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Société - Liban solidaire

À Becharré, l’entraide pour lutter contre la faim

Pour assister les plus touchés par la crise et le confinement, un hôtelier distribue des caisses alimentaires, mais aussi... des terrains en friche à planter.

Grâce à l’initiative de Hany Rahmé, plus de 130 000 mètres carrés de terrains en friche ont été plantés.

Comme toute sa famille, Ghinoua Rahmé, une avocate de 27 ans de Becharré, a été atteinte du coronavirus et a dû vivre un strict confinement de 45 jours. « Ce qui m’a le plus réconfortée au cours de cette période était de savoir que mon village, malgré tout, est resté une grande famille, que nous n’avons pas perdu nos traditions et notre système d’entraide », affirme la jeune femme, aujourd’hui guérie ainsi que tous les membres de sa famille, dont sa grand-mère âgée de 93 ans et sa grand-tante de 81 ans.

Elle se réfère à une initiative mise en place lors du strict confinement imposé par les autorités locales pour soutenir les habitants. Cette action a été lancée par un collectif initié par Hany Rahmé, un quadragénaire de Becharré rentré au bercail il y a à peine 18 mois après avoir grandi, étudié et travaillé à Beyrouth. Il était initialement revenu dans son village natal pour transformer la résidence familiale d’été en maison d’hôte et lancer des projets touristiques.


De gauche à droite, Ghinoua Rahmé, Hany Rahmé, Joseph Rahmé et le guide de montagne Michel Massoud.


« Quand le confinement a commencé, de nombreux habitants ont eu du mal à joindre les deux bouts. Ce sont les journaliers et les artisans, ceux qui possèdent de petites entreprises. Il fallait les soutenir », explique Hany Rahmé à L’Orient-Le Jour. L’idée de la distribution de caisses alimentaires lui est venue quelques jours plus tard. « J’avais des provisions à la maison d’hôte. Avec un groupe d’amis et de personnes (travaillant avec lui), nous avons commencé à préparer des caisses et à les distribuer. J’ai fait appel à tous mes amis à Beyrouth pour qu’ils nous soutiennent aussi. En tout, 309 foyers ont été aidés et 527 caisses ont été distribuées. Deux fois par semaine, avec l’aide du curé de la paroisse de Mar Saba, Charbel Makhlouf, nous distribuions la nuit 100 sacs de pain. Certaines personnes venaient à l’église les récupérer discrètement », poursuit-il. « Nous posions les caisses, nous frappions aux portes et nous partions avant même qu’on ouvre. Il fallait préserver la dignité de chacun. Nous sommes les habitants d’un même village et nous sommes là pour nous entraider », dit-il. Aujourd’hui, Becharré est sorti du confinement. La municipalité a annoncé qu’à la suite des strictes mesures d’isolation, la localité de 5 500 habitants ne compte plus aucun cas de Covid-19. Le nombre de cas enregistrés était monté à 70 et une seule personne qui souffrait du cancer est décédée. Mais pour Hany Rahmé, l’entraide et le soutien ne s’arrêtent pas pour autant. Le Liban fait face à une grave crise, et il faut que les habitants de Becharré tiennent le coup. « Il faut penser à l’avenir et préserver le village d’une éventuelle famine », martèle-t-il.


Becharré surplombant la vallée sainte


Apprendre l’agriculture

L’hôtelier lance donc une autre initiative avec le soutien de sa famille et du curé de la paroisse. « Nous disposons dans le village de nombreux terrains en friche. J’ai appelé mes proches, mes frères et mes cousins pour voir s’ils pouvaient contribuer à l’aide aux habitants en nous prêtant les terrains qu’ils ne plantent pas. Ils ont été positifs, l’Église aussi », se réjouit-il. Le quadragénaire distribue donc les terrains à des personnes dont le travail a été très touché par le confinement, même si certains d’entre eux ne connaissent pas grand-chose à l’agriculture. Joseph Rahmé, ingénieur informaticien, fait partie de ceux-là. Il est rentré au village il y a deux ans, quand il a perdu son emploi de manager en informatique à Beyrouth. Il a ouvert à Becharré un petit restaurant où il propose des crêpes et des jus de fruits, fermé durant le confinement et qui tourne actuellement au ralenti. Ce père de trois enfants raconte qu’il a commencé à se familiariser avec l’agriculture en effectuant des recherches sur Google et qu’il apprend petit à petit le métier. « Je plante des légumes de saison et des pommes de terre. Nous pouvons ainsi faire des provisions pour l’hiver », dit-il.

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Georges Rahmé, chauffeur de bus, père de deux enfants, a passé sa vie au village, mais n’a jamais planté un terrain auparavant. Aujourd’hui, il cultive des pommes de terre. « Même si ce n’est pas facile, mieux vaut être préparé car on ne sait pas de quoi demain sera fait, et le confinement était très difficile pour nous financièrement », explique-t-il.

Outre les pommes de terre, les terrains sont plantés de pois chiches et de légumes qui permettront de faire des stocks pour l’hiver. « Tous les produits sont fermiers. Les gains, en nature, seront divisés entre nous. Le tiers ira aux provisions qui seront distribuées l’hiver aux familles nécessiteuses », explique Hany Rahmé qui a également remis une centaine de poules à une dizaine d’habitants. « Comme cela, leurs enfants ne manqueront pas de protéines et ils pourront vendre le surplus d’œufs sur le marché », dit-il.

L’hôtelier vient d’acquérir une petite usine agroalimentaire dans le village voisin de Bqaa Kafra, où les habitants de Becharré pourront faire sécher fruits et légumes, et confectionner marmelades et confitures pour les provisions de l’hiver.

Comme toute sa famille, Ghinoua Rahmé, une avocate de 27 ans de Becharré, a été atteinte du coronavirus et a dû vivre un strict confinement de 45 jours. « Ce qui m’a le plus réconfortée au cours de cette période était de savoir que mon village, malgré tout, est resté une grande famille, que nous n’avons pas perdu nos traditions et notre système d’entraide », affirme...

commentaires (7)

Quelle belle initiative! Voila le Liban dont on rêve...

Kfouri Emilie

14 h 36, le 08 juin 2020

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Commentaires (7)

  • Quelle belle initiative! Voila le Liban dont on rêve...

    Kfouri Emilie

    14 h 36, le 08 juin 2020

  • bravo et bravo.chapeau bas Hany.

    Nouna Chidiac

    14 h 35, le 08 juin 2020

  • Quelle dignité ! Un bel exemple d'humanisme et d'actions bénéfiques et un modèle à suivre. Félicitations !

    de Tinguy Corinne

    13 h 21, le 08 juin 2020

  • "Donne un poisson à un homme il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il mangera tous les jours;" Bravo à M. Rahmé.

    otayek rene

    12 h 48, le 08 juin 2020

  • magnifique! c'est cela le vrai Liban!J.P

    Petmezakis Jacqueline

    11 h 59, le 08 juin 2020

  • Bravo! un modele a suivre partout au Liban.

    paznavour

    11 h 24, le 08 juin 2020

  • Bravo pour Mr. Rahme, ca fait chaud au cœur de lire des histoires pareilles, surtout quand il n'y a pas de politiciens véreux qui s'impliquent...

    Fadi Chami

    07 h 30, le 08 juin 2020

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