Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Beyrouth Insight

Brant Stewart, la passion du « mélange des genres »

De la linguistique et la photographie à la boulangerie, des États-Unis au Liban, parcours d’un idéaliste qui cherche inlassablement, et réussit à sa manière, à rassembler les cultures et les individus.

Dounia, l’une des femmes travaillant avec lui, et Brant Stewart préparant le pain sous le label Mavia Bakery. Photo Joao Sousa

Rien ne prédestinait Brant Stewart, né et élevé à Las Vegas, dans une famille de mormons de surcroît, à trouver au Liban une réponse à ses envies, ses quêtes et ses valeurs. Et pourtant, c’est bien chez nous, dans cette terre multiculturelle, terre de tous les extrêmes, qu’il a accompli en quelques années certains de ses objectifs, avant de s’atteler à l’ouverture de sa boulangerie baptisée Mavia Bakery, en référence à une reine guerrière arabe qui a défié l’Empire romain au Ve siècle. Car dans la démarche de Brant, il y a toujours ce désir sous-jacent de donner aux femmes le pouvoir, la connaissance et le moyen de sortir de leur isolement. « Empowering women  », comme il le dit.

C’est donc dans sa boulangerie en devenir, située à Gemmayzé, un espace de travail lumineux où il prépare ses pains, seul ou avec des femmes, que Brant Stewart nous reçoit, avec son sourire d’incurable ado qui cache bien ses presque 40 ans. Racontant ses émotions avec un débit de passionné, la générosité se dégage rapidement de ses propos. « J’aime le contact avec les gens. Mettre des différences en contact et leur trouver un terrain d’entente. C’est le but de ma démarche, mélanger les genres. Faire tomber les préjugés et créer une véritable communauté. »


Casser les tabous en rompant le pain
« Tenez, goûtez à ce flan à la labné », lance-t-il avant de nous embarquer dans une délicieuse visite guidée de ses vitrines propres et bien organisées. Le travail de Brant est artisanal et artistique : chaque miche de pain, fabriquée essentiellement avec du blé et du levain locaux, agrémentée de produits de notre terroir, est belle à voir, avant d’en découvrir ses saveurs inattendues en croquant dans sa mie. Cette activité récente, en apparence si éloignée de ses études en linguistique et de sa parenthèse de photographe, apparaît comme la conséquence d’un travail entamé il y a quelques années. Et de rencontres, de hasards qui, finalement, l’ont installé là où il se sent le mieux, dans l’humanitaire. « J’ai quitté l’environnement familial extrêmement religieux des mormons à l’âge de 30 ans, explique-t-il. J’ai toujours été curieux des autres, du monde extérieur, des langues et des cultures, et cette vie en communauté, fermée et très pratiquante, ne me convenait plus. » Après avoir enseigné les langues et démarré la photo pour son plaisir, « ça ne me suffisait pas de prendre des photos sans avoir une réelle mission », souligne-t-il, il organise des voyages de plusieurs mois en dehors des États-Unis. Débarqué au Liban en 2012, « sans avoir planifié les choses », il décide, en visitant certains villes et villages, et surtout Tripoli, en découvrant la pauvreté de certaines communautés, de tourner un documentaire sur les réfugiés syriens. « Entrer en profondeur et montrer ce qu’ils traversaient… Les médias ne rendaient pas justice à leurs douleurs. Avec le temps, je suis devenu obsédé par l’idée et la nécessité d’aider. » Avant même d’achever son documentaire, et grâce à des récoltes de fonds, il crée The Sadalsuud Foundation, une ONG qui assure un support éducatif aux réfugiés syriens et aux enfants libanais, « qui sont également, nous l’avons vite remarqué, dans une même grande détresse ». « Sadalsuud est le nom de l’étoile la plus lumineuse de la constellation du Verseau qui s’épanouit au printemps. On dit que c’est un porte-bonheur, c’est pour cela que j’ai choisi cette appellation ; pour qu’elle puisse rayonner sur ces enfants qui ont besoin de lumière. » L’ONG lance une mission d’alphabétisation en 2016, assurant aux bénéficiaires des cours de lecture et d’écriture en langue arabe. « Je voulais un programme équitable, accessible au même nombre d’enfants de chaque communauté vivant à Tripoli. Les faire se rencontrer et les intégrer ensemble. » 120 élèves de 8 à 17 ans ont pu suivre des cours d’été et surtout se découvrir. « En janvier 2017, poursuit-il, nous avons démarré des cours pour les jeunes filles de Tripoli. Outre l’apprentissage de l’écriture, des mathématiques et de la lecture, nous avons voulu leur inculquer des notions de prévention, les éveiller sur les problèmes sociaux et les violences conjugales. »





Obsédé par la boulangerie
À la même période, et durant ses innombrables allers-retours, Brant Stewart se découvre un grand intérêt pour la fabrication du pain et notamment du pain au levain. Sa rencontre avec Sarah Owens, auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet, parmi lesquels Sourdough et Heirloom, tombe à pic. Elle viendra même au Liban lui donner une formation. Fort de cet apprentissage, il entraîne quatre femmes de Tripoli qui possédaient un four dans un local loué à un centre communautaire. Toutefois, rester à Tripoli n’était pas une solution. « Les conditions de travail étaient difficiles et je savais que je ne pouvais pas obliger les Beyrouthins à y aller, ils ont peur de Tripoli sans même savoir pourquoi. C’est culturel. En revanche, je pouvais ramener les gens de Tripoli à Beyrouth pour leur donner un emploi et les sortir de leur isolement. » Ce fameux empowering women…

Présent tous les jours, de jeudi à dimanche, à toutes les étapes du processus, le jeune boulanger s’amuse à réinterpréter les saveurs, à introduire dans ses pains et ses desserts des produits, des herbes, des olives, du thym sauvage, mais aussi du sumak, du kechk, du kharroub et de la tehini. Il vend ses produits pour financer l’ONG, et, bien sûr, en distribue aux personnes nécessiteuses. Pour en savoir plus et découvrir toute la gamme proposée, rendez-vous sur le compte Instagram maviabakery pour saisir un avant-goût du vrai goût du pain. À partager en ces moments de grande solitude.



Dans la même rubrique
Paola Rebeiz, la « Mama » des places

Ammounz, l’humour en temps de crise

« Thaoura saj », le récit d’une reconversion

Christina Karam, une influenceuse digne de ce nom

Gaby Khairallah, prêtre (et) révolutionnaire

Rien ne prédestinait Brant Stewart, né et élevé à Las Vegas, dans une famille de mormons de surcroît, à trouver au Liban une réponse à ses envies, ses quêtes et ses valeurs. Et pourtant, c’est bien chez nous, dans cette terre multiculturelle, terre de tous les extrêmes, qu’il a accompli en quelques années certains de ses objectifs, avant de s’atteler à l’ouverture de sa...

commentaires (1)

Ca a l'air bien bon!

NAUFAL SORAYA

08 h 09, le 19 mars 2020

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Ca a l'air bien bon!

    NAUFAL SORAYA

    08 h 09, le 19 mars 2020

Retour en haut