Rechercher
Rechercher

Culture - En librairie

« Luca », de Franck Thilliez, un polar au réalisme effrayant

Un 18e opus dont l’intrigue, plongée dans les dérives de l’invasion du numérique, entraîne le lecteur dans l’envers du décor de nos sociétés hyperconnectées.

Franck Thilliez. Photo AFP

Hélène et Bertrand Lesage désirent un enfant. Mais Hélène est stérile. Ils font appel de manière illégale à une mère porteuse pour une insémination artificielle dans un hôtel lugubre. Quelques mois plus tard, un cadavre défiguré est retrouvé dans la forêt de Bondy, en région parisienne. Le même jour, un homme meurt devant le bastion du nouveau quai des Orfèvres, à 17h2. Il a tout juste le temps de déposer une lettre à l’intention de la police. Dans cette lettre, un homme qui se fait appeler l’Ange du futur annonce une série de meurtres à venir pour punir ceux qui jouent à Dieu en modifiant les règles génétiques, en participant à la robotisation de la vie humaine. Les policiers y lisent, entre autres : « Les robots, les algorithmes vous envahissent. Le portable est devenu le prolongement de votre cerveau, que vous offrez sans contrôle à des bases de données. Je vous plains plus que je ne vous hais, pauvres chimpanzés, votre vie appartient désormais à Google et Facebook ! Votre existence est construite sur des “J’aime” et sans eux, vous avez l’impression de n’être rien. Si, en fait, vous êtes quelque chose : des produits. Des produits pour les assurances, les banques, les publicitaires, les vendeurs de voitures et les partis politiques. Vous pensez profiter de services gratuits, mais cette gratuité à un prix : celle de votre identité. De votre liberté. » Le moyen de pression de l’Ange du futur ? Un site internet, et la vie de deux personnes…



Une contagion rapide et mondiale

Franck Thilliez est un des auteurs français dont on parle le plus ces dernières semaines dans l’Hexagone. Notamment en raison d’un de ses précédents romans, Pandemia, paru en 2015 et dans lequel il imagine la propagation d’un virus grippal qui dégénère en pandémie… Il y raconte l’apparition d’un virus d’origine animale (en l’occurrence un cygne plutôt qu’une chauve-souris), une contagion rapide et mondiale, des autorités dépassées, des services hospitaliers saturés, des populations confinées : de parfaits échos de ce que nous vivons depuis l’apparition du coronavirus à peine cinq ans en arrière. Et pour cause : cet ancien ingénieur en nouvelles technologies, reconverti en auteur de polars se vendant à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde, se tient à l’impératif de véracité scientifique : il observe, se documente, fait des recherches, rencontre des spécialistes – pour Pandemia, il avait collaboré avec l’Institut Pasteur de Lille. À propos de ce livre, Françoise Dargent écrivait dans Le Figaro du 15 juin 2015 : « Un roman peut être bien plus efficace qu’une campagne de sensibilisation. »

Dans Luca (éditions Fleuve noir), son 18e roman, il ne déroge pas à la règle. Intelligence artificielle, hacking, cybercriminalité, insémination artificielle, eugénisme, transhumanisme, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, l’inquiétante hégémonie des GAFA… On retrouve dans ce thriller noir et captivant les grandes controverses de notre époque, dont l’auteur montre ce que ces thèmes peuvent créer d’horreur lorsque des esprits sans vergogne s’en emparent. Et ce que Franck Thilliez imagine dans cette fiction, qu’il s’agisse de modifications génétiques in vitro, d’augmentation des capacités humaines via puces et implants, ou encore de crackage informatique mondialisé à partir des big data, est tout à fait possible, plausible et, en ce sens, terrifiant. Tout cela sur fond d’enquête policière mettant en scène la police parisienne du 36 quai des Orfèvres, avec une équipe d’enquêteurs composée de Franck Sharko, Lucie Hennebelle, Nicolas Bellanger ou encore Audra Spick. Le romancier emporte son lecteur dans une intrigue complexe, très sombre et macabre, pleine de rebondissements et de nouvelles inconnues.

On est quelque part entre l’histoire de Frankenstein, le mythe de Prométhée, et la série Black Mirror, reprenant tous les éléments du genre du thriller : une écriture virile, des flics incisifs, une pluie battante, des traumatisés, des puits qui conduisent à des antres, des organisations sectaires… Avec quelque chose de très cinématographique, entre la série télé et le blockbuster hollywoodien qui, si l’on n’est pas trop exigeant quant à la recherche d’un style original, n’entache pas la lecture. Bref, un bon polar de 550 pages (qui se lisent d’une traite), addictif et intelligent, dont on ressort moins bête et plus averti quant à ces outils numériques et génétiques qui envahissent impudiquement notre quotidien.

• Disponible à la librairie Antoine

Hélène et Bertrand Lesage désirent un enfant. Mais Hélène est stérile. Ils font appel de manière illégale à une mère porteuse pour une insémination artificielle dans un hôtel lugubre. Quelques mois plus tard, un cadavre défiguré est retrouvé dans la forêt de Bondy, en région parisienne. Le même jour, un homme meurt devant le bastion du nouveau quai des Orfèvres, à...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut