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Société - Liban

Pour les réfugiés syriens, l’impossible équation entre le confinement et les besoins sanitaires et alimentaires

Le HCR étudie avec les autorités libanaises la possibilité d’ériger des hôpitaux de campagne.

Les bénévoles de l'association humanitaire syrienne Sawaed Alkher à pied d'œuvre pour décontaminer le mur d'enceinte d'un camp de réfugiés syriens à Ersal. Photo Sawaed Alkher

Aucun cas de coronavirus n’a été détecté pour l’instant dans les communautés de réfugiés syriens du Liban. Quelques cas suspects font en revanche l’objet d’un étroit suivi et sont isolés dans l’attente des résultats de tests. Annoncée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’information vient démentir certaines rumeurs alarmistes et mensongères sur la propagation du Covid-19 par des ressortissants syriens dans le pays. Il faut dire que la communauté déplacée fait l’objet d’un confinement strict depuis trois semaines déjà dans certaines régions du pays. Il a été imposé par les autorités locales bien avant l’instauration par l’État de la mobilisation générale. Les résidents des camps informels ont l’obligation de rester chez eux, une seule personne par camp (le chawiche généralement) étant autorisée à sortir pour approvisionner les habitants. Mêmes restrictions pour les locataires d’appartements dont les sorties ne sont tolérées qu’en cas de nécessité. Nombre de municipalités ont même lancé des campagnes de décontamination dans certaines régions. Sauf que les réfugiés syriens tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme. Conscients du danger, se disant prêts à respecter le confinement autant que nécessaire par crainte du coronavirus et par souci pour leur santé et celle des autres, ils réclament les aides nécessaires, alimentaires et sanitaires, qui leur permettraient de tenir le coup, d’éviter toute contamination… et de ne pas mourir de faim.

Nous ne mourrons pas du coronavirus, mais de faim

Car ces restrictions sévères leur interdisent toute activité professionnelle. Même les emplois journaliers informels auxquels ils pouvaient prétendre en temps normal, comme le travail agricole, la construction ou le transport, sont complètement à l’arrêt désormais. Ce qui a poussé un résident de Ersal à publier son désespoir sur les réseaux sociaux. « Nous ne mourrons pas du coronavirus, mais de faim, pleure-t-il dans une vidéo postée sur Facebook. Nous n’avons même plus de quoi nous procurer un paquet de pain. »

À Ersal, où aucun cas de coronavirus n’a été déclaré pour l’heure, les 80 000 membres de la communauté syrienne déplacée appliquent à la lettre les directives de confinement. « Chaque famille vit en autarcie et chaque camp pratique l’isolement », souligne Abou Ibrahim, directeur de l’association syrienne Sawaed Alkher qui mène des opérations de décontamination des camps de la localité, avec le soutien des autorités locales. Il précise toutefois que la situation est délicate, parce qu’il est nécessaire de donner les moyens aux communautés réfugiées de lutter contre le coronavirus. « N’oubliez pas les réfugiés syriens, lance-t-il. Nous avons besoin de tout le nécessaire pour assainir les camps, savons, détergents, désinfectants, masques et gants. Car la propagation du virus au sein des communautés réfugiées serait une catastrophe pour les déplacés et pour la population libanaise. »

Dans la Békaa, le message est le même. « C’est une aubaine qu’il n’y ait aucune atteinte. Et les réfugiés sont bien conscients du danger. Mais pour rester confinés et tenir le coup, ils ont besoin d’une aide alimentaire et sanitaire », affirme Muzna el-Zohori, réfugiée, étudiante et militante humanitaire syrienne. La jeune femme raconte « le dénuement total » des déplacés du Liban, qui n’ont le droit ni de sortir ni d’aller travailler, depuis que s’est déclenché dans le pays le nouveau coronavirus. « Ils puisent dans leurs réserves depuis trois semaines, après avoir subi de manière successive la crise économique, la pénurie de dollars et les contrecoups du soulèvement populaire. Et certains n’ont plus rien », déplore-t-elle. Sans oublier que les directives des autorités risquent de pousser « les chawiches ou responsables de camps informels à tirer profit de la situation et exploiter les résidents ». D’où la nécessité pour le HCR et les organismes internationaux de porter assistance aux déplacés syriens. « Avec le chômage forcé, les aides consenties aux familles les plus défavorisées sont insuffisantes, insiste-t-elle. Et jusque-là seulement quelques camps informels ont été décontaminés dans la Békaa. »


