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Culture - La compagnie des livres

Alexandre Najjar : C’est un texte de Martin Luther King qui m’a convaincu de devenir avocat 

Il se défend d’être « l’homme d’un seul livre ». Encore moins celui d’un seul genre littéraire. « Habité » par la passion de la lecture depuis son plus jeune âge, l’avocat-écrivain confie que c’est elle qui est à l’origine de son double parcours professionnel.


« Je peux lire n’importe où : dans l’avion, dans mon lit ou au salon », affirme Alexandre Najjar.

« Quand on a beaucoup lu, on a fatalement la tentation de passer de l’autre côté du miroir », assure Alexandre Najjar qui a déjà à son actif plus d’une quarantaine d’ouvrages, entre romans, biographies, essais, recueils, pièces de théâtre et textes juridiques... Sans compter son implication dans L’Orient littéraire, le supplément livres de L’OLJ qu’il a relancé en 2006 et qu’il dirige depuis. Entretien-vérité avec ce lecteur boulimique (et romantique aussi) qui se dévoile à travers ses coups de cœur et ses déceptions...livresques.

Les livres, pour vous, c’est… ?

Un enrichissement permanent, une vieille complicité, la possibilité d’assouvir ma curiosité naturelle en découvrant de nouveaux auteurs venus de pays différents et possédant des styles variés…

Comment est née votre passion de la lecture ? Qui vous en a donné le goût ?

Ma mère, très certainement. C’était une grande lectrice qui possédait une bibliothèque intéressante mais hétérogène comprenant aussi bien des livres de Verlaine, Gide, Camus, Sartre, Malraux, Sagan, que des romans de Frison-Roche ou Daphné du Maurier… Elle m’a beaucoup encouragé à lire et m’achetait régulièrement des titres de la Bibliothèque Rose et de la Bibliothèque Verte (que j’échangeais avec mon ami Marc), avant de commencer à me passer ses livres. Je me souviens des quatre premiers ouvrages pour « grands » que j’ai lus grâce à elle : Le Vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway, le Journal d’Anne Frank, Le Silence de la mer de Vercors et Il est minuit, docteur Schweitzer de Gilbert Cesbron. Mon père était aussi un grand lecteur, mais il était plutôt féru d’histoire : il était incollable sur Napoléon, de Gaulle et Lyautey ! Ancien élève des jésuites, il était de culture classique, aimait Corneille, Racine, Hugo, et, au Liban, les poètes Charles Corm, Hector Klat et Élie Tyan, dont il récitait volontiers les poèmes. Son livre de chevet était Mort, où est ta victoire ?, un roman de Daniel-Rops aujourd’hui un peu oublié. J’ai hérité de lui l’habitude de lire journaux et revues, et la « boulimie » pour les livres : quand on entre dans une librairie, on n’en sort jamais les mains vides !

Vous souvenez-vous de votre histoire préférée lorsque vous étiez enfant ou d’un texte qui a provoqué un déclic chez vous ?

Oui, Poil de Carotte de Jules Renard et un texte de Martin Luther King, Lettre de la geôle de Birmingham, où figure la fameuse phrase « Pourquoi nous ne pouvons pas attendre »

(« Why We Can’t Wait ») et ce passage qui s’applique, hélas, à la situation au Liban : « Nous avons douloureusement appris que la liberté n’est jamais accordée de bon gré par l’oppresseur : elle doit être exigée par l’opprimé… Il vient un temps où la coupe est pleine et où les hommes ne supportent plus de se trouver plongés dans les abîmes du désespoir. J’espère, Messieurs, que vous pourrez comprendre notre légitime et inévitable impatience. » Je crois bien que c’est ce texte qui m’a convaincu de devenir avocat pour défendre le droit et les libertés publiques.

Comment choisissez-vous vos lectures ?

Soit en fonction de l’auteur. Je lis par exemple, systématiquement, toutes les nouvelles parutions de Jean Echenoz, Patrick Modiano et JMG Le Clézio. Soit en fonction d’une bonne critique dans un supplément littéraire (y compris le nôtre !). Comme j’aime fréquenter les librairies, il m’arrive aussi de choisir des livres sur place, sans préméditation, et d’avoir des coups de cœur !

Roman, essai, biographie, histoire… Quel est votre genre favori ?

Plutôt romans et biographies. Mais vous oubliez aussi la poésie ! Je suis friand de recueils de poésie et possède la plupart des titres de la collection Poésie chez Gallimard. J’ai d’ailleurs tenu à garder une rubrique « poésie » dans L’Orient Littéraire bien que la plupart des revues et suppléments littéraires n’en comportent pas une. J’aime beaucoup lire les poèmes de Neruda, Saint John Perse, Éluard, Reverdy, Pavese, Vallejo, Ungaretti et, en arabe, Saïd Akl, Mahmoud Darwish et Élia Abou Madi…

Racontez-nous vos rituels de lecture, si vous en avez.…

J’ai des rituels pour l’écriture, mais je peux lire n’importe où : dans l’avion ou le train, dans mon lit ou au salon. J’aime bien recopier ou surligner les passages intéressants d’un bouquin en cours de lecture.

Avez-vous une citation littéraire fétiche ?

Oui, cette citation d’Anouilh : « Il y a l’Amour et puis, il y a la vie, son ennemie. »

Combien lisez-vous de livres par mois ? Par an ?

