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Nos Lecteurs ont la Parole

Haircut et rasoir d’Ockham

Le rasoir d’Ockham est un principe philosophique qui s’assimile à celui de parcimonie : ne pas utiliser plus d’explications, de moyens, de troubles que nécessaire.

Au-delà de l’image plaisante de rapprocher deux métaphores – le haircut (qui agite tout notre landerneau) et ce concept philosophique –, il contient une vérité profonde dont l’usage aujourd’hui au Liban est une nécessité morale, économique, sociale et politique.

La situation économique au Liban peut être résumée par une triple défaillance : celle de l’État, qui est dans l’incapacité de payer ses dettes – plus particulièrement la Banque du Liban qui ne peut restituer à ses créanciers (les banques commerciales du pays) leurs créances exigibles ; celle des banques commerciales qui ne peuvent mettre à la disposition de leurs clients leurs dépôts pour des transferts à l’étranger ; et celle du système politique qui ne suscite plus la confiance nécessaire pour un fonctionnement harmonieux de l’économie. Certains experts recommandent un haircut par lequel les créances des déposants, celles des banques, celles des créanciers en général, seraient ponctionnées pour réduire les dettes de l’État.

Tout d’abord, l’explication sous-jacente n’obéit pas au principe énoncé plus haut.

Les créanciers auraient eu tort de faire confiance à l’État, au système financier et au modèle économique libanais. N’est-il pas plus rationnel de voir que l’État libanais n’a pas géré correctement les avoirs qui lui ont été confiés et la crise de liquidité à laquelle il fait face ?

Les moyens envisagés ne relèvent pas non plus du principe.

Le haircut généralisé tendra à éliminer un certain nombre de créances en cascade. N’est-il pas plus efficace de restaurer le crédit de l’État et d’en améliorer l’efficacité ?

Quant aux troubles que la menace de haircut génère, il suffit de constater que les Libanais n’envoient plus d’argent au Liban à travers le système bancaire et cherchent la plus petite occasion, même la plus coûteuse, pour sortir ce qu’ils y ont, ce qui a tendance à bloquer tout le circuit économique à court et long terme.

N’est-il pas moins dommageable de conduire une négociation franche entre l’État et ses créanciers nationaux et internationaux pour étaler ses dettes, améliorer son fonctionnement et ramener la confiance ?

La solution envisagée obéirait au cadre suivant :

- Toutes les créances (inclus les dépôts des clients auprès des banques) sont sacro-saintes et ne sauraient être réduites sauf accord des créanciers.

- Une loi autoriserait un rallongement du délai de paiement pour la totalité des dettes (privées et publiques), mais ce rallongement doit comporter un coût et ne pas être trop long.

- Les nouvelles conditions de paiement doivent être assorties de garanties supplémentaires, par exemple sous forme de prises de participation conditionnelles. Pour être plus clair, si une entreprise désirait un délai de paiement de sa banque, elle accepterait que celle-ci puisse devenir actionnaire chez elle jusqu’au paiement de la dette ; ou si l’État veut décaler sa dette, il doit concéder des participations dans le considérable patrimoine privé de l’État, jusqu’au remboursement.

- Toutes les transactions de renégociation sont faites en face à face et non par des tribunaux ou par des liquidateurs. Les accords sont ensuite automatiquement entérinés par le tribunal.

- Les coûts fiscaux induits par ces accords doivent être éliminés. En l’occurrence, il serait anormal que les prises de participation, les hypothèques, les gages, etc. donnent lieu à des droits d’enregistrement, des taxes ou des impôts sur plus-value.

- Les contraintes empêchant les banques ou les créanciers de prendre des participations dans des entreprises publiques ou privées doivent être levées en attendant la fin du rallongement.

- Les débiteurs, personnes privées, pourraient être garantis par l’État pour obtenir leur rallongement.

Il est essentiel que le plan de sortie de crise ne compromette pas l’avenir. La confiance est l’alpha et l’oméga de la vie en société. Toute divergence par rapport aux accords initiaux, toute inégalité entre les différents créanciers ou entre les différents débiteurs et tout retard dans la réforme et la restructuration de l’État dans l’établissement d’un filet social et d’une rationalisation de la vie politique se paieront très cher et pour de très longues années, et modifieront le modèle économique libanais.

Riad OBEGI* et Fouad ZMOKHOL**

*Docteur en économie, président-directeur général de la Banque BEMO et du Groupe Obegi.

** Professeur de stratégie managériale, président du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais dans le monde (RDCL-World).

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Le rasoir d’Ockham est un principe philosophique qui s’assimile à celui de parcimonie : ne pas utiliser plus d’explications, de moyens, de troubles que nécessaire.Au-delà de l’image plaisante de rapprocher deux métaphores – le haircut (qui agite tout notre landerneau) et ce concept philosophique –, il contient une vérité profonde dont l’usage aujourd’hui au Liban est...

commentaires (3)

Ma vie est sacro-sainte mais je ne suis pas immortel. Drôle d'argument que de dire que le remboursement d'une dette (un dépôt) est sacro-saint.

M.E

10 h 41, le 15 avril 2020

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Commentaires (3)

  • Ma vie est sacro-sainte mais je ne suis pas immortel. Drôle d'argument que de dire que le remboursement d'une dette (un dépôt) est sacro-saint.

    M.E

    10 h 41, le 15 avril 2020

  • FAIRE DES DEPOSANTS DES ACTIONNAIRES DANS LES BANQUES EN FAILLITE EST UNE PROPOSITION CRIMINELLE. QUE PEUVENT FAIRE LES DEPOSANTS DE TELLES ACTIONS SINON ETRE OBLIGES DE LES VENDRE AUX REQUINS DES FINANCES POUR DES PRIX DERISOIRES CAR ILS ONT BESOIN D,ARGENT LIQUIDE POUR VIVRE. LES ACTIONS DE L,INTRA EN SONT LE VIVANT EXEMPLE. QUE LES MULTIMILLIONNAIRES PROPRIETAIRES DES BANQUES QUI ONT PRETE L,ARGENT A L,ETAT EN FAILLITE EN PAIENT LE PRIX. ET PAS LES DEPOSANTS.

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    10 h 14, le 15 avril 2020

  • Un article et des propositions qui témoignent d'une culture économique et philosophique manquant cruellement a nos dirigeants

    Tabet Ibrahim

    09 h 35, le 15 avril 2020

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