Rechercher
Rechercher

Société - Reportage

À Aïn el-Remmané, chrétiens et musulmans ne veulent pas d’une nouvelle guerre

« Ils veulent une guerre confessionnelle, mais on ne les laissera pas faire », affirme une habitante de ce quartier, qui a connu des violences à caractère confessionnel samedi soir, là même où la guerre de 1975 avait éclaté.

À Aïn el-Remmané, chrétiens et musulmans ne veulent pas d’une nouvelle guerre

Un des quartiers à cheval sur l’ancienne ligne de démarcation qui séparait Aïn el-Remmané de Chiyah. Photos Z.A.

Cannette de bière et cigarette à la main, Georges, Hussein et Samy, attablés dans une épicerie située dans une ruelle mixte du secteur, à cheval sur l’ancienne ligne de démarcation, commentent les violences survenues samedi entre les quartiers de Aïn el-Remmané et Chiyah. Georges, un maronite de 59 ans, tient la boutique, et ses deux clients, âgés d’une cinquantaine d’années, sont des chiites qui font partie des habitués du quartier. Les trois amis, qui se connaissent depuis 15 ans, dénoncent les tensions confessionnelles et appellent au calme et à la préservation de la coexistence dans le secteur. « Nous n’avons pas pu dormir samedi, raconte Georges. Des centaines de personnes sont arrivées ici en motos, et chrétiens et musulmans se sont affrontés. Ils ont insulté les figures religieuses vénérées par les uns et les autres, ils ont tout cassé. L’armée a tiré en l’air pour les calmer. » « Les fauteurs de troubles ne sont pas du coin, on ne les a jamais vus ici. Certains sont venus en renfort de Zalka, de Bourj Hammoud ou des quartiers chiites de Hay el-Sellom et Laylaki, dans la banlieue sud, pour participer aux violences confessionnelles », renchérit Hussein, un militaire à la retraite qui estime que le risque de nouvelles tensions n’est pas à exclure.

Lire aussi

Après les tensions de samedi, des contacts politiques pour calmer le jeu

Samedi soir, les heurts, qui ont fait des blessés, avaient éclaté à Aïn el-Remmané-Chiyah entre des militants chrétiens de différents bords et des partisans du tandem chiite Amal-Hezbollah, en marge de la manifestation contre la classe politique organisée dans le centre-ville de Beyrouth dans l’après-midi. Les violences se sont déroulées au niveau de l’ancienne ligne de démarcation qui séparait les quartiers chrétiens et musulmans lors de la guerre civile, non loin de la rue Sannine, à Aïn el-Remmané. Il a fallu près de deux heures aux forces armées pour rétablir le calme dans le secteur ce soir-là.

« Aïn el-Remmané et Chiyah abritent des personnes de toutes les confessions. Les fauteurs de troubles essaient de nous monter les uns contre les autres pour recréer les lignes de démarcation de la guerre. Ils font tout ce cirque pour redonner de la vigueur aux partis politiques qui se sont essoufflés », analyse Georges.

Samy a combattu dans les rangs du mouvement Amal durant la guerre civile. Il a, depuis, déposé les armes et critique les violences du week-end. « J’ai moi-même tiré au moins 20 000 obus et un million de balles en direction de ce quartier durant la guerre, car il se trouvait en plein sur la ligne de démarcation. Mais jamais quand il y avait quelqu’un dans la rue », raconte à L’Orient-Le Jour cet ancien combattant, qui confie que sa propre mère est chrétienne. « Et puis la guerre s’est terminée et nous avons pu accéder aux autres régions du pays. C’est alors que j’ai découvert que j’avais une image complètement faussée des chrétiens. Après la guerre, j’ai compris que tout cela n’était que mensonge et que nous avions servi les intérêts de quelques politiciens. Je ne quitterai pas ce quartier même si je devais mourir ici », lance-t-il.

Lire aussi

6 juin : on a frôlé la catastrophe

Samy déplore en outre l’irresponsabilité de certains jeunes de la région qui mettent le feu aux poudres, sans penser aux conséquences de leurs actes. « Certains d’entre eux ont tenté d’intimider des habitants chiites du quartier dimanche soir en leur interdisant de se réunir au bas d’un immeuble, comme ils ont l’habitude de le faire. C’est inadmissible », affirme-t-il. « Il aurait suffi qu’un de ces hommes s’énerve pour qu’une balle soit tirée et que cela dégénère. C’est aussi simple que cela », met-il en garde.

Une croix érigée en pleine rue à Aïn el-Remmané, non loin de l’ancienne ligne de démarcation. Photos Z.A.

« Les gens sont stressés et ils ont peur »

Ailleurs dans le secteur, les habitants semblaient avoir retrouvé une certaine normalité hier. Les commerces étaient ouverts même si les clients se faisaient rares. Wadih, un père de famille chrétien de 58 ans, est sorti faire ses courses, mais ne peut s’empêcher de remarquer que l’ambiance reste tendue. « La vie n’est pas totalement revenue à la normale après les heurts du week-end. C’est encore un peu tendu, mais on ne veut pas d’une nouvelle guerre, confie-t-il à L’OLJ. La violence dont nous avons été témoins fait partie d’un plan pour semer le chaos dans le pays. J’ai fait l’expérience amère de la guerre. Je ne veux pas que mes enfants vivent cela et je leur interdis de se mêler de politique », assure-t-il.

