Entre la poésie et le groupe d’open mic Sidewalk Beirut, qui était devenu avant le confinement le rendez-vous hebdomadaire des jeunes poètes et artistes de la capitale au café Riwaq (à Mar Mikhaël), Maysan Nasser évoque la libération de l’imaginaire par le livre, le souffle dionysiaque de l’écriture la plus crue ou encore l’absence de la solitude grâce à la lecture… Les plus intrigués peuvent la retrouver tous les mercredi soir pour une session en ligne d’open mic sur Zoom, avec l’équipe des Sidewalkers*.
Que représentent les livres dans votre vie ?
Je vois les livres comme des portails pour d’autres mondes. On peut s’échapper dans un autre univers juste en ouvrant un livre. Anaïs Nin, une écrivaine américaine du XXe siècle que j’apprécie particulièrement en ce moment, disait : « Les livres créent des mondes dans lesquels on peut respirer. » Avec les livres, c’est ce genre de lieux que je cherche, des lieux qui me permettent de respirer pleinement, où mon imagination puisse se libérer sans contraintes ni limites.
Quelle type de littérature affectionnez-vous le plus ?
L’écriture sous la forme du courant de conscience, qu’on appelle aussi « flux de conscience » ou « stream of consciousness » en anglais. Il s’agit d’un procédé d’écriture littéraire moderne qui tente de reproduire la pensée de la manière la plus brute possible. J’aime les livres qui s’attardent sur la description du monde intérieur d’un auteur. Les événements d’une histoire m’intéressent peu. C’est le cheminement dans l’introspection d’un écrivain qui me touche le plus.
Quel livre vous a le plus marquée ? Celui qui vous a le plus profondément changée ?
Après avoir lu Contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski, ma vie n’a plus été la même. Je ne savais pas qu’une telle écriture existait. C’est d’une honnêteté tellement brutale, existentialiste et hyperréaliste à la fois, ce livre m’a ouverte à l’écriture sous forme du courant de conscience : ce fut une sorte de révolution en moi.
Cette écriture si crue et authentique ne correspondait pas aux schémas formels que je me faisais de l’écriture. Bukowski détruit tellement de règles, c’est très inspirant pour un jeune auteur.
Alors que vous êtes confinée à Lattaquié, quelle lecture vous a le mieux occupée ?
Ici, il y a beaucoup de gens dans la rue en journée, la vie est normale, voire très agitée. C’est à partir de 18h que les gens sont confinés. Moi, je lis les journaux d’Anaïs Nin. Elle y raconte de manière très transparente sa propre expérience de la vie, ses luttes internes, ses conflits, ses peurs, ses rêves, ses espoirs. Elle est très lucide et son écriture est très lumineuse. Ses réflexions sur la vie me captivent complètement. Je conseillerais ces journaux à n’importe qui actuellement. Elle a écrit 7 journaux, et tous sont intemporels. Elle écrit sur ce que cela signifie d’être une femme, une femme dans le monde, une femme en relation ou en tant que personne… C’est très touchant.
Vous affectionnez particulièrement la littérature anglophone ?
Oui, mais j’aime aussi énormément les littératures arabe et étrangère. Par exemple, j’adore le poète mexicain Octavio Paz, et les Palestiniens Ghassan Kanafani et Mahmoud Darwich…
Si vous deviez choisir entre la lecture et l’écriture...
C’est une question vraiment difficile… Est-ce que je dois forcément choisir ? Peut-être l’écriture, même si c’est égoïste. Mais je pense que c’est un moyen d’expression dont je ne peux pas me passer. Quoique je ne pourrais pas vivre non plus sans lire. Mais l’écriture, j’en ai vraiment besoin pour respirer.
Pourquoi est-ce important de lire en ce moment ?
Parce que je crois que lire nous maintient en bonne santé mentale… Et puis la lecture éradique le sentiment de solitude. En cette période difficile que nous vivons, je pense que la solitude est l’une des pires menaces qui planent au-dessus de nous : lire permet de se débarrasser de ce poids.
*Pour y participer, il faut réserver sa place sur la page Facebook de Sidewalk Beirut. Plus d’informations au 71/088976.
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