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Moyen-Orient - Éclairage

En Iran, le meurtre d’une adolescente par son père suscite colère et indignation

L’assassinat de la jeune fille relèverait d’un « crime d’honneur » .

Romina Achrafi a été assassinée par son père. La jeune fille avait confié à la police qu’elle craignait pour sa vie. Photo prise de Twitter

Elle s’appelait Romina Achrafi et avait à peine 14 ans. Dans la nuit du jeudi 21 mai, alors qu’elle dormait chez son père, ce dernier se saisit d’une faucille et l’assassine, après avoir tenté, en vain, de l’étrangler. Un meurtre qui s’apparente à un « crime d’honneur ». Originaire de Sefid Sangan-é Lamir, un petit village de la province de Gilan, dans le nord de l’Iran, l’adolescente avait fui peu avant avec l’homme qu’elle disait vouloir épouser, Bahman Khavari, âgé d’une trentaine d’années. Suite à une plainte pour enlèvement déposée par le père de l’adolescente – Reza Achrafi – contre Bahman Khavari, la police retrouve le couple et ramène de force la jeune fille à son domicile. La loi se trouve du côté du père. Ce dernier est considéré par le code pénal islamique en vigueur dans le pays comme le propriétaire de son enfant. Aujourd’hui en détention provisoire, Reza Achrafi ne risque qu’une peine allant de trois à dix ans de prison couplée au paiement d’une amende. L’article 301 du code pénal réduit les mesures punitives à l’encontre des pères impliqués dans des « crimes d’honneur ».

Selon Bahman Khavari, ce ne sont pas tant les années le séparant de Romina Achrafi qui enrageaient le père de cette dernière que son appartenance à une autre confession, elle étant chiite et lui sunnite. Toutefois, une partie des commentaires sur les réseaux sociaux fustigent une relation qualifiée de « pédophile », d’autant plus que, selon les dires du jeune homme, le couple se serait formé il y a quelques années.

Pour mémoire

La mort d’Israa Ghraieb relance la question des « crimes d’honneur » en Palestine

Mais c’est avant tout la mort de Romina qui suscite l’indignation des internautes. La jeune défunte symbolise les écueils d’un système qui rend très difficile la condamnation des « crimes d’honneur ». Une multitude d’éléments, à la fois culturels et juridiques, comptent parmi les causes structurelles derrière la pratique. « Le contrôle social et la propension des gens à se mêler de la vie personnelle des autres sont parmi les facteurs les plus importants. En effet, le sentiment de peur et d’inquiétude à propos de “ce que les gens pourraient dire” et la volonté de protéger son “honneur” et sa réputation sont les principaux motifs derrière le meurtre de filles innocentes par leurs pères, explique Leila Alikarami, avocate iranienne, spécialiste des droits des femmes et l’une des premières activistes à avoir soulevé la question du viol conjugal en Iran. La punition pour un homicide volontaire est connue sous le nom de “qesas” – soit des représailles qui, selon la loi, relèvent du droit de la famille de la victime. Celle-ci peut soit y recourir, soit pardonner au tueur. Dans la plupart des cas de “crimes d’honneur”, l’auteur échappe au châtiment car il fait lui-même partie de ceux qui détiennent ce droit. »

Ces dispositions juridiques expliquent en grande partie la prévalence de la pratique mais également le manque de données statistiques disponibles. La police de Téhéran avait cependant déclaré en 2014 que près de 20 % des homicides relèvent de ce genre de crime.

« Le motif de “protection de l’honneur” doit être considéré comme un facteur qui devrait en fait ajouter à la gravité de ce type particulier d’homicide. Ou peut-être que la loi devrait même aller plus loin et proposer une étiquette pénale et une description séparées pour ce phénomène de “filicide”, plutôt que de poursuivre avec la pratique actuelle où la loi traite avec une clémence relative un père qui tue son enfant afin de protéger son honneur et lui permet ainsi d’échapper à la punition », suggère Leila Alikarami.

Des paroles mais peu d’avancées

Jeudi dernier, le quotidien réformateur Kargozaran a titré sa une « La tragédie de Romina ». De manière inédite, le journal a consacré toute sa première page à une photo de la jeune fille. « La question des droits des femmes est contestée et ne suscite pas de consensus parmi les différents groupes politiques et religieux en Iran. Je pense que les journaux du camp réformiste utilisent ce cas tragique pour pousser les groupes conservateurs et les chefs religieux à approuver les législations contre la violence à l’égard des femmes et des filles », avance Leila Alikarami. Selon l’avocate, des efforts ont été déployés depuis plusieurs années au sein du gouvernement pour élaborer une loi interdisant les violences faites aux femmes. Initialement rédigé sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, le projet de loi « Protection des femmes contre la violence » a été transmis début 2017 par l’administration de Hassan Rohani au pouvoir judiciaire qui y a apporté de nombreuses modifications. « Il a été finalisé sous le titre de “Dignité et sécurité des femmes contre la violence” et envoyé à Qom pour être examiné par les chefs religieux chiites, ce qui n’est pas une procédure normale. Malheureusement, ce projet de loi n’est pas encore finalisé et nous ne savons pas ce qu’il reste de la version originale après tous les amendements et omissions. »

