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Économie - Transport

Face à la pression de l’opinion, la MEA renonce à imposer le dollar pour vendre ses billets

La compagnie aérienne nationale organise une conférence de presse aujourd’hui pour expliquer la décision prise auparavant de n’accepter que les paiements en devises.

Un avion de la MEA sur le tarmac de l’Aéroport international de Beyrouth. Photo P.H.B.

Drôle de week-end pour la Middle East Airlines. La compagnie aérienne nationale – dont l’essentiel du capital appartient à la banque Intra (Intra Investment Company), elle-même détenue par la Banque du Liban – a affirmé hier soir avoir annulé sa décision d’encaisser le prix de ses billets d’avion en dollars ou en devises à la demande du Premier ministre Hassan Diab, selon un communiqué de ce dernier.

Ce revirement survient 24 heures après la publication des premières informations dans les médias et sur les réseaux sociaux indiquant que toutes les compagnies aériennes, dont la MEA, avaient décidé d’encaisser le prix des billets en dollars ou dans d’autres devises. Les règlements en livres avaient été maintenus uniquement pour deux types de services, à savoir le règlement des frais d’excédent de bagages ainsi que les pénalités imposées en cas de modification de réservation à l’Aéroport international de Beyrouth. Le Premier ministre a en outre annoncé des réunions à venir afin de trouver des alternatives « qui prendront en compte l’intérêt des citoyens » et les besoins de la compagnie.Avant son annulation, l’annonce de cette mesure – qui concernait la MEA ainsi que l’ensemble des autres compagnies aériennes opérant au Liban – avait provoqué un tollé dans le pays, ciblant la compagnie nationale. « MEA : une compagnie aérienne nationale qui n’accepte pas les paiements dans sa propre monnaie nationale. Comment redéfinir la logique », a par exemple ironisé hier une internaute sur Twitter. « Nous sommes tenus en otage au Liban », a lâché de son côté un utilisateur de Facebook.


Annonces de poursuites
D’autres internautes ont appelé à boycotter la MEA, tandis que certains Libanais ont couru vers les points de ventes ouverts le dimanche pour acheter leurs billets d’avion en livres avant l’entrée en vigueur de la décision. Enfin, des appels à manifester aujourd’hui à 18h devant les locaux de la MEA à Ras-Beyrouth ont également été relayés dans certains groupes WhatsApp tenus par des membres de la contestation qui est mobilisée depuis le 17 octobre dernier contre la classe politique, ainsi que sur le site Daleel Thawra qui suit les activités des manifestants. « L’opinion a joué le rôle que le Parlement est supposé remplir en mettant la pression sur une décision jugée inéquitable et illégale », a analysé pour L’Orient-Le Jour l’avocat fiscaliste et président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic) Karim Daher.

Le sujet avait également fait réagir une partie de la classe politique à l’image du député de Baalbeck-Hermel, Jamil Sayyed, qui a apostrophé hier sur Twitter le président de la MEA, Mohammad el-Hout : « Tu es employé par le contribuable et non pas le patron d’une société qui t’appartient. Tu veux de l’argent pour l’entreprise ? Arrête de dépenser à tort et à travers et de recruter sans raison ! » Au cours de la même journée, la députée Paula Yacoubian, qui se revendique de la société civile, a de son côté souligné le paradoxe lié au fait que la MEA, bien que principalement détenue par la BDL, n’acceptait plus d’être payée dans la monnaie nationale. « Par contre, les dépôts en dollars des Libanais sont distribués au compte-gouttes ou en livres seulement » a-t-elle ajouté.

Le bureau de presse de la présidence libanaise avait également réagi en milieu d’après-midi hier pour demander à la filière « d’unifier » les prix de ventes de billets en livres libanaises. Enfin plus tôt dans la journée, le Courant patriotique libre a annoncé qu’il envisageait de déclencher des poursuites contre le président de la MEA.


Obligation légale
Cette affaire survient alors que le pays traverse une période très tendue sur les plans économique et financier et que les Libanais, dont une partie reste mobilisée depuis le 17 octobre pour manifester son opposition à une classe politique jugée corrompue, vivent très mal les restrictions imposées par les banques sur les retraits en dollars et les virements à l’étranger. La combinaison de ces deux mesures informelles de contrôle des capitaux mises en place de façon progressive et désordonnée depuis fin août et qui doivent encore être légalisées par l’État a en outre gonflé le taux livre/dollar chez les changeurs à un niveau supérieur de 40 % à la parité officielle, par ailleurs toujours appliquée pour les transactions bancaires.

Si la loi n’empêche pas les entreprises d’ajuster leurs prix à leurs coûts – et donc à celui lié à la hausse du taux livre/dollar chez les changeurs – elle leur interdit en revanche de refuser les paiements dans la monnaie nationale. « Parmi les dispositions-clefs, il y a l’article 192 du code de la monnaie et du crédit, qui indique que personne ne peut refuser les paiements en livres sous peine de sanctions prévues aux articles 319 et 767 du code de procédure pénale (amendes et peines de prison). La loi n° 659/2005 sur la protection des consommateurs impose également d’émettre les factures en livres libanaises », énumère Me Daher. Il souligne en outre que ces deux dispositions ont également été rappelées dans une décision prise le 7 novembre par l’ancien ministre de l’Économie et du Commerce, Mansour Bteich. « Il y a enfin l’article 37 de la nouvelle Loi de finances pour 2020 qui n’a pas encore été publiée et qui oblige expressément les organismes ou les établissements publics, ainsi que toute société détenue totalement ou partiellement par l’État de percevoir toute contrepartie uniquement dans la monnaie nationale », ajoute-t-il.



Les revendications des voyagistes
Jusqu’ici, la MEA faisait partie des rares compagnies aériennes avec Émiraties, Royal Air Maroc ou encore Ethiopan Airlines à continuer de vendre ses billets d’avion en livres au taux officiel de 1507,5 livres pour un dollar. Mais cette situation avait fait grincer les dents des voyagistes libanais qui avaient manifesté leur colère il y a quelques semaines, accusant la compagnie concernée de leur livrer une concurrence déloyale en tirant parti des restrictions bancaires et de la hausse du taux livre/dollar chez les changeurs.

« Les compagnies vendaient des billets d’avion en livres en respectant le taux officiel de 1507,5 livres pour un dollar, ce qui leur permettait de pratiquer des prix en livres beaucoup moins élevés que les voyagistes », justifie le président de l’Attal, Jean Abboud. Il rappelle que pour vendre des billets d’avion, les agences de voyages doivent obtenir un agrément auprès de l’Association internationale du transport aérien (IATA) qui les engage ensuite à régler en dollars la part des montants générés par les ventes de billets revenant à la compagnie aérienne concernée.

Or, étant donné qu’ils doivent désormais se fournir en « dollars frais » sur le marché pour pouvoir transférer les sommes dues à l’IATA, comme l’ont unilatéralement imposé les banques depuis plusieurs mois, les voyagistes n’avaient d’autres choix que de calculer leurs prix en livres en fonction du marché (et donc de vendre plus cher) ; de s’aligner sur les prix des compagnies en acceptant de perdre de l’argent ; ou enfin d’arrêter de vendre de billets en livres, ce que la décision prise par la MEA leur aurait permis de faire sans risquer d’être davantage désertés par leurs clients. L’Attal, qui avait entamé depuis fin janvier des négociations avec le Barleb (Board of Airlines Representatives in Lebanon qui rassemble une grosse vingtaine de compagnies aériennes opérant au Liban) s’était d’ailleurs réjoui dans un communiqué publié hier après-midi de l’entrée en vigueur d’une mesure « d’unification des tarifs des billets d’avion » entrant en vigueur le 17 janvier, sans plus de détails.

Il n’est toutefois pas certain que la décision des compagnies aériennes d’encaisser en dollars ait été seulement motivée par l’envie de satisfaire les voyagistes. Selon un professionnel de la filière souhaitant rester anonyme, le fait de ne plus encaisser le prix des billets en livres n’était en effet pas la seule option sur la table lors des négociations. « Une autre solution aurait été de militer auprès de l’IATA pour que cette dernière accepte les paiements en livres pendant un certain temps. Il y avait aussi une troisième voie consistant à s’entendre sur un taux livre/dollar commun pour le calcul des prix en livres », confie-t-elle.


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commentaires (7)

Ils font comme si les libanais disposaient de leur argent. Comment résoudre l'énigme des exigences des politiciens vis à vis du peuple à honorer leurs dettes et leurs taxes ,impôts, frais d'hospitalisation et charges etc alors que cet argent se trouve bloqué par leurs soins et versé au compte-gouttes aux détenants des comptes pour faire face à toutes leurs dépenses quotidiennes sans parler des frais de scolarité ou universitaires de leurs enfants qui la plupart du temps se trouvent à l'étranger. Ils croient qu'il suffit de demander et le peuple s'exécutera en utilisant la lampe d'Aladin? Ils aboient tous les jours sur les citoyens pour qu'ils fassent des sacrifices en les faisant culpabiliser de l'effondrement du pays à tous les niveaux alors qu'ils sont les instigateurs de ces complots et les voleurs de leurs pays, leurs rêves et leur argent. Quel culot et quel toupet.

Sissi zayyat

14 h 12, le 17 février 2020

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Commentaires (7)

  • Ils font comme si les libanais disposaient de leur argent. Comment résoudre l'énigme des exigences des politiciens vis à vis du peuple à honorer leurs dettes et leurs taxes ,impôts, frais d'hospitalisation et charges etc alors que cet argent se trouve bloqué par leurs soins et versé au compte-gouttes aux détenants des comptes pour faire face à toutes leurs dépenses quotidiennes sans parler des frais de scolarité ou universitaires de leurs enfants qui la plupart du temps se trouvent à l'étranger. Ils croient qu'il suffit de demander et le peuple s'exécutera en utilisant la lampe d'Aladin? Ils aboient tous les jours sur les citoyens pour qu'ils fassent des sacrifices en les faisant culpabiliser de l'effondrement du pays à tous les niveaux alors qu'ils sont les instigateurs de ces complots et les voleurs de leurs pays, leurs rêves et leur argent. Quel culot et quel toupet.

    Sissi zayyat

    14 h 12, le 17 février 2020

  • Le directeur de la MEA ne savait il pas qu'il fait tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant de parler? il aurait du demander conseil a Mohamad Shoucair qui s'etait fait avoir lui aussi avec le whatsapp.

    Le Herisson

    10 h 34, le 17 février 2020

  • DU RIEN COMPARE AUX INTERETS ET MEME CAPITAUX DES DEPOSANTS PAYES OBLIGATOIREMENT... ILLEGALEMENT... EN L,L, AU COURS DE 1507 LE DOLLAR LORSQUE LE COUS ACTUEL DEHORS VARIE ENTRE 2200/2800. LSSSSOUSSS ! LSSSSOUSSSS ! OU EST LA THAWRA CONTRE CE VOL ET D,AUTRES A VENIR. ON DEVALISE LES DEPOSANTS ! HARO SUR LES VOLEURS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 55, le 17 février 2020

  • La MEA qui vient de renoncer à imposer le dollar pour vendre ses billets ne tardera pas à changer encore une fois le prix des billets vu le taux de change des changeurs

    Antoine Sabbagha

    09 h 20, le 17 février 2020

  • Pour information : pour pouvoir acheter un billet en Livres, il faut se présenter à une agence de la MEA où le délai d’attente moyen est de 2 a 3 heures. Le site de la MEA refuse les règlements en Livres, pourquoi ?

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 02, le 17 février 2020

  • Il est bien de rester dans la légalité, notre monnaie nationale, même si elle ne vaut pas grand chose, doit être privilégiée, quand la mariée était belle le "BARLEB ou l'IATA" ne se privaient guère pour en profiter...Et si demain les USA décidaient d'adopter la livre Libanaise à la place du dollar, que feraient ils? Désolé....je sors

    C…

    07 h 36, le 17 février 2020

  • Si la BDL a désepérement besoin de dollars pour payer ses dettes, elle n'a qu'à se tourner vers les personnes qu'elle a autorisées à vider les ressources du pays et les disperser dans divers banques à l'étranger. Ca fera moins de frustrés et de gens en colère.

    NAUFAL SORAYA

    07 h 35, le 17 février 2020

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