Le Hezbollah a attribué à l’ambassadrice des États-Unis à Beyrouth, Dorothy Shea, une part de responsabilité dans l’échec du gouvernement à nommer quatre nouveaux vice-gouverneurs de la Banque du Liban, une accusation rejetée par la mission diplomatique américaine à Beyrouth. « Le Hezbollah tente de déformer la réalité. Et cela s’inscrit dans le cadre de ses efforts pour manipuler les systèmes économique et politique en vigueur, dans le but de renforcer son influence » sur la scène locale, a affirmé hier à L’Orient-Le Jour Casey Bonfield, porte-parole de la chancellerie.
C’est par la bouche de Hassan Fadlallah, député de Bint Jbeil, que le parti chiite s’en est pris ouvertement à la diplomate américaine. « L’ambassadrice américaine rencontre des responsables libanais et leur communique le nom du candidat des États-Unis à l’un des quatre postes de vice-gouverneurs de la BDL (…) suivant la quote-part américaine au sein du système financier et monétaire libanais », a-t-il martelé au cours d’une conférence de presse samedi, stigmatisant « une flagrante atteinte à la souveraineté et la dignité nationales ».
« Cette tentative d’imposer aux Libanais des fonctionnaires est un modèle grotesque des manœuvres (de Washington) pour fouler aux pieds la décision nationale », a encore dit M. Fadlallah, estimant que les agissements de Mme Shea dévoilent « les motifs réels des campagnes menées par ceux qui critiquent le gouvernement et son droit constitutionnel à adopter un train de nominations », en allusion notamment à l’ancien Premier ministre Saad Hariri.
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La diatribe du député du Hezbollah contre Dorothy Shea intervient à l’heure où des informations circulent dans certains milieux politiques selon lesquelles Washington serait attaché, à l’instar de Saad Hariri, au maintien de Mohammad Baassiri (sunnite) au poste de vice-gouverneur de la BDL.
L’ambassade US, qui ne répond pratiquement jamais aux accusations du Hezbollah, a jugé celles-ci suffisamment graves pour y répondre. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, son porte-parole, Casey Bonfield, n’est pas allé par quatre chemins. « Le Hezbollah tente de déformer la réalité. Et cela s’inscrit dans le cadre de ses efforts pour manipuler les systèmes économique et politique en vigueur et renforcer son influence sur la scène locale », déclare-t-il.
Assurant que les nominations des vice-gouverneurs de la BDL « relèvent de la seule compétence du gouvernement libanais », M. Bonfield souligne qu’en tant que « pays ami et partenaire du Liban, les États-Unis offrent leurs conseils concernant la nomination d’experts crédibles pour aider à restaurer la confiance internationale dans le système bancaire libanais ». « Cela revêt une importance cruciale pour stabiliser l’économie nationale du pays et améliorer les conditions de vie des citoyens », ajoute-t-il.
Cette nouvelle escalade verbale de la part du Hezbollah est sans doute à même de compliquer la tâche à l’équipe Diab. D’autant plus qu’elle fait suite au bras de fer opposant deux des principaux alliés du parti chiite, à savoir les Marada et le Courant patriotique libre, autour des futurs vice-gouverneurs de la BDL. Le Conseil des ministres ne discutera donc pas de cet épineux dossier lors de sa réunion demain, en attendant d’établir un nouveau mécanisme pour les nominations.
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Bassil se défend de tout blocage
Entre-temps, le chef du CPL, Gebran Bassil, s’est employé à se laver les mains du blocage du train des nominations. Lors d’une conférence de presse samedi, il a démenti les accusations lancées à ce sujet contre son parti « pour cacher la réalité ». « Un système politique et économique en vigueur depuis les années 90 ne voudrait pas voir des changements s’opérer au niveau des personnes ou des choix politiques. Un de ses piliers a menacé de démissionner du Parlement si des personnes bien déterminées ne sont pas nommées à certains poste », a-t-il lancé, en allusion à Saad Hariri.
M. Bassil s’en est pris aussi implicitement au chef des Marada, Sleiman Frangié, avec qui ses rapports sont pratiquement gelés, lui reprochant d’avoir menacé de retirer ses ministres du gouvernement.
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commentaires (15)
C'est toujours l'ingerence et la faute des autres mais pas l'echec de toute cette classe politique.
EL KHALIL ABDALLAH
15 h 08, le 06 avril 2020