Le président iranien Hassan Rohani a dénoncé mercredi l’assassinat de Romina Achrafi en le qualifiant de « violence conjugale ». Par la même occasion, il a également demandé à ce que les décrets proposés par son gouvernement contre les violences faites aux femmes soient enfin votées par la nouvelle Assemblée parlementaire issue des urnes à la suite des élections tenues en février. M. Rohani s’est à de nombreuses reprises exprimé en faveur d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes dans le pays. En 2014, soit un an après son élection à la fonction présidentielle, il s’était prononcé pour l’égalité des chances et des droits sociaux, précisant que « selon les règles islamiques, l’homme n’est pas le sexe fort et la femme n’est pas le sexe faible ». Dans les faits cependant, peu d’avancées ont été mises en œuvre. « Hormis l’approbation d’une loi autorisant les mères iraniennes mariées à des étrangers à transmettre leur nationalité à leurs enfants, aucun changement significatif n’a eu lieu au cours des dernières années sous l’administration Rohani, commente Leila Alikarami. Malgré des efforts pour améliorer la participation des femmes à l’économie, l’administration Rohani n’a pas réussi à accroître le niveau de participation des femmes sur le marché du travail. Par conséquent, sur la base des statistiques officielles, la participation des femmes à l’économie n’est que de 13 à 15 %, ce qui a, en fait, conduit à la féminisation de la pauvreté. »

Elle s’appelait Romina Achrafi et avait à peine 14 ans. Dans la nuit du jeudi 21 mai, alors qu’elle dormait chez son père, ce dernier se saisit d’une faucille et l’assassine, après avoir tenté, en vain, de l’étrangler. Un meurtre qui s’apparente à un « crime d’honneur ». Originaire de Sefid Sangan-é Lamir, un petit village de la province de Gilan, dans le nord de...

commentaires (4)

Ce serait intéressant d'entendre l'opinion de nos sœurs du sud ou qui travaillent dans les chaînes télé et radios de la moukawama / moumanaa affiliée à l'Iran. Pour tout un chacun, les yeux s'ouvrirent et verrons clair un jour!

Wlek Sanferlou

15 h 13, le 30 mai 2020

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Commentaires (4)

  • Ce serait intéressant d'entendre l'opinion de nos sœurs du sud ou qui travaillent dans les chaînes télé et radios de la moukawama / moumanaa affiliée à l'Iran. Pour tout un chacun, les yeux s'ouvrirent et verrons clair un jour!

    Wlek Sanferlou

    15 h 13, le 30 mai 2020

  • Pas un mot de protestation de la part des nombreux enturbannés de blanc et de noir, toujours prompts à défendre Jérusalem, la Palestine et autres motifs payants dans leurs discours bien truffés de citations religieuses. Faut croire que le meurtre ignoble et sauvage de sa fille par un père qui ne mérite pas ce titre n'est pour eux qu'un fait divers sans grande importance ! Et pourtant l'Iran sert d'exemple et de référence à beaucoup de Libanais...qui rêvent d'y installer le même "état islamique"...! Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 04, le 30 mai 2020

  • LA LOI CONSIDERE LE PERE PROPRIETAIRE DE SON ENFANT, DES FILLES BIEN SUR. ET LES FEMMES DES OBJETS PROPRIETE DES HOMMES. L,OBSCURANTISME A SON COMBLE. ET DIRE QUE CERTAINS VEULENT NOUS IMPORTER CES MOEURS ARCHAIQUES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 59, le 30 mai 2020

  • Oh les 2 tordus. Déjà : ce n'est pas l'âge de la petite qui a révolté le père assassin ( elle a 14 ans et son amoureux la trentaine) !!! Mais sa confession !!!! Houla... Alors que c'est déjà un détournement de mineur dans le meilleur des cas !! Puis côté père: c'est pire ? Il tue sa fille pour laver l'honneur. Bon sang?? C'est quoi ces tordus ? Et dire que "le crime d'honneur" EXISTE encore et tjrs dans nos contrées arabes (aussi bien que perses). DES ASSASSINS à tous les étages !!

    LE FRANCOPHONE

    01 h 24, le 30 mai 2020

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