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Économie - Focus

Coronavirus, contrôle des capitaux : au Liban, les voyagistes angoissent

L’IATA a évoqué lundi des difficultés liées aux transferts des fonds devant être redistribués aux compagnies aériennes.

Les voyagistes libanais agréés doivent transférer toutes les deux semaines, à l’IATA, la part sur les ventes réalisées qui revient aux compagnies aériennes. Photo Bigstock

L’épidémie de coronavirus, apparue fin décembre dernier en Chine pour ensuite se propager au reste du monde, continue d’inquiéter les acteurs du transport aérien, dont certains ont été contraints de modifier ou de suspendre une partie de leurs vols commerciaux. Des ajustements qui ont également affecté le trafic à l’Aéroport international de Beyrouth (AIB).

Le Liban a en effet décidé, ces derniers jours, de restreindre les autorisations d’entrée sur son territoire pour les ressortissants des pays les plus touchés, dont la Chine, la Corée du Sud, l’Iran ou encore l’Italie. Le Liban, où un total de 15 cas ont pour l’instant été répertoriés (pour 0 décès), a d’ailleurs été ciblé par des restrictions similaires, notamment de la part de l’Arabie saoudite ou encore Bahreïn. La compagnie nationale Middle East Airlines (MEA) a, elle, communiqué hier les dernières modifications apportées à ses vols vers certaines destinations (voir page 4).

Ces limitations ne font pas les affaires des voyagistes locaux qui subissent déjà les répercussions de la crise économique et financière dans laquelle le Liban s’enfonce depuis l’année dernière. Selon l’Association des agences de voyages et de tourisme au Liban (Attal), l’offre des compagnies aériennes en termes de vols et de places disponibles au départ ou à l’arrivée de l’AIB avait déjà diminué de moitié avant même les récents développements liés au coronavirus. Contacté, le président de l’Attal, Jean Abboud, n’a pas souhaité s’engager sur une projection pour les semaines à venir.


(Lire aussi : MEA va limiter les ventes directes de billets pendant trois mois)



Conversions au taux du marché

La situation ne semble en tout cas pas prête de s’améliorer pour la filière qui fait en outre face à plusieurs difficultés liées à la crise ainsi qu’aux mesures informelles de contrôle des capitaux mises en place par les banques. Ces restrictions ont particulièrement affecté la circulation d’espèces en dollars sur le marché local et les transferts à l’étranger, gonflant au passage le taux dollar/livre chez les changeurs (voir par ailleurs), tandis que la parité fixe a été maintenue pour les transactions bancaires. Enfin, depuis le 17 novembre 2019, les banques du pays ont drastiquement restreint les opérations sur les comptes en dollars déposés avant cette date, tout en autorisant en revanche les mouvements sur les comptes alimentés en dollars « frais » après cette échéance.

La plupart des voyagistes du pays sont agréés par l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui regroupe plus de 82 % du trafic aérien mondial, ainsi que 100 000 autres agents. L’agrément de l’IATA donne le droit à son bénéficiaire de sélectionner, de réserver et de régler les billets d’avion, les séjours hôteliers ou toutes autres prestations de cette catégorie proposée à travers une plateforme qui regroupe l’ensemble des offres disponibles en temps réel (GDS, pour Global Distribution System). Un voyagiste non agréé peut consulter les offres sur le GDS, mais devra en revanche directement traiter avec la compagnie ou l’hôtel dont il veut revendre une prestation, voire avec un voyagiste agréé. Selon plusieurs sources qui n’ont toutefois pas fourni d’éléments permettant de corroborer leurs propos, certains voyagistes libanais auraient régulièrement effectué ces dernières années des réservations pour le compte d’agences syriennes ou irakiennes non agréées par l’IATA.

Or, si les voyagistes libanais agréés peuvent accepter les règlements en livres, c’est bien en dollars qu’ils doivent transférer toutes les deux semaines à l’IATA la part sur les ventes réalisées qui revient aux sociétés à qui ils ont acheté des prestations, l’organisation se chargeant ensuite de redistribuer les fonds. L’opération est habituellement effectuée via des comptes domiciliés dans un établissement bancaire libanais (Citibank Lebanon, selon les voyagistes interrogés). Un processus simple tant que le dollar circulait librement au Liban, mais qui complique désormais la vie de tous les acteurs de la filière depuis que la donne a changé.La coexistence de deux taux de change parallèles, combinée aux restrictions sur les retraits et transferts de dollars, a en effet obligé les voyagistes à augmenter leurs prix en fonction du taux dollar/livre chez les changeurs pour ne pas vendre à perte, faisant fuir au passage une partie de leur clientèle. « Ceux qui ont des dollars en poche se sont rabattus sur les sites de réservations, les autres ont été acheter leurs billets directement auprès des compagnies qui, comme la MEA, calculaient leur prix en livres en fonction du taux officiel », expose un professionnel de la filière. Il rappelle que la compagnie aérienne nationale a récemment accepté d’arrêter de vendre des billets d’avion dans ses points de vente physiques pendant trois mois, à la demande du Premier ministre, Hassane Diab.


Difficultés de transferts

Le pire pourrait néanmoins être encore à venir. Lundi, le vice-président de l’antenne de l’IATA pour la zone MENA, Mohammad Ali al-Bakri, a en effet déclaré lors d’une conférence de presse aux Émirats arabes unis que les transferts des fonds dus aux compagnies aériennes étrangères suivant le mécanisme de compensation de l’IATA étaient de plus en plus « difficiles » à effectuer « en raison de la crise financière que traverse le Liban ». Le responsable de l’IATA a néanmoins assuré que l’organisation était en contact avec la Banque du Liban pour éviter tout incident et que le pays « n’était pas en passe d’être inscrit dans la liste noire des États dans lesquels les transferts de fonds sont bloqués », une catégorie qui inclut notamment le Venezuela. Mais pour certains voyagistes, la situation est plus critique que ne le laisse entendre Mohammad Ali al-Bakri, certains assurant que les transferts des montants devant être versés à l’IATA ont en fait été suspendus depuis janvier. Un blocage qu’ils attribuent à une décision de la BDL, que l’un des voyagistes interrogés interprète comme une mesure visant à empêcher certains acteurs de faire sortir leur argent du pays en détournant l’utilisation de ce mécanisme.

Il y a quelques jours, l’Attal a d’ailleurs indiqué que plusieurs compagnies aériennes (cinq, dont le volume d’activité est plutôt faible en temps normal, selon les informations communiquées) avaient déjà perdu patience et temporairement désactivé, la semaine dernière, les liens CIP (Carrier Identification Plate) qui permettent au voyagiste de réserver et de régler les billets via le GDS. Selon les voyagistes contactés, d’autres opérateurs envisageraient de limiter ou suspendre leurs activités dans le pays, une possibilité qui serait toutefois écartée par les plus gros acteurs.Les sources interrogées ont enfin indiqué que les difficultés croissantes avaient poussé l’IATA à suspendre au début du mois le droit pour les voyagistes libanais de réserver des billets d’avion pour des trajets ne passant par l’AIB. Les réservations pour ce type de trajets peuvent néanmoins toujours être effectuées en ligne depuis le Liban directement sur les sites des compagnies ou via les agrégateurs, du moment que le paiement s’effectue avec une carte en devises aux droits suffisants.


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LA LIBRE EXPRESSION

11 h 20, le 05 mars 2020

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  • QUE N,ENTENDRONS NOUS ENCORE !

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    11 h 20, le 05 mars 2020

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