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Politique - Commémoration

Le patriarche Nasrallah Sfeir, l’homme du mot juste et du « Liban d’abord »

Le patriarche, décédé il y a un an, avait osé réclamer le départ de l’armée syrienne et initié la réconciliation de la montagne.

« Rendre la montagne à la montagne » : Le patriarche Sfeir au cours de sa visite historique dans le Chouf en 2001. Archives L’OLJ

« Chaque patriarche rappelle et réactualise sans cesse le rôle que l’Église maronite doit jouer comme ferment de la nation libanaise. » Ces paroles du patriarche Béchara Raï, rapportées par Isabelle Dillman dans son ouvrage Au cœur du chaos, résument parfaitement la tâche et la passion qui furent, sa vie durant, celles du patriarche Nasrallah Sfeir (1920-2019), dont le Liban commémore aujourd’hui le premier anniversaire de la disparition, le 12 mai 2019.

Le patriarche Sfeir, qui avait donné l’exemple de l’humilité et de l’obéissance en remettant à Rome sa démission en 2011, pour céder la place aux plus jeunes, est décédé à l’hôpital, trois jours avant de célébrer ses 99 ans. Avec son départ, l’Église « a perdu une icône sur terre, mais gagné un saint au ciel », avait déclaré son successeur, le patriarche Béchara Raï, lors de ses obsèques.

Pour mémoire

Nasrallah Boutros Sfeir, témoin inébranlable du « Liban-message »

La sanctification du patriarche Sfeir, ce sera la véritable passion qu’il vécut vingt-cinq ans durant son long patriarcat (1986-2011), entamé en pleine guerre civile et achevé après l’accord de Doha (2008) marquant l’avènement d’un consensualisme qui a corrompu les règles de la démocratie et mis fin à l’alternance, ouvrant la voie à la reproduction à l’infini de la même classe et des mêmes forces politiques. Et de la même corruption.

Deux grands moments

Deux très grands moments, l’un religieux, l’autre politique, se détachent de l’ensemble du parcours exceptionnel de cet homme décrit par la France d’Emmanuel Macron, après son départ, comme « un patriote exemplaire et valeureux ».

Sur le plan religieux, ce fut la tenue du synode pour le Liban convoqué par le pape Jean-Paul II (1997) qui, mieux qu’aucun autre, mit en lumière la vocation du Liban comme « message de liberté et exemple de pluralisme pour l’Orient et l’Occident » (1989).

Sur le plan politique, ce fut l’appel historique de l’an 2000 pour demander l’application de l’accord de Taëf – qu’il avait lui-même rédigé, « à la virgule près », selon le patriarche Raï, avec l’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini –, et le départ des troupes syriennes du Liban. Départ qui ne fut effectif qu’en 2005, après l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri. Un appel qui fut suivi en 2001 par la réconciliation historique de la Montagne.

Le cœur ensanglanté

Pour en arriver là, le patriarche avait dû assister, le cœur ensanglanté, aux épisodes multiformes d’une guerre civile alimentée de l’étranger, et dont le dernier s’était déroulé entre les bataillons de l’armée restés fidèles au général Michel Aoun et les Forces libanaises de Samir Geagea. « On ne fête pas la victoire dans une guerre civile » : Le patriarche aurait certainement fait sienne cette devise de l’écrivain Laurent Gaudé, d’autant plus que les deux protagonistes de ces heurts (ainsi que leur communauté commune) en étaient sortis perdants, l’un prenant le chemin de l’exil, l’autre celui de la prison.

Le patriarche de tout le Liban avait entre-temps essuyé, le 5 novembre 1989, l’humiliation d’être conspué et brusqué dans ses propres appartements par des partisans de Michel Aoun qui avaient envahi le siège patriarcal pour régler son compte à celui qui avait osé « tenir tête au général », farouche opposant à l’accord de Taëf (1989).

Hommages et souvenirs

Le chef des Forces libanaises a sollicité hier dans une déclaration les « prières, plus nécessaires que jamais » de l’homme dont il se considérait le fils spirituel, par sa détermination à défendre l’unité du Liban, son indépendance et sa souveraineté.

Pour sa part, le site du Parti socialiste progressiste, al-Anbaa, a publié un article rendant hommage au patriarche Sfeir qui, en esprit de réconciliation et d’unité, avait effectué une visite historique à Walid Joumblatt à Moukhtara en 2001 pour « rendre la montagne à la montagne » et clore, symboliquement, une séquence de massacres et d’humiliations qui avait vidé le caza du Chouf de ses chrétiens. Une « épuration » inaugurée après l’assassinat de Kamal Joumblatt (mars 1977), et parachevée après la retraite forcée des Forces libanaises, entrées dans les régions druzes dans le sillage de l’armée israélienne.

Sur son compte Twitter, le chef du courant du Futur, Saad Hariri, a salué celui qui a toujours su placer « le Liban d’abord » en tête de ses priorités, un slogan que le courant du Futur a repris à son compte après l’élimination violente de son chef historique (14 mars 2005). « Son nom, sa détermination et sa foi dans l’unité du Liban ont à jamais marqué nos consciences », dit encore le texte, qui rend hommage à un chef religieux et national qui s’était souvent sorti d’embarras avec un mot juste. « Le mot juste, au moment juste, c’est de l’action », disait Hannah Arendt.

« Chaque patriarche rappelle et réactualise sans cesse le rôle que l’Église maronite doit jouer comme ferment de la nation libanaise. » Ces paroles du patriarche Béchara Raï, rapportées par Isabelle Dillman dans son ouvrage Au cœur du chaos, résument parfaitement la tâche et la passion qui furent, sa vie durant, celles du patriarche Nasrallah Sfeir (1920-2019), dont le...

commentaires (2)

Refuser l’élection de Daher était a sa place et le Patriarche, en patriote sincère, ne pouvait accepter qu'un président soit choisit par la Syrie. Personne d'ailleurs ne devait le faire. Cependant, le seul et unique responsable des catastrophes qui ont suivi est Michel Aoun qui a vendu le pays et détruit le seul bastion souverainiste encore debout. Depuis que ce général de pacotille a fait son apparition dans la politique du pays, ce dernier a été de mal en pis. Et ce n'est malheureusement pas fini!

Pierre Hadjigeorgiou

12 h 56, le 12 mai 2020

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Commentaires (2)

  • Refuser l’élection de Daher était a sa place et le Patriarche, en patriote sincère, ne pouvait accepter qu'un président soit choisit par la Syrie. Personne d'ailleurs ne devait le faire. Cependant, le seul et unique responsable des catastrophes qui ont suivi est Michel Aoun qui a vendu le pays et détruit le seul bastion souverainiste encore debout. Depuis que ce général de pacotille a fait son apparition dans la politique du pays, ce dernier a été de mal en pis. Et ce n'est malheureusement pas fini!

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 56, le 12 mai 2020

  • LE DICTON NE DIT ILS PAS PLUS L'HOMME EST IMPORTANT PLUS SES PECHES LE SONT ? LE CARDINAL PATRIARCHE AVAIT COMMIS UNE FAUTE QUI A FAIT PAYE AU LIBAN LA PLUS GRAVE CRISE DE SON HISTOIRE : REJETER LE CHOIX DE MICHAEL DAHER POUR LA PRESIDENCE EN 1988 ET CE QUI EN ETAIT SUIVI. SON ACTE DE 2001 DANS LA MONTAGNE EST IL SUFFISANT POUR LE PARDONNER ? NON .

    Gaby SIOUFI

    10 h 27, le 12 mai 2020

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