J’ai deux manières de lire : en profondeur, cela concerne trois livres par mois, et en diagonale, mais d’une manière méthodique, une dizaine d’autres ouvrages par mois. Cela ne comprend pas la lecture de livres juridiques, indispensable pour « rester à jour ».

Parlez-nous d’un ouvrage qui vous a marqué…

À cette question, le patriarche Sfeir a répondu un jour par cette réflexion de saint Thomas d’Aquin : « Il faut craindre l’homme d’un seul livre. » Je préfère répondre comme lui !


(Pour mémoire : Quand Alexandre (Najjar) rencontre Harry et Franz)

Y a-t-il un livre, ou un auteur, qui vous a particulièrement déçu ?

Oui, Georges Duhamel. Ma mère m’a longtemps vanté ses mérites, mais je trouve que ses ouvrages, comme les dix tomes du cycle La Chronique des Pasquier, ont assez mal vieilli, contrairement à ceux d’un Flaubert ou d’un Dumas qui restent étonnamment modernes. Je trouve aussi qu’Annie Ernaux est une donneuse de leçons; BHL, une baudruche ; et Michel Houellebecq, dont l’œuvre, ternie par un racisme destiné à « provoquer » (comme dans son roman Soumission), me paraît surestimée, n’en déplaise à ses nombreux « fans ». Il y a d’excellents auteurs méconnus en France, mais quelques figures médiatiques accaparent le terrain...

En cette période de confinement, lisez-vous plus que d’ordinaire ou différemment, sur tablette par exemple ?

Oui, beaucoup plus, puisque j’ai pas mal de temps libre. La lecture sur tablette offre des avantages incontestables (on peut surligner facilement, chercher un mot, agrandir les caractères, avoir un livre en permanence sous la main dans son Smartphone), mais en tant que « migrant » du numérique (j’emprunte ce mot au titre du livre Le Natif et le migrant que j’ai récemment coécrit avec mon fils Ray à propos de la société numérique), j’aime encore le contact avec le support papier. D’ailleurs, j’écris toujours à la main avant de taper mon texte, c’est un plaisir intense que le clavier ne peut remplacer.

Quel personnage de roman auriez-vous aimé rencontrer en vrai ?

Jean Valjean, le héros des Misérables. Un personnage touchant, admirablement incarné au cinéma par le grand acteur Harry Baur dont j’ai raconté l’incarcération dans Harry et Franz*. La scène où il vole des chandeliers à un prêtre qui l’a hébergé et celle où, sur son lit de mort, il dit adieu à ceux qu’il aime sont bouleversantes.

Avez-vous l’impression d’avoir « déjà lu » ce que nous vivons actuellement ?

Oui, dans La Peste d’Albert Camus et partiellement dans Mort à Venise de Thomas Mann !

Quelles sont les lectures que vous conseillez à vos amis, vos proches durant ce confinement ?

1984, la célèbre dystopie de George Orwell, et trois livres d’amour pour se changer les idées : La Centaine d’amour, un recueil bilingue (espagnol/français) réunissant cent poèmes d’amour écrits par Pablo Neruda à sa femme ; Les Murmures de l’amour de François Solesmes, qui comprend des réflexions profondes sur le sentiment amoureux ; et Les Aimants, un roman réussi de Jean-Marc Parisis.

*Harry et Franz (Plon) est le dernier roman d’Alexandre Najjar.

Le top 5 livres d’Alexandre Najjar

« Cet exercice est une torture, tant la littérature mondiale est riche. Mais s’il me fallait choisir, en me concentrant sur le XXe siècle et en excluant poètes, dramaturges et essayistes, je pourrais recommander :

1. À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust.

2. L’étranger, d’Albert Camus.

3. Cent ans de solitude, de Gabriel Garcia Marquez.

4. Le bruit et la fureur, de William Faulkner.

5. Des souris et des hommes, de John Steinbeck. »


Pour mémoire

Le Prix « Spiritualités d’aujourd’hui » du roman à « Harry et Franz » d’Alexandre Najjar

« Quand on a beaucoup lu, on a fatalement la tentation de passer de l’autre côté du miroir », assure Alexandre Najjar qui a déjà à son actif plus d’une quarantaine d’ouvrages, entre romans, biographies, essais, recueils, pièces de théâtre et textes juridiques... Sans compter son implication dans L’Orient littéraire, le supplément livres de L’OLJ qu’il a relancé...

commentaires (2)

blague mise à part ( mon autre commentaire) Heureusement qu'il reste des personnes de ce calibre au liban qui relèvent le niveau du pays. Merci à toutes /tous pour votre présence au liban.

LE FRANCOPHONE

15 h 04, le 15 avril 2020

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Commentaires (2)

  • blague mise à part ( mon autre commentaire) Heureusement qu'il reste des personnes de ce calibre au liban qui relèvent le niveau du pays. Merci à toutes /tous pour votre présence au liban.

    LE FRANCOPHONE

    15 h 04, le 15 avril 2020

  • et moi une chanson de chantal goya qui m'a convaincu d'être écolo ( ce matin un lapin a tué un chasseur) :) Bonne journée tout le monde :)

    LE FRANCOPHONE

    14 h 58, le 15 avril 2020

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