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Économie - Réglementation

Le projet de loi sur les restrictions bancaires à peine évoqué par l’exécutif

La nouvelle version du projet de loi comporte d’importantes modifications par rapport aux versions précédentes.

Le Conseil des ministres réuni hier au Grand Sérail a prévu de poursuivre les discussions autour du projet de loi sur les restrictions bancaires. Photo Dalati et Nohra

Le Conseil des ministres n’a toujours pas tranché les débats sur le projet de loi doté du caractère d’urgence et portant sur les mesures de réglementation et d’harmonisation des restrictions bancaires. Le texte, moult fois modifié, a de nouveau été amendé. Mais la dernière version n’a finalement été que brièvement évoquée par les membres du gouvernement lors de la réunion d’hier, qui était en grande partie consacrée aux mesures visant à optimiser la lutte contre l’épidémie du nouveau coronavirus.

« En ce qui concerne le projet de contrôle des capitaux, les remarques des ministres ont été prises en considération et les discussions vont continuer pour compléter ce projet », a simplement indiqué la porte-parole du gouvernement, Manal Abdel Samad, à l’issue du Conseil des ministres. Rien ne permet pour l’instant d’affirmer que le texte sera approuvé par l’exécutif cette semaine. Selon plusieurs sources concordantes, certains membres de la classe politique, dont le président du Parlement Nabih Berry, seraient opposés au projet actuel.


Durée raccourcie

Le projet de loi, que L’Orient-le Jour a pu consulter, comporte d’importantes modifications par rapport aux versions précédentes qui avaient circulé ces dernières semaines. Pour rappel, l’idée avait initialement été mise sur la table en janvier par la Banque du Liban (BDL). Elle prévoyait de légaliser et d’harmoniser les différentes restrictions adoptées par la grande majorité des établissements bancaires ces derniers mois, en tenant compte de celles qui ont été officiellement annoncées par l’Association des banques (ABL) – avec l’insistance de la BDL – ce qui ne les a pas légitimées pour autant d’un point de vue légal. Comme le précise l’introduction accolée au projet de loi, ces restrictions enfreignent en effet plusieurs principes consacrés par la Constitution libanaise – droit de la propriété, libre entreprise, etc. – et les lois qui en découlent.

Selon une source proche du gouvernement, la nouvelle mouture « emprunte des éléments de plusieurs autres projets et propositions intégrés au premier brouillon, qui était très limite ». La source juge que si cette nouvelle version est plus complète, elle n’en reste pas moins « imparfaite en raison de certaines de ses dispositions ».

Le premier changement majeur intervient dès le premier article. C’est désormais au Conseil des ministres et non plus à la BDL que le projet de loi prévoit de confier les prérogatives exceptionnelles visant à légaliser les restrictions bancaires (s’agissant des décret et circulaires qui seront publiés dans le sillage du projet de loi s’il est adopté par le Parlement). Le pouvoir de proposition du ministère des Finances est maintenu, tandis que le « conseil central de la BDL » a désormais un rôle consultatif. « C’est une véritable révolution par rapport à ce qui était prévu avant », juge la source précitée sans se prononcer sur les raisons de ce revirement.

Deuxième modification et non des moindres, la durée d’application de la loi a été ramenée de trois ans à une seule année par rapport à la précédente version. « Les experts qui ont été sollicités pour parfaire le texte avaient estimé qu’elle ne devrait pas dépasser les six mois, comme le prévoyait une des premières versions. Ils ont finalement coupé la poire en deux avec une période d’un an que le Conseil des ministres peut décider de prolonger ou de raccourcir en fonction de l’évolution de la situation économique et financière du pays », ajoute la source précitée.


(Lire aussi : Quel avenir pour le secteur bancaire libanais ?)


Date butoir

Mais c’est sans doute le changement suivant qui, s’il est maintenu, risque de mal passer auprès des déposants. Le nouveau projet a en effet retardé de près de trois mois la date butoir fixée pour différencier « l’argent frais ». Cette expression entrée dans le langage courant des Libanais ces derniers mois se rapporte aux fonds, généralement en devises, déposés en espèces ou transférés depuis l’étranger dans les banques après la date en question. Ces fonds ne sont soumis à aucune restriction en termes de services bancaires (transferts, retraits, etc.) dans les limites habituellement fixées par la réglementation locale et internationale, à l’inverse des fonds déposés avant.

