Rares sont les responsables libanais des dernières décennies qui n’ont pas eu affaire à Abou Jamal. L’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam, en exil doré à Paris où il est décédé hier, a affirmé quelques années avant sa mort qu’il hésitait encore à publier ses volumineux mémoires sur le dossier libanais, de crainte que ses révélations « n’approfondissent les dissensions entre les responsables libanais ».
C’est avec le début de la guerre civile en 1975 que les Libanais commencent surtout à entendre parler de celui qui était alors ministre des Affaires étrangères et tentait de s’imposer comme médiateur dans le conflit, parfois à la demande d’une des parties libanaises. Des parties que la Syrie, intervenue militairement au Liban, jouait les unes contre les autres au cours des différentes phases de la guerre, appuyant tantôt les forces palestino-progressistes, tantôt le camp chrétien.
« Nous avons commis des erreurs au Liban », a-t-il reconnu dans une série d’entretiens avec la chaîne al-Arabiya en 2011, après avoir fait défection, tout en assurant qu’il n’avait pas de sang sur les mains et qu’il n’était impliqué dans aucun des assassinats de personnalités libanaises dont le régime syrien est accusé. Mais il a continué à défendre la politique syrienne qui visait, selon l’ancien député Farès Souhaid, « à diviser les Libanais pour les empêcher d’avoir un intérêt national » : « Notre but était d’empêcher qu’une partie prenne le dessus sur une autre, pour barrer la route à une partition du Liban », a-t-il affirmé à al-Arabiya.
« Tous les dirigeants libanais ont fait des erreurs, en ayant recours à des forces extérieures pour les appuyer contre des parties libanaises, à l’exception d’un seul homme, Raymond Eddé », a encore dit, après sa défection, ce petit homme sec qui était convaincu, comme l’ensemble des dirigeants syriens, qu’un Liban indépendant était une hérésie et que le pays faisait partie de la Syrie. Ce qui n’a pas empêché le « haut commissaire » syrien de tisser des relations étroites avec un grand nombre de dirigeants libanais au cours des années de conflit, avec un faible pour deux d’entre eux, Nabih Berry et surtout Walid Joumblatt, auquel il est toujours resté reconnaissant d’avoir contribué à faire tomber l’accord du 17 mai 1983 entre le Liban et Israël.
Un Metternich à la syrienne
« Khaddam était le plus redoutable instrument de la politique syrienne au Liban », dont le principal objectif était de « déstabiliser le pays » pour le contrôler, estime l’ancien ministre Marwan Hamadé. Pour lui, ce « Metternich à la syrienne » a joué, avec l’ancien chef d’état-major Hikmat Chéhabi, un rôle très important au Liban entre 1978 et 1995. Abou Jamal a notamment été le parrain de l’accord tripartite signé à Damas fin 1985 entre les Forces libanaises d’Élie Hobeika, le mouvement Amal et le Parti socialiste progressiste, et a joué un rôle important dans l’accord de Taëf qui a mis fin à la guerre en 1990, explique-t-il.
« Avec Chéhabi et le ministre de la Défense de l’époque Moustapha Tlass, ils constituaient une sorte de “doublure sunnite” du régime syrien, qui ont été les instruments d’une politique d’équilibre avec l’Arabie saoudite et l’Égypte », poursuit M. Hamadé.
Et c’est de cette époque que date son amitié avec Rafic Hariri, nouveau venu sur la scène politique libanaise après la première guerre du Golfe qui a consacré la mainmise de la Syrie sur le Liban, en contrepartie de la participation des forces syriennes à la coalition internationale contre Saddam Hussein. « Khaddam, devenu vice-président et qui n’était pas aimé des Saoudiens, maintenait un lien avec eux à travers Hariri », explique M. Hamadé, et l’ancien Premier ministre faisait profiter de ses largesses Abou Jamal, comme beaucoup d’autres responsables du régime de Damas.
Mais cette aile modérée en Syrie a commencé à perdre de l’influence à mesure que vieillissait le président Hafez el-Assad. Et avec l’accession au pouvoir de son fils Bachar en 2000, c’est l’aile « dure » alaouite prônant le rapprochement avec l’Iran aux dépens des relations avec les pays arabes modérés qui a pris le dessus, explique Farès Souhaid, qui qualifie Khaddam de « Mazarin de la Syrie ».
Khaddam a commencé à perdre peu à peu son influence sur le dossier libanais dont Bachar el-Assad s’était saisi en 1998, avant la mort de son père, poussant ses pions et notamment le commandant en chef de l’armée devenu président, Émile Lahoud.
« Les choses ont commencé à changer en Syrie. Et Khaddam lui-même a commencé à changer dans les derniers jours de Hafez el-Assad, critiquant certaines politiques du régime, raconte un proche de Rafic Hariri. Et en 2000, il a conseillé à Hariri de ne pas revenir à la tête du gouvernement, car le régime syrien ne le laisserait pas travailler. »
Khaddam « était contre la reconduction du mandat d’Émile Lahoud et la mainmise de Bachar el-Assad et du groupe alaouite sur le Liban », affirme Marwan Hamadé.
Et lorsque l’ancien ministre a été visé par un attentat en octobre 2004, le vice-président syrien en personne est venu le voir à l’hôpital américain à Beyrouth, une manière de dénoncer cet acte. « Bachar nous a fait savoir par la suite que Khaddam ne le représentait pas et a envoyé une autre personnalité », se souvient M. Hamadé.
Bien avant l’attentat dans lequel Rafic Hariri a été tué le 14 février 2005, le vice-président syrien avait commencé à le mettre en garde et lui faire comprendre qu’il craignait pour sa sécurité. Et lorsque l’ancien Premier ministre a été assassiné, dans un geste de défi, il s’est rendu à Beyrouth pour ses obsèques. « Je n’oublierai jamais cette image, dit Farès Souhaid. Nous étions devant la mosquée el-Amine, dans l’attente du convoi funèbre. Il est arrivé seul, sans gardes du corps, et s’est assis sur une chaise en plastique, les yeux hagards. » Quelques mois plus tard, il faisait défection et accusait, depuis Paris, le régime qu’il a fidèlement servi d’avoir assassiné Hariri.
commentaires (14)
il était un bon chien de garde de hafez el assad et responsable des libanais disparus en syrie pd la guerre civile sans nouvelles depuis pdt 30 ans à faire semblant vouloire stopper la guerre civile au Liban en allument le feu un peu partout pour attiser la haine entre les libanais.
youssef barada
20 h 25, le 01 avril 2020