Les parents d’élèves sont réticents à régler les frais de scolarité dans leur intégralité en période de confinement. Photo DR
C’est lors d’une conférence de presse particulièrement attendue que le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Tarek Majzoub, a fixé au 28 mai la réouverture des institutions scolaires et universitaires, conformément au plan gouvernemental d’allègement du confinement. Il a aussi annoncé le maintien des épreuves officielles du bac libanais, quelque peu allégées, qui devraient se dérouler sur deux sessions, à la mi-août et à la mi-septembre, et réitéré l’annulation des épreuves du brevet sauf pour les candidats libres. Des décisions qui n’ont pas été favorablement accueillies par toutes les parties concernées. L’allocution de M. Majzoub a enfin abordé, en réponse à une question, la délicate question des écolages qui divise les différents acteurs de l’école privée en cette période de crise économique et financière aiguë sur fond de pandémie de coronavirus.
L’épreuve du brevet trop risquée en temps de coronavirus
Les élèves sont donc fixés. Les candidats au brevet peuvent souffler, tout en poursuivant leur année scolaire. Ceux de terminale par contre, un peu plus de 40 000 candidats selon les chiffres du Centre de recherche et de développement pédagogiques de 2018-2019, doivent mettre les bouchées doubles s’ils veulent obtenir le fameux sésame qui leur donnera accès à l’université. Il n’était d’ailleurs pas question d’annuler les épreuves du bac et de les remplacer par une attestation. M. Majzoub l’avait déjà dit à maintes reprises. L’expérience menée en 2014 par l’ancien ministre de la Justice Élias Bou Saab s’était révélée désastreuse, et les détenteurs d’attestation en avaient pâti à leur entrée à l’université. La situation est tout autre pour les élèves de troisième, qui ne vivent pas une année décisive, quand bien même certains lycéens quittent l’école à ce stade pour exercer une activité professionnelle. « Avec un peu plus de 60 000 candidats au brevet, la préparation des épreuves était particulièrement lourde pour le ministère, compte tenu de la nécessité de respecter les mesures d’hygiène et de distanciation, relève une source informée de l’éducation. Sans compter que les élèves de troisième sont plus jeunes, donc forcément moins disciplinés que les élèves de terminale. »
Cette décision concernant les examens officiels n’est pas du goût de tous. Si les professionnels de l’éducation saluent la décision du ministre, les élèves et leurs parents sont nettement plus critiques et ne se privent pas de le crier sur les réseaux sociaux notamment. « C’est une bonne chose d’annuler le brevet et de moduler le bac de sorte à alléger les épreuves, à définir des matières obligatoires principales et optionnelles secondaires, sans pour autant recourir aux attestations », estime le directeur du collège Melkart, Faouzi Makhoul. Même son de cloche du président du syndicat des enseignants de l’école privée, Rodolphe Abboud, qui note l’importance du calendrier fixé par le ministre. « Au besoin, si l’état sanitaire du pays ne le permet pas, ce calendrier peut être modifié. Mais déjà, nous avons une première certitude, celle de l’annulation du brevet cette année à titre exceptionnel », observe-t-il. Mais Jihad Bazzoun, membre de la révolte populaire, estime qu’il faut traiter les élèves du brevet et du bac à égalité car ils ont les mêmes droits. « Ils ont tous souffert des contrecoups de la révolte populaire, de la peur du coronavirus, de la crise économico-financière et des failles de l’enseignement à distance. Ils n’ont ni les nerfs ni la tête à étudier car la situation actuelle est particulièrement stressante. Il faut donc annuler le bac et le brevet », martèle-t-il.
Le casse-tête de la distanciation en classe
La question de la reprise des classes est encore plus problématique. Surtout à partir du 11 juin qui marquera le retour des élèves du CM1 à la première (les classes de troisième et de terminale reprenant les cours le 28 mai). Car elle concerne la sécurité des élèves. « C’est flou. Comment allons-nous appliquer les mesures de distanciation ? se demande Faouzi Makhoul. Même si nous pratiquons l’alternance, comme conseillé par le ministre Majzoub, à raison de trois jours hebdomadaires par groupe de 15 élèves, cela reste trop. » « On ne peut parler de distanciation, ni dans les classes ni dans les couloirs ou dans les cours de récréation », ajoute-t-il, prônant plutôt le report. Il faut aussi dire que la reprise des classes représente pour les enseignants une surcharge de travail. « Ils doivent donner la même classe deux fois et être présents à l’école pendant six jours, tout en continuant leurs préparations et les cours à distance », dénonce Rodolphe Abboud. Et ce alors que nombre d’enseignants sont victimes de coupes de salaire, vu le montant élevé des scolarités impayées. « Sur proposition du ministre, puisqu’il est question de reprendre le 28 mai et de prolonger l’année scolaire jusqu’à la fin juillet, les enseignants épuisés par l’enseignement à distance ne pourraient-ils pas prendre un peu de repos avant la reprise ? » demande alors le syndicaliste.
Du côté des parents d’élèves, on oppose un niet catégorique à la décision ministérielle. « Nous refusons une telle mesure. Il y va de la sécurité de nos enfants, gronde Marcelle Rached, mère de famille et membre de la contestation populaire. La situation sanitaire et économique est de plus si pénible que les élèves sont dans l’incapacité de se concentrer. » Mme Rached insiste dans ce cadre pour que la fin de l’année scolaire soit annoncée et que les notions perdues figurent au programme de la rentrée prochaine. « C’est ce que nous réclamerons lundi prochain, lors d’un sit-in devant le ministère de l’Éducation », promet-elle.
Le niet des parents d’élèves
Il faut aussi dire que les frais de scolarité font débat depuis que nombre d’administrations scolaires réclament le règlement des factures du troisième trimestre, allant parfois à menacer de renvoi. Et le niet des parents d’élèves de voir leurs enfants reprendre l’école ne serait pas étranger à leur réticence de régler le dernier versement de l’année scolaire parce qu’ils sont fortement touchés par la crise économique et la dépréciation de la livre libanaise, et qu’ils estiment risquée la reprise en temps de coronavirus. Certains vont même jusqu’à accuser les autorités d’organiser la reprise des classes rien que pour faire payer les parents d’élèves. « Les écoles privées réclament les écolages. Mais les parents sont au chômage et n’ont pas de quoi les payer, sans oublier les frais supplémentaires occasionnés par le coronavirus », dénonce Marcelle Rached, fustigeant un État qui a échoué à porter assistance aux populations en souffrance. Interrogé d’ailleurs sur la question, Tarek Majzoub s’est voulu rassurant. Il a précisé que la question avait fait l’objet d’un accord entre les différents partenaires de l’enseignement privé (directions, professeurs, parents). Il semble toutefois que cet accord soit loin d’être finalisé. La réunion a effectivement permis de reconnaître la nécessité de verser intégralement les salaires des enseignants et des employés scolaires, mais « les comités de parents d’élèves se sont rétractés après s’être engagés à régler les écolages, révèle Rodolphe Abboud. Ils avaient pourtant obtenu des assurances d’une revue à la baisse des budgets scolaires sous la supervision du ministère de l’Éducation ». La question promet de faire couler beaucoup d’encre encore. Et dans une mise en garde, Faouzi Makhoul craint que « nombre d’écoles privées ne mettent bientôt la clé sous la porte ».
C’est lors d’une conférence de presse particulièrement attendue que le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Tarek Majzoub, a fixé au 28 mai la réouverture des institutions scolaires et universitaires, conformément au plan gouvernemental d’allègement du confinement. Il a aussi annoncé le maintien des épreuves officielles du bac libanais, quelque peu...
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