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À la coupe !

À voir le gouvernement s’éreinter en heures supplémentaires pour plancher sur la question, on pourrait penser qu’observant la sage recommandation de Boileau, cent fois sur le métier il s’obstine à remettre son ouvrage. C’est ailleurs hélas qu’il faut rechercher la cause de tant de trompeuse assiduité au travail.

Car en dépit de l’urgence de la situation, encore aggravée par la pandémie de coronavirus, le plan de sauvetage économique et financier n’est, à ce jour, qu’une amorce d’esquisse de tentative d’avant-projet : un bouillon, quoi, auquel les responsables donnent abusivement le nom de brouillon, et dont ils laissent fuiter de temps en temps quelques-uns des ingrédients, à titre de ballons d’essai. Contrôle des capitaux, haircut : on s’est bien gardé de proférer ces mots tabous qui font se hérisser le poil, s’arracher les cheveux, les honnêtes déposants. Mais c’est tout comme, car c’est sur des variantes impliquant une forme ou une autre d’association forcée entre l’État, les banques et le peuple que semblent lorgner les autorités. Le plus extraordinaire toutefois est que toutes ces indiscrétions tamisées ne visaient pas tant à tester les réactions du public que celles des forces politiques qui décident pour le gouvernement. Et qui – par intérêt ou bien par pure gesticulation démagogique – sont profondément divisées sur la question.

Aussi vaine que choquante demeure cependant l’approche ainsi faite du problème et qui consiste à mettre la charrue avant les bœufs. Il ne sert à rien en effet de mettre le pays à la diète, d’accabler de taxes les citoyens, de gommer leur déjà pitoyable pouvoir d’achat, de geler leurs modestes économies, si les fauteurs de ruine et autres naufrageurs doivent demeurer aux commandes… et recommencer de plus belle ! Avant que de songer à saigner le peuple, c’est ailleurs qu’il faut, en haute priorité, stopper l’insolente hémorragie, à commencer par une administration regorgeant de fonctionnaires fainéants ou vénaux. Parallèlement à une restructuration de la dette libanaise, c’est l’exercice même du pouvoir, fondé sur la corruption et le clientélisme, qu’il est impératif de réaménager, de recodifier, d’assainir.

Si le Covid-19 étouffe une économie nationale déjà bien malade, il s’avère impuissant face au cours tranquille des abus et scandales. À l’électricité comme aux douanes et dans les autres filières protégées de la contrebande, la porte reste grande ouverte aux irrégularités et prévarications. Sur instructions de leurs parrains politiques, des ambassadeurs du Liban postés dans des capitales européennes ont ouvertement fait preuve de favoritisme dans la sélection des expatriés candidats au retour. Suprême honte, ce véritable sport national qu’est la fraude en tous genres est venu gripper les opérations de secours aux familles démunies…

Mais au fait, qu’advient-il donc, dans le discours officiel, des dizaines de milliards détournés au su et au vu de tous par des dirigeants indignes ? Et par quelle aberration devrions-nous, de surcroît, payer pour leurs méfaits ? Les vouer à la plus impitoyable des tondeuses serait encore trop clément.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

À voir le gouvernement s’éreinter en heures supplémentaires pour plancher sur la question, on pourrait penser qu’observant la sage recommandation de Boileau, cent fois sur le métier il s’obstine à remettre son ouvrage. C’est ailleurs hélas qu’il faut rechercher la cause de tant de trompeuse assiduité au travail.Car en dépit de l’urgence de la situation, encore aggravée par la...