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Politique - Affaire Fakhoury

Le tortionnaire de la prison de Khiam se trouverait déjà aux États-Unis

Les victimes et leurs familles n’en démordent pas et exhortent la Cour de cassation à rouvrir le procès.


Des manifestants à Khiam, le 15 septembre 2019, après le retour au Liban de Amer Fakhoury. Archives AFP

La décision prise lundi par le tribunal militaire d’abandonner des poursuites à l’encontre de l’ancien responsable de la milice pro-israélienne de l’Armée du Liban-Sud (ALS), Amer Fakhoury, au motif que ses crimes de collaboration avec Israël et de torture de détenus dans la prison de Khiam sont frappés de prescription, continue à susciter des remous auprès des victimes et de leurs familles qui réclament de le faire arrêter à nouveau. Mais selon des sources concordantes, l’ancien tortionnaire, détenteur de la nationalité américaine, aurait quitté le territoire libanais le soir même de la publication du jugement en direction des États-Unis. Interrogées par L’OLJ, les sources de l’ambassade américaine n’ont pas confirmé cette information.Les familles des victimes ont présenté hier, par l’intermédiaire de leur avocat Maan el-Assaad, une conclusion au greffe de la Cour de cassation. Le commissaire adjoint du gouvernement, Ghassan Khoury, avait porté mardi un recours contre le jugement, sur instruction du procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate. Interrogé sur la teneur du document présenté, Me Assaad affirme à L’OLJ que ne pouvant, en sa qualité d’auteur d’une dénonciation judiciaire dans cette affaire, se pourvoir en cassation, il a présenté une note à la haute juridiction, dans laquelle il l’a exhortée à « accepter le pourvoi de M. Khoury et rouvrir le procès de Amer Fakhoury en vue de le faire arrêter à nouveau et le sanctionner pour les crimes dont l’avait accusé le premier juge d’instruction militaire, Najat Abou Chacra, à savoir les meurtres, tentatives de meurtres, incitation aux meurtres et séquestration ».


(Lire aussi : L’affaire Amer Fakhoury, une sortie sans gloire sur fond de polémique politique, le décryptage de Scarlett Haddad) 

« Arrestation d’un mort »

« Nous avons voulu attirer l’attention de la Cour de cassation sur les erreurs, contradictions et déformations de faits que comporte le jugement du tribunal militaire », a-t-il révélé, citant à cet égard l’enlèvement dans les années 80 de Ali Abdallah Hamzé, un ancien détenu de Khiam. « Un tel crime ne peut être prescrit par la loi, puisqu’il perdure », martèle-t-il. « En se basant sur des informations contradictoires fournies par les services de renseignements de l’armée et la Direction générale de la Sûreté générale (SG), le tribunal militaire laisse croire que Ali Hamzé est décédé », s’indigne l’avocat, notant que « l’armée a affirmé qu’il est mort en 1985, tandis que la SG assure qu’il a été arrêté en 1986 ». « Comment un mort peut-il être arrêté ? » ironise-t-il.

Me Assaad s’étonne en outre de « la rapidité record » avec laquelle le tribunal militaire a émis sa décision lundi.

« Il a fallu moins de 15 jours à l’avocat de Amer Fakhoury, François Élias, pour voir le tribunal accepter ses exceptions de forme (prescription) », s’étonne-t-il, alors que « cette procédure dure en général très longtemps, surtout à cette période où les audiences sont suspendues ». À cela, une source judiciaire rétorque que le tribunal militaire n’a jamais cessé de fonctionner, d’autant qu’il statue le plus souvent sur des questions d’arrestations, lesquelles sont essentielles en matière de droits de l’individu.

Marché conclu et légalisé

L’avocat dénonce par ailleurs le fait que le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Peter Germanos, a laissé au tribunal le soin d’accepter ou de rejeter les exceptions, alors que, comme on le sait, c’est M. Germanos lui-même qui avait ordonné la détention préventive de M. Fakhoury, lorsqu’en septembre dernier, celui-ci est arrivé au Liban en provenance des États-Unis où il était installé depuis des années. Pour Me Assaad, « il s’agit d’un marché conclu entre l’administration américaine et le pouvoir en place, qu’a réalisé et légalisé le pouvoir judiciaire ».

