La nouvelle est passée discrètement, tant les Libanais sont submergés par la peur du coronavirus et l’aggravation, qui en découle, de la crise économique et sociale. L’assassinat d’un cadre du Hezbollah, en plein jour, dans des circonstances non encore élucidées n’est pourtant pas une mince affaire.
Mohammad Ali Younès était un des cadres du parti chiite qui travaillent dans la plus grande discrétion. Le jeune homme faisait partie de ceux que l’on peut côtoyer sur les routes du Liban-Sud sans se douter de son appartenance partisane, ni de ses responsabilités au sein de la formation. C’est que le jeune homme était un membre de l’unité du Hezbollah chargée de surveiller les anciens collaborateurs d’Israël ou de la milice qui lui était affiliée, l’Armée du Liban-Sud. Originaire de Jibchit (caza de Nabatiyé), il sillonnait en permanence les villages de l’Iqlim el-Touffah et de toute la région pour accomplir sa mission, laquelle, selon des sources proches du Hezbollah, se limitait à la surveillance et à la collecte d’informations.
C’est donc ce jeune homme discret qui a été retrouvé samedi dans la journée, mort dans sa propre voiture sur la route reliant Qaaqaiyet el-Jisr à Zaoutar el-Gharbiyé. La voiture était criblée de balles, mais le plus étrange est qu’elle était aussi marquée de rayures provoquées par des coups de couteaux, sur la carrosserie mais aussi à l’intérieur. Immédiatement alerté, le Hezbollah a aussitôt mis la main sur l’affaire, imposant un black-out total sur l’enquête. Dans le courant de la journée, le parti s’est ainsi contenté d’annoncer « la mort en martyr » de Mohammad Ali Younès, tout en faisant son éloge en des termes émouvants. Depuis, il y a bien eu quelques commentaires et analyses, sur les réseaux sociaux notamment, mais aucun mot sur l’enquête proprement dite.Selon des informations en provenance de sources proches du Hezbollah, le fait que la nécrologie émise par le parti qualifie Mohammad Ali Younès de martyr signifie qu’il est mort dans l’exercice de ses fonctions. Mais il n’y a eu, pour l’instant, aucune confirmation officielle.
Le seul élément concret de l’enquête donné jusqu’à présent, c’est que Mohammad Ali Younès n’était pas seul dans sa voiture, qu’il conduisait au moment de l’attaque. Il y avait un passager à ses côtés. On a d’abord dit que ce second personnage avait été lui aussi blessé par des coups de couteau. Mais selon les dernières informations, il serait actuellement interrogé dans le cadre de l’enquête.
Dans un premier temps, il avait été dit que le passager était l’un des proches de Mohammad Ali Younès. Aujourd’hui, l’enquête le considère comme un personnage-clé. Soit il a lui-même tué le responsable du Hezbollah, dans le cadre d’un échange violent entre eux, soit il serait le complice des assassins, sachant que juste avant le drame, il y a eu une course-poursuite avec une autre voiture venue par l’arrière et qui cherchait, dit-on, à pousser celle de Mohammad Ali Younès à l’accident. En attendant les progrès de l’enquête, plusieurs hypothèses sont avancées. Selon la première, l’assassinat de Younès serait lié à l’affaire de la relaxe de l’ancien bourreau de la prison de Khiam Amer Fakhoury. Cette relaxe a été suivie de l’assassinat d’un de ses anciens adjoints dans la prison de Khiam, Antoine Hayeck, propriétaire d’une boutique dans le village de Miyé Miyé, à proximité du camp palestinien qui porte le même nom. Ce lien a été fait en raison de la mission de Younès au sein du parti, dans l’unité chargée de surveiller les anciens collaborateurs.
Mais selon les sources précitées, aucun indice ne vient, pour le moment, confirmer cette hypothèse.
Il se pourrait donc qu’il s’agisse d’un assassinat perpétré par une tierce partie (les proches du Hezbollah pensent immédiatement au Mossad israélien et à ses agents) qui a sciemment profité de cette situation particulière pour détourner l’enquête des véritables assassins. Il pourrait donc s’agir d’un épisode dans la guerre dite des services, qui chercherait toutefois à se cacher derrière l’affaire de Fakhoury et l’émotion qu’elle a suscitée chez les partisans de la résistance. Il faut rappeler à cet égard que l’assassinat d’Antoine Hayeck a été ainsi expliqué, par certains médias libanais, comme une réaction des partisans de la résistance à la relaxe de Fakhoury. Une polémique avait même commencé à se pointer sur ce sujet. Mais elle a été rapidement circonscrite pour laisser l’enquête officielle suivre son cours.
Cet assassinat a néanmoins suscité un malaise au Liban-Sud et ravivé les tensions politiques et confessionnelles. C’est pourquoi, dans un contexte aussi sensible, l’assassinat de Younès pourrait prendre une autre dimension. Toutefois, jusqu’à présent, les sources proches du Hezbollah rejettent cette version. Selon une troisième version, Younès a pu être tué dans le cadre d’un règlement de comptes interne, d’autant que la personne qui se trouvait à ses côtés dans la voiture est un de ses proches. Il y aurait donc eu un conflit entre eux qui s’est terminé par l’assassinat. Mais dans ce cas, le Hezbollah aurait-il considéré Younès comme un martyr? Les sources proches du parti ne répondent pas à cette question.
En attendant que le passager, dont on tait soigneusement le nom, révèle tous ses secrets, il faudra donc se contenter de suppositions, jusqu’à ce que l’enquête fasse la lumière sur cet assassinat.
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Les articles de Mme Haddad ressemblent de plus en plus à des séries Netflix catégorie B et de plus en plus fantaisistes. Ceci dit, en tant que porte parole officiel de ses idoles, je conviens qu’elle est parfaite
Lecteur excédé par la censure
20 h 25, le 09 avril 2020