP Neemat Badreddine, une manifestante présente près du Grand Sérail, le siège du gouvernement. "Ce cabinet a adopté les mêmes politiques économiques et sociales que les gouvernements précédents", a ajouté la manifestante.
La crise économique au Liban est la plus grave depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le chômage touche plus de 35% de la population active et plus de 45% vit sous le seuil de pauvreté, selon le ministère des Finances. La dépréciation de la livre a entraîné une explosion de l'inflation. Le 17 octobre 2019, une révolte populaire sans précédent avait éclaté, réclamant la chute du pouvoir. Cette crise a été exacerbée par la pandémie du coronavirus. Plus de trois mois après la formation de son gouvernement, Hassane Diab n'a toujours pas réussi à alléger la crise ou obtenir la confiance de la rue. Il doit également faire face aux pressions à l'intérieur de son équipe, et celles en provenance de ses parrains politiques au pouvoir, ainsi que des partis de l'opposition.
"Non au gouvernement des quote-part, oui à un gouvernement intérimaire avec des pouvoirs exceptionnels", peut-on lire sur le texte de l'appel à manifester sur les réseaux sociaux. "L'alternative existe", proclame l'une des banderoles brandies. Cet appel fait notamment référence au dernier train de nominations adopté mercredi par le gouvernement après des semaines d'atermoiements sur fond de luttes partisanes autour de l'attribution de plusieurs postes-clés officiels. Ces nominations ont été décriées par de nombreux observateurs et formations politiques d'opposition comme un partage du pouvoir entre les parrains politiques du cabinet de Hassane Diab, qui se dit indépendant.
Sur la place des Martyrs, des manifestants habillés de noir ont écrit le mot "Liban" en arabe sur le sol avec leurs corps, avec un cercueil placé devant eux couvert d'un drapeau libanais pour protester contre "l'extermination économique engagée contre le peuple libanais et le pays".
D'autres manifestations ont été organisées, notamment à Saïda au Liban-Sud, l'une des places fortes de la contestation, où 300 activistes et des partisans de la mouvance nassériste du député Oussama Saad ont organisé une marche à travers les rues de la ville jusqu'à la place Élia scandant des slogans contre la corruption et Riad Salamé, selon notre correspondant Mountasser Abdallah. Une manifestation a également été organisée à Tyr, ainsi qu'à Kfar Remmane, près de Nabatiyé.
Un autre sit-in ont également été organisés à Zouk, dans le Kesrouan, contre la situation économique.
Dans la Békaa, des routes ont été coupées à Maqné, ainsi qu'à Saadnayel au moyen de pneus brûlés, selon notre correspondante Sarah Abdallah.
Des contestataires ont également organisé un sit-in à Halba, dans le Akkar.
Ces derniers jours, les manifestations anti-pouvoir ont dégénéré en violence et des actes de vandalisme ont été enregistrés en plusieurs points du territoire, au grand dam d'une partie des contestataires du 17 octobre.
commentaires (4)
Une contre manifestation commence à voir le jour pour remplacer la vraie. Attention ils envoient leurs dévoués dans la rue pour réclamer ce qu’ils n’ont pas réussi à imposer qui est la destitution du gouverneur Salamé. Ces manifestations devraient restées monochromes pour qu’on ne confonde pas tout et qu’on nous fasse avaler que c’est la rue qui l’a voulu. La banque centrale devrait restée hors du controle du HB sinon adieu le Liban et préparez le tchador.
Sissi zayyat
11 h 27, le 14 juin 2020