Mais alors que la date d’origine était fixée au 17 novembre 2019 – date à laquelle l’ABL a officiellement listé les restrictions mises en place, le nouveau point de repère a désormais été reporté au 11 mars dernier, date à laquelle le gouvernement de Hassane Diab a obtenu la confiance du Parlement. « Ce changement est très problématique parce qu’il laisse penser que le niveau des réserves des banques serait plus critique qu’elles ne veulent bien l’admettre et ensuite parce qu’il revient à littéralement tromper les déposants de bonne foi qui s’étaient adaptés aux restrictions », dénonce une autre source proche du dossier.

Mais tout n’est pas non plus à jeter dans cette nouvelle version. Dans son article 14, le projet de loi prévoit par exemple que les infractions aux dispositions prévues, y compris par les banques, pourront faire l’objet de poursuites devant les tribunaux ordinaires, alors que les précédentes versions étaient restées muettes sur ce point. Autre avancée, la disposition limitant à 20 000 dollars le plafond annuel des transferts vers l’étranger pour les dépenses de santé pouvant être effectués à partir de fonds soumis aux restrictions. Cette disposition a été aménagée de manière à autoriser des transferts plus importants dans les cas d’urgence avérés, notamment quand il est question de vie ou de mort. Autre précision : les opérations de chirurgie esthétique sont a priori exclues de cette catégorie de transferts autorisés.

« De manière générale, le projet est vraiment plus détaillé que ses précédentes versions, ce qui va éviter les vides juridiques. Mais il y a encore de la marge avant de pouvoir parler de texte complet, même s’il est prévu qu’il soit complété par des décrets d’application et des circulaires », estime la première source contactée. Le fait que des plafonds de transferts bancaires à l’étranger par catégorie de dépenses ou de retraits en devises (1 000 dollars par mois pour les dépôts de moins de 50 000 dollars ; 5 000 par mois pour ceux supérieurs à ce seuil, avec la possibilité de retirer des fonds supplémentaires sur les intérêts générés selon la nouvelle version) soient fixés par une loi et donc ne puissent être modifiés à l’avenir que par le Parlement, fait partie des défauts déjà relevés mais qui n’ont toujours pas été gommés.


Pour mémoire

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Le Conseil des ministres n’a toujours pas tranché les débats sur le projet de loi doté du caractère d’urgence et portant sur les mesures de réglementation et d’harmonisation des restrictions bancaires. Le texte, moult fois modifié, a de nouveau été amendé. Mais la dernière version n’a finalement été que brièvement évoquée par les membres du gouvernement lors de la réunion...

commentaires (3)

Prendre avantage de la situation amenée par le virus n'est pas un bon choix. Après le virus la présence du peuple se fera sentir encore bien plus fort car il sera bien plus amer...

Wlek Sanferlou

22 h 51, le 25 mars 2020

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Commentaires (3)

  • Prendre avantage de la situation amenée par le virus n'est pas un bon choix. Après le virus la présence du peuple se fera sentir encore bien plus fort car il sera bien plus amer...

    Wlek Sanferlou

    22 h 51, le 25 mars 2020

  • ON DEVALISE LES DEPOTS DEJA EXISTANTS ET ON INVITE LES GENS A EN FAIRE DE FRAIS. LA JUSTICE ET LA LOGIQUE Y FONT DEFAUT. NOS ABRUTIS IRRESPONSABLES SONT BIGREMENT INCOMPETENTS. ET LSSSSOUSSSS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 52, le 25 mars 2020

  • Et le temps passe. Il n'a pas de valeur au Liban. Les rumeurs disent que le gouvernement subit des pressions de la part de certains partis politiques pour ne pas faire passer le "Hair Cut". Et que ces pressions sont exercées de l'intérieur même du gouvernement. Ceci endommage la crédibilité du gouvernement qui prétend être indépendant. La "Révolte" avait donc raison.

    Zovighian Michel

    07 h 39, le 25 mars 2020

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