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Société - Reportage

« Désormais, au supermarché, nous lésinons sur la qualité des produits que nous achetons »

Dans de nombreux supermarchés du Metn, des rayons entiers sont vides, alors que les prix sont revus à la hausse d’un jour à l’autre.

Le kilo de citron a atteint les 4 500 livres.

« La semaine dernière, le bocal de 100g coûtait 9 500 livres. Aujourd’hui, il est à 12 200 livres », annonce un homme à son épouse. Debout devant le rayon presque vide de café soluble d’un grand supermarché au Metn, ganté et masqué, il poursuit : « Le petit bocal est à 7 000 livres. T’en veux ? Tu vois bien que les bocaux de 100 g sont épuisés. » Les yeux de la jeune femme brillent et, soudain, elle part d’un grand éclat de rire. « Tout cela est ridicule. Où est-ce qu’on va ? »

Le couple n’a pas trouvé la marque qu’il cherche, mais il a tenu à examiner les prix affichés, « histoire de comparer ». « Il fut un temps où nous achetions ce dont nous avions envie, sans même vérifier les prix, explique la jeune femme. Aujourd’hui, nous nous limitons aux produits basiques et essentiels. Nous ne pouvons plus nous payer le luxe d’acheter les marques auxquelles nous sommes habitués. Nous lésinons sur la qualité d’autant que les prix augmentent d’un jour à l’autre, au même titre que la Bourse. » « Nous sommes passés au générique, lance le mari d’un ton badin. Mais nous n’en trouvons même plus. »

Dans ce supermarché, une jeune employée discute avec Sara, une amie et une cliente, qui se plaint de la hausse des prix et lui explique que ces derniers ont renchéri entre 30 % à 50 % en l’espace de 24 heures. « Le prix d’un même produit diffère d’un supermarché à un autre, constate Sara. Avec nos salaires qui ne valent plus rien, nous nous amusons à faire le tour des supermarchés, comme des mendiants, pour acheter les produits les moins chers dans chacun des magasins. Et cela fait une différence, parce que d’un marché à un autre, on économise au moins 1 000 à 2 000 livres pour chaque produit. C’est frustrant. Quant à la viande, n’en parlons pas. En l’espace d’un mois, le kilo de bœuf est passé de 25 000 à 40 000 livres. »

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Georges, un sexagénaire, confie qu’il est un habitué des supermarchés. « Depuis cinq jours, les prix de plusieurs produits n’ont pratiquement pas changé, alors que ceux d’autres ont augmenté de près de 50 % », constate-t-il. Rencontré dans le parking d’un grand supermarché du Metn, il note que le prix des légumes et des fruits a augmenté, mais il estime que cela est dû au fait que les consommateurs « ont limité leurs achats en raison de la dévaluation de la livre ». « Pour compenser leurs pertes, les vendeurs ont revu leurs prix à la hausse, alors que les agriculteurs continuent à leur fournir la marchandise au même prix », note-t-il. Pour lui, il est impératif que le ministère de l’Économie intervienne. « De nombreux consommateurs achètent plus que ce dont ils ont besoin, parce qu’ils ont peur du lendemain. »


Le kilo de viande de bœuf est passé en l’espace d’un mois de 25 000 à 40 000 livres. Photos João Sousa

Une inflation de 14,45 % en un an

Et pour cause, puisque depuis quelques mois les prix connaissent une hausse rapide qui s’est accrue ces dernières semaines avec la flambée sans précédent du taux du change du dollar sur le marché noir. Selon l’Administration centrale des statistiques (ACS), dont les derniers chiffres remontent à janvier 2020, l’inflation mensuelle (de décembre 2019 à janvier 2020) était de 2,13 % et celle annuelle (janvier 2019-janvier 2020) de 10,04 %. Un chiffre qui frôle les 14,45 % au cours de la même période selon l’Institut de consultation et de recherches (Consultation and Research Institute-CRI). D’après cet institut, entre mars 2019 et mars 2020, le prix du fromage halloumi a augmenté de 23 %, celui du lait en poudre de 27 %, des mouchoirs en papier de 25 %, du produit de vaisselle de 29 %, du blé concassé de 46 %, du kilo de haricots rouges de 40 %, de l’huile végétale de 28 %, des pâtes de 27 %, de la viande de bœuf de 41 %, du riz de 44 %, de la farine de 46 %, du sel de 50 %, de la confiture de 61 % et du sucre de 67 %.

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« Nous aussi souffrons des prix, lance à L’Orient-Le Jour Nabil Fahd, président du syndicat des supermarchés. Le principal problème reste le taux de change du dollar qui a augmenté de plus de 1 000 livres en l’espace de dix jours et la pénurie de cette devise sur le marché. En pratique, tant les importateurs que les supermarchés sont perdants. »

Concernant l’absence de produits constatée dans plusieurs supermarchés où de nombreux rayons étaient vides hier, M. Fahd explique que certains fournisseurs refusent de livrer la marchandise. « Nous sommes tous victimes du dollar, affirme-t-il. Il faudrait que le gouvernement subventionne les produits essentiels, en assurant des dollars. Le ministre de l’Économie, Raoul Nehmé, prépare un plan dans ce sens qu’il doit finaliser d’ici à une semaine. Nous espérons qu’il aboutira. Nous soutenons le ministre dans cette initiative. »

Nabil Fahd fait remarquer en outre que les prix, en dollars, restent inchangés. L’inflation est sentie lorsqu’ils sont convertis en livres. « La seule solution possible consiste à recourir au Fonds monétaire international, parce que c’est la seule entité qui peut assurer de la liquidité au Liban, ce qui contribuera à faire baisser le cours du dollar et par conséquent celui des marchandises », estime-t-il.

« La semaine dernière, le bocal de 100g coûtait 9 500 livres. Aujourd’hui, il est à 12 200 livres », annonce un homme à son épouse. Debout devant le rayon presque vide de café soluble d’un grand supermarché au Metn, ganté et masqué, il poursuit : « Le petit bocal est à 7 000 livres. T’en veux ? Tu vois bien que les bocaux de 100 g sont...

commentaires (2)

Ce que j'aimais au Liban ce sont les petites echoppes avec les fruits et les legumes qu'on trouve parfois dans les rues ...

Stes David

15 h 36, le 29 avril 2020

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Commentaires (2)

  • Ce que j'aimais au Liban ce sont les petites echoppes avec les fruits et les legumes qu'on trouve parfois dans les rues ...

    Stes David

    15 h 36, le 29 avril 2020

  • Quand la monnaie libanaise dévalue si vite on ne peut s ’attendre à mieux

    Antoine Sabbagha

    10 h 12, le 29 avril 2020

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