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Société - Francophonie au Liban

Les écoles de la Mission laïque française, prochaines victimes de la crise ?

Dans une interview exclusive à « L’OLJ », le DG de la Mission laïque française, Jean-Christophe Deberre, tend la main aux parents d’élèves qu’il invite à se mobiliser pour l’éducation de leurs enfants.

Le Lycée franco-libanais de Verdun à Beyrouth risque la fermeture si les défections d’élèves se confirment. Photo tirée du site web du lycée

En pleine tourmente, comme l’ensemble du secteur éducatif privé, en raison d’une crise économico-financière aiguë à laquelle s’ajoute la crise sanitaire du coronavirus, la Mission laïque française est désormais confrontée à un double défi au Liban. Un déficit record de 8,3 milliards de livres libanaises pour l’année 2019-2020 dans l’ensemble de ses cinq établissements* et la relation compliquée sur le plan budgétaire avec ses parents d’élèves, malgré la transparence totale qu’elle affiche. Le mois de mai 2020 devait idéalement préparer l’année scolaire à venir, permettre de planifier les budgets en fonction du nombre d’élèves et d’enseignants, notamment. Mais vu le taux élevé de scolarités impayées, près de 80 % à titre d’exemple au Lycée franco-libanais de Verdun pour le troisième trimestre, et le peu d’empressement des parents d’élèves à réinscrire leurs enfants ou à faire part de leur intention dans ce sens, l’institution n’a toujours aucune visibilité pour la prochaine rentrée scolaire. Forte de 8 000 élèves, elle craint de perdre plusieurs centaines d’entre eux. En cas de défections importantes, elle pourrait être contrainte de licencier des enseignants et des membres du personnel (libanais et français), voire même de ne pas rouvrir certains établissements, comme celui de Verdun.

Promesse de transparence

Dans une interview exclusive à L’Orient-Le Jour, le directeur général de la MLF, Jean-Christophe Deberre, « tend la main aux parents d’élèves », tout en rappelant « les efforts » consentis par l’association à but non lucratif face à leurs problèmes financiers, et son engagement à « leur dire toujours la vérité ». « Ne regrettez pas, un jour, de ne pas avoir donné le meilleur à vos enfants », leur dit-il à travers L’OLJ, lors d’une rencontre virtuelle qui a vu la participation du contrôleur auditeur financier régional de la MLF au Liban, Patrick Joseph, et du directeur général de l’agence de relations publiques A&A Porter Novelli, Joe Ayache. Car, en ces temps troubles, marqués par la nécessité de recourir à de nouvelles techniques d’apprentissage numérique, « il ne reste que l’éducation ».

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Tout a commencé avec l’adoption, en août 2017, de la loi 46 qui accordait aux enseignants du secteur privé, au même titre que les fonctionnaires, des augmentations sensibles de salaire et six échelons exceptionnels. Alors que la grande majorité des institutions éducatives privées n’ont appliqué la loi que partiellement, « les cinq établissements de la MLF l’ont appliquée dans son intégralité ». S’en est suivi un bras de fer avec les comités de parents d’élèves qui protestaient contre les écolages trop élevés, au point de refuser de signer les budgets scolaires et d’entreprendre même des actions en justice contre les établissements. « Nous avons alors fait preuve d’une transparence absolue. Nous avons remis aux parents nos budgets scolaires contrôlés par des cabinets d’audit internationaux », souligne M. Deberre. Mais avec les parents d’élèves touchés de plein fouet par la crise économique, la confiance tarde à se rétablir. Totale en matière pédagogique, malgré un enseignement à distance encore imparfait, « cette confiance demeure partielle lorsqu’il s’agit des budgets scolaires », les parents accusant l’institution « d’avoir des richesses cachées ». « La MLF est pourtant attentive et empathique avec la manière dont les Libanais vivent leur contexte économique », insiste le directeur général de la MLF. « Nous partageons sincèrement leur stress et leur angoisse liés à leur avenir incertain et la perte de leurs revenus. » L’association assume alors les coûts de la loi 46 et annonce sa décision « de geler les écolages durant trois ans ».

« S’il faut présenter des excuses, je le fais »

Le confinement imposé par la crise sanitaire bouleverse encore plus la donne. Si « le corps enseignant et les employés continuent de percevoir la totalité de leurs salaires », les parents d’élèves, eux, réclament une réduction des écolages du troisième trimestre, vu la baisse des frais de fonctionnement depuis la mi-mars. Mais avec le déficit record de l’année en cours et « un déficit cumulé sur trois ans de 24 milliards de LL », la question ne se pose pas pour l’institution qui a « récemment présenté son budget révisé au ministère de l’Éducation et attend une réponse officielle ». Elle estime de plus que l’effondrement de la livre libanaise a conduit à une baisse de 50 % des frais de scolarité et des salaires, dans l’absolu. D’où l’appel récent lancé par le proviseur du Grand Lycée franco-libanais de Beyrouth, Brice Lethier, aux familles pour qu’elles paient les écolages du troisième trimestre. Un appel qui a été interprété par certains « comme une menace ». Et pourtant cet établissement est considéré comme le meilleur élève en termes de recouvrement de frais de scolarités. « S’il faut présenter des excuses, je le fais », répond tout de go Jean-Christophe Deberre, reconnaissant toutefois « l’inquiétude des proviseurs » face à cette situation inédite. « Car il ne s’agit pas d’une menace, mais d’une invitation à reconstituer le partenariat entre l’établissement scolaire, les parents d’élèves et les enseignants », explique-t-il. Et si la situation est compliquée, la MLF se dit « prête à échelonner des frais de scolarité du troisième trimestre pour les familles qui en font la demande », sachant que 98 % des demandes ont été acceptées pour l’instant. Mais encore faut-il que les parents d’élèves fassent part de leurs intentions, « nombre d’entre eux n’ayant toujours pas donné signe de vie ».

Le paiement du troisième trimestre, impératif

Il faut dire aussi que l’État français lutte de pied ferme contre la fermeture des établissements délivrant l’enseignement français dans le monde, bouleversés par la crise du Covid-19. C’est dans ce cadre que « les ministres des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, et le secrétaire d’État auprès du ministre des AE, Jean-Baptiste Lemoyne, ont annoncé la revalorisation du plafond de bourses octroyées aux citoyens français de l’étranger, à hauteur de 50 millions d’euros et une avance (remboursable) de 100 millions d’euros pour aider le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ». Une action qui bénéficierait aux écoles privées francophones du Liban, d’autant qu’avec plus de 60 000 élèves, le réseau AEFE du Liban est le plus important au monde.

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D’ici au 20 juin, la MLF doit trancher. « Nous craignons de perdre plusieurs centaines d’élèves. Nous n’aurons d’autres choix que de licencier des enseignants et des membres du personnel, libanais et français », regrette Jean-Christophe Deberre. « Tout licenciement d’enseignant doit impérativement avoir lieu avant la date limite du 5 juillet, selon la législation libanaise », précise-t-il. D’où son appel aux parents d’élèves « à se mobiliser ensemble » pour l’éducation des enfants. « Seul le paiement du troisième trimestre (ou un engagement dans ce sens) est susceptible de nous donner une idée du nombre d’élèves inscrits pour l’année prochaine, et du nombre d’enseignants nécessaires », explique-t-il. S’il dit être « sûr que tous les partenaires se retrouveront », il ne cache pas sa « perplexité » car la MLF a bien respecté ses promesses. « Mais les parents ne nous croient toujours pas. Seul le comité de parents d’élèves du Lycée franco-libanais Lamartine de Tripoli a signé le budget scolaire pour l’année 2019-2020, regrette-t-il. Nous avons pourtant épuisé toute notre capacité à prouver que nous nous conformons aux droits de chacun et aux lois du pays. »

*Le Grand Lycée franco-libanais de Beyrouth, le Lycée franco-libanais Lamartine de Tripoli, le Lycée franco-libanais de Nahr Ibrahim, le Lycée franco-libanais de Verdun et le Lycée franco-libanais de Habbouche, Nabatiyé.

En pleine tourmente, comme l’ensemble du secteur éducatif privé, en raison d’une crise économico-financière aiguë à laquelle s’ajoute la crise sanitaire du coronavirus, la Mission laïque française est désormais confrontée à un double défi au Liban. Un déficit record de 8,3 milliards de livres libanaises pour l’année 2019-2020 dans l’ensemble de ses cinq établissements* et...

commentaires (5)

Allo Maman Bobo....

Nadine Naccache

21 h 16, le 04 juin 2020

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Commentaires (5)

  • Allo Maman Bobo....

    Nadine Naccache

    21 h 16, le 04 juin 2020

  • pauvre pays et dire que la culture commence par la langue française. Comme déjà dit: Au lieu de ré-ouvrir les chaines TV francophones (Ex Canal 9 et ex C33 ) on ferme les écoles francophones.... Fini la culture au liban. Place aux barbus pro-iraniens et leur "culture guerrière " d'une part et des autres singes qui imitent les pays du gulf d'autre part avec leurs méthodes de "kafil" pour la main d'oeuvre étrangère et autres esclavagismes des temps modernes. Voilà où nous en sommes. Vous en êtes chers libanais.

    LE FRANCOPHONE

    19 h 22, le 04 juin 2020

  • Malgré les échelons exceptionnels le dollar qui grimpe vers les 5000L.L sera un grand obstacle pour le lycée et élèves qui ne pourront plus payer salaires ou scolarités. Triste pays .

    Antoine Sabbagha

    07 h 11, le 04 juin 2020

  • quel est le montant annuel d'une scolarité d'un enfant au Grand Lycee? Considerez-vous des dons pour des élèves méritant des bourses scolaires?

    Nammour Lydia

    04 h 58, le 04 juin 2020

  • Triste et humiliant d’en être arrivés là... A tous les "responsables" politiques successifs qui nous ont mené si bas, je dis: Dieu vous pardonne car nous ne le pourrons jamais. A tous ceux qui leur ont vendu leur vote pour 100$, je dis: vous chantiez? Eh bien, dansez maintenant...

    Gros Gnon

    04 h 30, le 04 juin 2020

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