Où en sont les relations entre le Courant patriotique libre (CPL) et le Hezbollah, après les déclarations incendiaires du député de Jezzine Ziad Assouad, mercredi soir, sur la OTV ? Lors de cette interview sur la chaîne fondée par le chef de l’État, M. Assouad, connu pour son franc-parler, avait affirmé qu’« on ne peut pas continuer à porter les armes alors que le peuple a faim », dans une référence claire à l’arsenal militaire du parti chiite. « Le Hezbollah ne peut pas résister tout seul s’il ne bénéficie pas d’un consensus national à son égard. Il doit comprendre que résistance et corruption ne peuvent pas aller de pair », a encore dit le député qui a mis le parti chiite en garde contre « une perte de soutiens sur la scène libanaise interne ».
Des propos qui ne sont certes pas passés inaperçus et qui ont été abondamment commentés par les partisans du Hezbollah sur les réseaux sociaux. Certains internautes ont estimé qu’il pourrait s’agir d’une remise en cause, par le CPL, de son alliance avec le parti chiite, alors que d’autres ont indiqué que Ziad Assouad ne faisait que mettre en garde contre un projet fomenté par les États-Unis pour mettre à genoux le Hezbollah en liant toute aide économique au désarmement du parti.
Il s’agit sans doute d’une des premières fois où un responsable du CPL remet en cause, en public, l’arsenal militaire du parti chiite dont la formation aouniste est l’alliée depuis l’accord de Mar Mikhaël en 2006. Mais selon un analyste politique contacté par L’Orient-Le Jour, ces déclarations pourraient être liées au dossier de la construction d’une centrale électrique à Selaata, figurant dans le projet du ministre de l’Énergie (Raymond Ghajar, proche du CPL) et de son camp politique, et rejeté par le président du Conseil et la majorité des ministres.
« Les attaques de Ziad Assouad sont à lier au récent rejet, par le chef du gouvernement Hassane Diab et le Conseil des ministres, du projet du CPL pour la construction d’une centrale à Selaata, au profit des centrales de Zahrani et Deir Ammar », analyse l’expert. « Le CPL s’est lancé dans une bataille avec Hassane Diab et le Hezbollah à cause de ce dossier. Son but est de dire au parti chiite qu’il continuera à lui assurer une couverture chrétienne mais qu’il veut que la centrale de Selaata soit acceptée », ajoute l’analyste. Et de poursuivre : « Le litige a commencé dimanche passé, lorsque le chef du CPL Gebran Bassil a déclaré (lors d’une conférence de presse) que les alliés du parti, notamment le Hezbollah, l’ont laissé seul dans sa lutte contre la corruption. M. Bassil estime également que le parti de Dieu ne le soutient pas comme il devrait face au chef des Marada, Sleiman Frangié, ainsi que face au chef du Parlement, Nabih Berry. »
« Nous n’allons pas alimenter la polémique »
Interrogé par L’OLJ sur la portée des déclarations de Ziad Assouad, le député Alain Aoun (CPL, Baabda) a tenu à assurer qu’« il ne s’agit pas d’une campagne anti-Hezbollah ». « M. Assouad a exposé une problématique stratégique. Il s’agit d’un dossier qui fait débat dans le pays, et il serait faux de vouloir l’interpréter dans le cadre d’une campagne contre le parti chiite. M. Assouad a abordé cette problématique sans dire s’il adoptait ce point de vue ou non », explique M. Aoun à L’OLJ. Ziad Assouad s’était pour sa part expliqué mercredi dans un tweet, tout en continuant à relier ses déclarations sur les armes du Hezbollah à la situation économique du pays. « Que ceux qui ont des solutions pour renforcer la résistance (du Hezbollah) en fassent part. Les plus grands royaumes sont tombés à cause de la faim du peuple et de la corruption des leaders », a-t-il écrit.
Contacté par L’OLJ, un responsable au sein du Hezbollah dit rejeter les déclarations de Ziad Assouad tout en reconnaissant qu’elles sont plus liées au dossier de Selaata qu’à la situation économique. « Nous n’acceptons pas les propos du député de Jezzine, mais nous n’allons pas alimenter la polémique. C’est le CPL qui doit prendre des mesures à son égard. Les déclarations de M. Assouad ne remettent pas en question les relations entre le CPL et le Hezbollah », a assuré ce responsable, qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat. « Le CPL n’était pas satisfait par rapport à notre position vis-à-vis de la centrale de Selaata. Mais nous n’avons pas rejeté le projet de Selaata. Nous avons tout simplement proposé qu’il soit exécuté lors d’une seconde phase, après la mise sur pied des centrales de Deir Ammar et Zahrani. La situation économique ne permet pas de faire tous ces projets à la fois », a ajouté le responsable hezbollahi.
Signal fort au Hezbollah le futur président viendra du CPL sinon gare ! Pendant que croulons sous nos problèmes eux pensent déjà aux prochaines joutes présidentielles avec une première avancée de pions !
01 h 57, le 26 mai 2020