Un peu plus loin, Nouna, 28 ans, qui ne s’est pas encore remise des violences du week-end, et son amie Laura, 37 ans, sont également sorties pour faire quelques achats. « Ils ne peuvent pas nous menacer avec leurs armes, lance la jeune femme, en allusion aux partisans du Hezbollah. Nous ne voulons pas la guerre, nous sommes fatigués, mais il faut qu’ils arrêtent de s’en prendre à nos symboles religieux », martèle Nouna, qui travaille dans l’humanitaire. Quant à Laura, elle ne demande qu’à « vivre en paix ». « Est-ce que les leaders politiques se rendent compte de l’effusion de sang qu’ils risquent de provoquer? J’ai un fils et ma plus grande peur est qu’il lui arrive quelque chose si les heurts reprennent. Ils veulent une guerre confessionnelle, mais on ne les laissera pas faire », martèle-t-elle.

Des photos de la Vierge placardées sur le mur et les meubles dans le garage de Georges Yahchouchy, situé dans un quartier mixte du secteur. Photos Z.A.

Joseph Harb, menuisier de 57 ans, est né et a toujours habité à Aïn el-Remmané. Deux de ses frères ont même péri ici lors de la guerre civile. Malgré tout ce qu’il a vécu, Joseph s’oppose aujourd’hui à tout conflit armé, bien qu’il se dise excédé par les provocations des partisans du tandem chiite. « Les gens sont stressés et ils ont peur. Il est inadmissible de se faire agresser de la sorte et l’État est malheureusement absent. Rien de tout ce qui s’est passé samedi n’était spontané. Nous espérons que l’État réussira à nous protéger », affirme-t-il à L’OLJ.

Lire aussi

En réactivant la fibre communautaire, l’establishment politique malmène la contestation populaire

« Les gens pensent que faire la guerre est un jeu. Ils ne se rendent pas compte de ce que cela implique, affirme pour sa part Georges Yahchouchy, un garagiste de 60 ans dont les murs du magasin sont placardés d’images de la Vierge. On peut perdre son foyer, son argent, sans parler de sa famille et de ses proches. J’ai vu beaucoup de gens mourir autour de moi durant la guerre. Il faut expliquer tout cela aux jeunes générations », lance ce père de famille.

Cannette de bière et cigarette à la main, Georges, Hussein et Samy, attablés dans une épicerie située dans une ruelle mixte du secteur, à cheval sur l’ancienne ligne de démarcation, commentent les violences survenues samedi entre les quartiers de Aïn el-Remmané et Chiyah. Georges, un maronite de 59 ans, tient la boutique, et ses deux clients, âgés d’une cinquantaine d’années,...

commentaires (6)

Je me souviens quand la guère a fini je suis rentrée au Liban en 1991 pou voir ma famille . J'étais à la rue Badaro le taxi chrétien m'accompagnait jusqu'au musée et de la je devais prendre un autre. C'était vraiment triste de vivre ca

Eleni Caridopoulou

18 h 41, le 09 juin 2020

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Je me souviens quand la guère a fini je suis rentrée au Liban en 1991 pou voir ma famille . J'étais à la rue Badaro le taxi chrétien m'accompagnait jusqu'au musée et de la je devais prendre un autre. C'était vraiment triste de vivre ca

    Eleni Caridopoulou

    18 h 41, le 09 juin 2020

  • Il y a une éternité, j'avais connu, dans un pays autre que le Liban, un Pakistanais et un Soudanais tout les deux me sont devenus de très bons amis. Tout les deux m'avait raconter comment ils avaient été leurrés à faire la guerre au Liban. L'un pour combattre les Israéliens à chiah/ain elremaneh et l'autre pour de l'argent dans la rue des banques. L'un à reçu une balle dans la jambe et a été renvoyé au Pakistan avec 500 dollars dans la poche et l'autre a assisté au vol des banques de Beyrouth. Depuis, tout les deux ont compris que ces quelques sous qu'ils avaient reçu, n'étaient que des bandeaux qui les aveuglaient pour ne pas voir l'humain dans leur voisin. Avec la chute de la livre il est devenu moins cher de duper des libanais locaux pour des tâches similaires. Quel malheur.

    Wlek Sanferlou

    13 h 55, le 09 juin 2020

  • Triste et malheireux Liban où les gens qui ont connu des années d'essor, diraient: "Ô rage! Ô desespoir! Ô vieillesse ennemie! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie?.... La douleur dans l'âme, je ne perçois aucun changement ni aucune réforme à l'horizon, en souhaitant de tout coeur me tromper!!!

    Zaarour Beatriz

    13 h 27, le 09 juin 2020

  • LE PAYS RESSEMBLE OU EST UN BARIL A POUDRE. UNE ETINCELLE SUFFIT POUR Y METTRE LE FEU. CA FAIT L,AFFAIRE DE CERTAINS QUI VEULENT S,IMPOSER ET QUI PROVOQUENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 26, le 09 juin 2020

  • Personne ne veut faire la guerre mais tout le monde a la main sur la gâchette . Une vraie contradiction humaine qui prouve encore une fois que la blessure est toujours ouverte entre diverses confessions .

    Antoine Sabbagha

    11 h 55, le 09 juin 2020

  • TREVE DE PAROLES. DES FAITS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 51, le 09 juin 2020

Retour en haut