L’alerte du samedi 6 juin a été si chaude qu’elle a poussé les représentants des ordres professionnels et des universités à se mobiliser, mardi, pour rejeter toute possibilité de discorde. Les images des tensions le long de l’ancienne ligne de démarcation du temps honni de la guerre civile, entre Chiyah et Aïn el-Remmané, ont frappé tous les esprits et ravivé le spectre d’un éventuel retour des affrontements internes. Tout au long de la nuit de samedi à dimanche, les vieux démons se sont réveillés et ont montré, une fois de plus, la fragilité de la paix civile au Liban, pourtant en principe rétablie depuis 1991.
Certes, les seigneurs de la guerre reconvertis en héros de la paix et en chefs de file politiques ont multiplié les déclarations pour circonscrire les tensions et pour appeler leurs partisans au calme et à la retenue, mais la blessure rouverte ce fameux samedi soir peine à se refermer. La première conclusion à tirer de ces développements, c’est évidemment la confirmation de l’existence d’une fracture profonde entre les Libanais, qui donne l’impression que la guerre civile vient à peine de se terminer et qu’elle est prête à se rallumer. Ce qui constitue principalement un coup porté au mouvement de protestation populaire déclenché le 17 octobre 2019.
S’il faut donc procéder à une lecture des résultats politiques des développements de samedi dernier, la plupart des analystes estiment en effet que le mouvement du 17 octobre fait partie des perdants. Non seulement il n’a pas réussi à mobiliser un grand nombre de manifestants, mais de plus ceux qui sont descendus dans la rue n’étaient pas d’accord entre eux ni sur les slogans ni sur le programme. Plus grave encore, le mouvement, qui avait à son actif le fait d’avoir permis de dépasser les considérations confessionnelles, religieuses et partisanes, a constaté que les Libanais sont encore loin d’avoir atteint un tel stade, étant encore prêts à se rassembler sur des bases confessionnelles et non nationales.Parmi les perdants des manifestations de samedi, il faut aussi compter le gouvernement actuel présidé par Hassane Diab. Ce gouvernement, né dans la foulée du mouvement de protestation populaire et dont le chef a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’aurait pas pu exister sans ce mouvement, a brillé par son absence. Pour les Libanais qui regardaient sur les chaînes de télévision les manifestants dans les rues et pour les manifestants eux-mêmes, c’est comme s’il n’y avait pas de gouvernement. Aucune déclaration, aucune mesure. Ce n’est d’ailleurs qu’assez tard que l’armée s’est déployée par exemple entre Aïn el-Remmané et Chiyah. C’est donc tout simplement comme si le gouvernement était dépassé par les événements, laissant ainsi l’initiative aux forces politiques traditionnelles, qui d’ailleurs se sont empressées de saisir cette occasion pour montrer qu’elles restent indispensables.
Pour certains analystes, samedi soir, le Liban a donc vécu un nouvel épisode du feuilleton du « pompier pyromane ». Mais pour d’autres, il s’agit là d’un jugement un peu rapide, car non seulement ce ne sont pas les partis politiques qui ont appelé à la manifestation, mais, de surcroît, le bilan n’est pas le même pour tous. Pour cette seconde approche, ce qui s’est passé samedi a principalement profité à deux parties politiques. D’abord, le courant du Futur et son chef Saad Hariri. Ce dernier a consolidé sa position face aux tentatives de son frère Baha’, qui était ouvertement l’un des parrains de la mobilisation de samedi, de s’imposer sur la scène sunnite. Baha’ Hariri qui, à travers ses représentants et les forums qui évoluent dans son orbite, a multiplié les appels à la mobilisation pour les manifestations, n’a finalement pas réussi à pousser un grand nombre de personnes à descendre dans les rues, même à Tarik Jdidé où les frictions s’étaient multipliées ces dernières semaines entre ses partisans et ceux de son frère. Dans une première constatation, on peut donc déduire que la rue sunnite au Liban n’est pas encore prête à lâcher Saad Hariri. Ce dernier a donc montré, à travers ses appels au calme, qu’il avait de l’influence sur cette rue et qu’il reste en quelque sorte un garant de la paix civile, puisqu’il a réussi à contenir l’étincelle de la discorde entre sunnites et chiites, qui aurait pu embraser le Liban. Face aussi à l’absence du gouvernement, il s’est imposé comme un acteur politique de premier plan, surtout dans un contexte aussi délicat.
La seconde partie à avoir profité des événements de samedi, c’est, toujours selon la même approche, le Hezbollah. Selon les milieux proches de cette formation, ce qui s’est passé dans le cadre des préparatifs de la manifestation, à travers la volonté de mettre en avant, dans les slogans, la nécessité du désarmement du parti chiite en application de la résolution 1559, était une sorte de ballon d’essai. Il s’agissait d’un test pour vérifier si la popularité du Hezbollah avait baissé au sein de la communauté chiite. En effet, de nombreux rapports étaient parvenus à des diplomates selon lesquels la communauté chiite serait très remontée contre le Hezbollah en raison de la situation économique et sociale et, qu’à la moindre occasion, elle serait prête à se soulever contre lui. Averti de ce climat, le Hezbollah avait donc bien préparé sa réponse et de fait, il n’y avait pas beaucoup de chiites parmi les manifestants réclamant l’application de la résolution 1559. Au contraire, les chiites sont descendus dans la rue massivement non seulement dans le centre-ville de Beyrouth, mais aussi aux alentours du Ring et à Chiyah face à Aïn el-Remmané pour s’opposer à ceux qui réclamaient le désarmement du parti. Plus même, les partis traditionnellement hostiles au Hezbollah se sont rétractés, refusant d’adopter cette revendication dans la situation actuelle. Ces derniers ont appelé à maintenir les manifestations dans le cadre des revendications sociales et du refus de la corruption. Selon les milieux proches de lui, le Hezbollah a donc étouffé dans l’œuf cette tentative de l’isoler politiquement et populairement. Il a remporté cette manche, mais il sait qu’il y en aura d’autres...
commentaires (8)
Si empêcher les ex partisans de manifester en les menaçant et envoyer des voyous tabasser des manifestants pacifiques veulent dire être gagnant c’est que S HADDAD ne maîtrise pas la langue française. On gagne lorsque on est à armes égales et non pas en terrorisant et menaçant d’allumer la mèche pour détruire le pays et ce quelque soit l’adversaire. La force de HN c’est qu’il n’en a cure du sort des Libanais et encore moins du Liban. Il peut le détruire s’il reçoit l’ordre de ses maîtres sans sourciller. Elle a apparemment oublié la guerre déclenchée par lui en 2006. CONCLUSION DE CE MIG MAG. LLE SEUL PERDANT DANS L’HISTOIRE EST LE LIBAN
Sissi zayyat
12 h 52, le 11 juin 2020