Selon une source judiciaire informée, « s’il faut qualifier une décision d’illégale, il s’agirait de l’arrestation de Amer Fakhoury plutôt que sa libération ». La source rappelle à cet égard que la prescription de ses crimes avait été atteinte en 2016 puisqu’il avait été condamné par contumace à 15 ans de prison en 1996, et que le délai légal de prescription équivaut au double du nombre d’années de condamnation sans pouvoir dépasser 20 ans. Mais pour la source précitée, c’est l’ampleur des protestations provoquées par son retour au pays dans les milieux du Hezbollah qui a poussé à son arrestation.

Six mois sont passés et Amer Fakhoury, soigné à l’hôpital Notre-Dame du Liban (Jounieh) pour un cancer avancé, s’est retrouvé il y a quatre jours dans un état de santé si grave que sa vie était en danger. Une telle situation a pu peser dans la décision du tribunal de le libérer, affirme la source, précisant sur un autre plan que les États-Unis ont réclamé dès la première heure sa libération. Le directeur général de la SG, Abbas Ibrahim, aurait entrepris avec ce pays des négociations pour échanger Amer Fakhoury contre Kassem Tajeddine, un contributeur financier du Hezbollah, mais elles n’avaient pas abouti. Les États-Unis auraient ensuite fait savoir par l’intermédiaire du consul du Liban à Washington qu’une loi américaine est en cours d’élaboration pour sanctionner tous les individus ayant pris part à l’arrestation de l’ancien militaire de l’ALS. Le message aurait été envoyé à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qui l’aurait transféré à l’ancien ministre de la Justice, Albert Serhane, qui en aurait notifié à son tour à Ghassan Oueidate, qui l’aurait lui-même transmis aux juges militaires.


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commentaires (4)

Bon débarras ! Ainsi, peut'être, nos "responsables", leurs avocats et alliés zélés auront le temps et l'énergie de s'occuper de problèmes et crimes bien plus importants et...récents...!!!...commis sur notre territoire libanais actuel et envers des citoyens 100% libanais ?!?! Irène Saïd

Irene Said

08 h 46, le 19 mars 2020

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Commentaires (4)

  • Bon débarras ! Ainsi, peut'être, nos "responsables", leurs avocats et alliés zélés auront le temps et l'énergie de s'occuper de problèmes et crimes bien plus importants et...récents...!!!...commis sur notre territoire libanais actuel et envers des citoyens 100% libanais ?!?! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 46, le 19 mars 2020

  • S'il s'est permis de venir au Liban, c'est qu'il avait reçu assurance de ne pas être arrêté. Il y a donc, dans cette affaire, de multiples magouilles, aussi bien en ce qui concerne son arrestation que sa libération. Il serait intéressant d'approfondir le rôle joué dans les deux cas par le tandem Bassil-Nasrallah. Quoiqu’il en soit, au temps pour l'indépendance de la justice!

    Yves Prevost

    07 h 23, le 19 mars 2020

  • La leçon à tirer : Le hezbollah, se croyant fort , a voulu contourner la prescription légale du jugement et à incité les opinions publiques pour arreter M Fakhoury ( tout en intervenant auprès de la justice évidemment). PUIS Le hezbollah et l'iran aux abois à tous les niveaux notamment économiques se soumettent aux pressions américaines et passent un deal ( contre quoi? on le saura sans doute bientôt) En un mot : En tant qu'Etat du quart monde et en faillite, le liban n'a plus qu'à dire " amrak sidna". STOP aux grandes gueules des partis politiques démago déplacées.

    LE FRANCOPHONE

    00 h 17, le 19 mars 2020

  • CHOSE ATTENDUE. AVEC LA BENEDICTION DE H.N. OU LORSQU,ON A BESOIN DU F.M.I.... ON RENIE SES PAROLES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 14, le 19 mars 2020

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