(Lire aussi : La dure loi du pain, l'éditorial de Issa GORAIEB)


Prévention et sensibilisation depuis février

Du côté du HCR, on est conscient que la pandémie de coronavirus vulnérabilise encore plus les réfugiés syriens qui vivent déjà dans la pauvreté et la précarité. Mais la mobilisation de l’organisation se concentre à présent sur la réponse concrète à donner aux risques sanitaires et à la lutte contre la propagation du Covid-19. Une question impérative, vu « la grande promiscuité » dans laquelle vivent les réfugiés syriens dans les camps informels ou dans les logements de location. Et ce travail se déroule « en coordination avec le gouvernement libanais, l’Organisation mondiale de la santé et l’Unicef ». « Nous multiplions les campagnes de prévention et de sensibilisation auprès des réfugiés syriens depuis le mois de février, explique Lisa Abou Khaled, porte-parole du HCR au Liban. Au menu de ces campagnes, précautions à prendre, instructions sur le lavage des mains, mais aussi distribution de savon, de détergents et désinfectants. » En même temps, l’organisation onusienne étudie avec les autorités libanaises les modalités d’hospitalisation des populations déplacées, au cas où des cas de contamination seraient déclarés. Il s’agit d’augmenter les capacités en lits des hôpitaux, vu que les capacités actuelles sont limitées, avec la possibilité d’aménager des hôpitaux de campagne, note Mme Abou Khaled, précisant que « cette réponse doit se faire dans le cadre du plan national » de lutte contre le coronavirus. Le HCR se dit donc « prêt à déployer les fonds nécessaires pour couvrir les frais de tests et de traitement des réfugiés syriens », et envisage « d’ériger des tentes de confinement, pour empêcher la contagion en cas d’atteinte ». Quant aux aides financières destinées aux plus vulnérables, elles demeurent inchangées : « 20 % des familles réfugiées enregistrées auprès du HCR reçoivent une aide financière de 260 000 LL par mois et 40 % des familles reçoivent du Programme alimentaire mondial une enveloppe de 40 000 LL par mois et par personne. Cela sans oublier l’indemnisation supplémentaire pour le chauffage en hiver », rappelle la porte-parole.


Discours solidaires

La réponse aux besoins des réfugiés syriens en temps de coronavirus est-elle suffisante, alors que l’État a ouvertement déclaré son incapacité à prendre en charge les communautés réfugiées du Liban, palestiniennes et syriennes ? Ziad el-Sayegh, expert en politiques publiques et en affaires de réfugiés se veut rassurant. « Les protocoles du HCR sont très fermes et sont transmis par l’OMS », affirme-t-il. Par la même occasion, il invite à la réflexion sur des questions essentielles pour la survie des réfugiés et déplacés du Liban. À savoir les répercussions sur ces communautés de la crise financière et économique en ces temps de prévention contre le coronavirus, le transfert des priorités du HCR vers la médecine préventive, la nécessité de repenser la solidarité entre les réfugiés eux-mêmes et avec les communautés hôtes, et enfin les modalités de coopération de l’État avec l’ONU pendant et après le coronavirus. « Les autorités doivent non seulement envisager un plan national de non-propagation du virus, mais donner aussi une réponse économique aux réfugiés et aux communautés hôtes », martèle l’expert. Réfutant toute réponse qui se contenterait d’être technique, Ziad el-Sayegh espère que cette crise permettra l’émergence de « discours solidaires », susceptibles de donner naissance « à une responsabilité collective et à la fois individuelle ».



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