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Santé - Épidémie

Le Covid-19 atteint aussi le cœur

Les études ont montré que chez 7 % des patients contaminés, la troponine, un marqueur de souffrance cardiaque, est élevé, sans qu’il n’y ait toutefois de répercussions cliniques. En revanche, 20 % des patients se trouvant dans un état critique souffrent d’une atteinte cardiaque grave.


22 % des patients testés positifs au Covid-19 et qui évoluent vers un état critique ou qui décèdent souffrent d’une atteinte cardiaque grave. Joseph Eid/AFP

Bien que les poumons soient les principaux organes affectés par une infection au Covid-19, les études ont montré que la maladie impacte également le cœur. Les personnes cardiaques ou présentant des comorbidités, comme le diabète ou l’hypertension, sont considérées à risque et doivent se prémunir. Le Dr Zeina Kadri, directrice des soins intensifs cardiaques à l’Hôtel-Dieu de France et maître de conférences à l’Université Saint-Joseph, fait le point pour L’Orient-Le Jour.

Quels sont les effets d’une infection au coronavirus sur le cœur ?

Les poumons sont les principaux organes atteints par le Covid-19. Néanmoins, les études ont montré que la troponine, un marqueur de souffrance cardiaque, est élevée chez 7 % des patients atteints. Cette élévation n’a pourtant pas de répercussions cliniques. En revanche, 22 % des patients testés positifs au Covid-19 et qui évoluent vers un état critique ou qui décèdent ont une atteinte cardiaque grave. Ceci a lieu par deux biais : soit la tempête inflammatoire finit par atteindre le muscle cardiaque qui flanche, soit elle déclenche un infarctus chez un patient souffrant déjà d’athérosclérose.

Les lésions observées au niveau du cœur concernent-elles les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires uniquement ou peuvent-elles être observées a posteriori chez celles qui n’ont pas de maladie cardiaque antérieure ?

20 % des patients (un sur cinq) qui décèdent d’une infection au Covid-19 ont une atteinte cardiaque grave. Si l’aggravation a lieu à la suite de l’atteinte du muscle cardiaque, une prédisposition n’est pas nécessaire, cela peut survenir même chez un jeune en bonne santé. Néanmoins, un muscle sain a plus de chance de s’en sortir qu’un muscle préalablement malade. En ce qui concerne l’ischémie et l’infarctus du myocarde, ils ne se produisent que sur des artères préalablement atteintes.

Les personnes traitées au long cours avec de l’aspirine doivent-elles arrêter la prise de ce médicament ?

Il ne faut surtout pas arrêter l’aspirine. Le seul médicament que l’on suspecte être incriminé dans l’aggravation de l’atteinte au coronavirus est l’anti-inflammatoire non stéroïdien qui reste à éviter, bien que la cortisone a été récemment jugée efficace. L’aspirine ne l’est pas à ce jour et son arrêt peut entraîner des répercussions cardiovasculaires graves.

Quid de l’hypertension, d’autant que certaines études ont pointé du doigt des classes de médicaments qui augmenteraient les risques d’infection au coronavirus et en intensifieraient les symptômes ?

Une relation claire a été notée entre la présence d’une hypertension et la survenue de complications après une infection au Covid-19. Dans ce cas, le taux de mortalité s’élève à 6,5 %. La majorité des patients s’en sortiront donc indemnes. Le risque de complications reste toutefois plus élevé chez les personnes souffrant d’une hypertension que chez une population saine. Ceci est probablement dû au fait que les hypertendus sont généralement plus âgés, sachant que l’âge reste le facteur de risque le plus aggravant. De plus, les hypertendus ont souvent un arbre artériel moins sain. En ce qui concerne les anti-hypertenseurs pointés du doigt, des contradictions sont constatées entre des études les incriminant dans les aggravations et d’autres, qui les innocentent. C’est la raison pour laquelle la Société européenne de cardiologie a publié une recommandation, conseillant aux médecins de ne pas les arrêter. C’est ce que je fais, tout en évitant de les débuter chez un patient testé positif au Covid-19.

L’apnée du sommeil représente-t-elle un facteur de risque de l’infection au Covid-19 ou l’aggrave-t-elle ?

Il n’y a pas d’argument pour une augmentation du risque lié directement à l’apnée du sommeil. En revanche, cette apnée est souvent associée à des conditions identifiées comme facteurs de risque ou de gravité de l’infection au Covid-19, notamment l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle et les maladies cardiovasculaires). L’utilisation par un patient atteint de la pression positive continue (masque utilisé comme traitement la nuit) augmente le risque de l’infection de la personne qui partage le lit à cause des fuites du masque.

Et le diabète des types 1 et 2 ?

Tout comme l’hypertension, le diabète aggrave le devenir du patient infecté et augmente son risque de mortalité à 6 % également. Et ce parce que ces patients sont plus souvent âgés et cardiaques, mais aussi parce que l’immunité des diabétiques est plus faible. De plus, le virus se nourrit mieux dans un milieu plus « sucré », sans compter que toute infection déstabilise le diabète lui-même. Bien évidemment, le risque augmente avec le niveau de gravité du diabète.

Les traitements actuellement disponibles et utilisés au Liban peuvent-ils être administrés aux patients cardiaques et diabétiques atteints de Covid-19, ou y a-t-il un risque d’interaction médicamenteuse et de complications ?

L’hydroxychloroquine (un antipaludéen qui fait actuellement l’objet d’un vaste essai clinique en France, après que le professeur Didier Raoult, spécialiste en maladies infectieuses et directeur de l’IHU Méditerranée Infection à Marseille, a annoncé son efficacité pour guérir les patients, NDLR) peut causer des arythmies cardiaques chez certains patients prédisposés. Son association à l’azithromycine (un antibiotique parfois associé à l’hydroxychloroquine) aggrave cette tendance.

Pour cela, un électrocardiogramme est effectué au patient avant le début de ce traitement et tout au long du suivi. Cette surveillance est encore plus serrée dans le cas où le patient aurait des problèmes cardiaques ou des traitements à visée cardiaque. Il faut préciser que cela n’empêche nullement la prescription de cette association de traitements, mais il ne faut surtout pas que le patient prenne ces médicaments sans avoir consulté un médecin.

Se faire vacciner contre la grippe peut-il protéger les personnes cardiaques de l’infection au SARS-CoV-2 ?

Malheureusement pas. Le vaccin de la grippe ne protège pas contre le Covid-19. Le nouveau coronavirus est un tout autre virus. J’espère que son propre vaccin sera développé prochainement.

Quelles sont les mesures de prévention que ces personnes et leur entourage doivent prendre ?

Les personnes cardiaques ou diabétiques sont plus vulnérables et plus fragiles. Elles doivent prendre les mêmes mesures que tout le monde, mais elles doivent les observer de manière encore plus ferme. Cela sous-entend le confinement, le lavage fréquent des mains selon les règles d’hygiène. Il ne faut pas non plus se toucher le visage si on ne s’est pas lavé les mains. Ces personnes ne doivent surtout pas négliger tout symptôme débutant (mal de gorge, fièvre, toux…).


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