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Moyen-Orient - Éclairage

Casse-tête politique en Irak

Face au blocage, le président dispose de quelques jours seulement pour nommer un nouveau Premier ministre qui aura la charge de former un gouvernement. Pour l’heure, un nom circule, celui de Mustafa el-Kazemi, directeur des services de renseignements généraux.

Des manifestants irakiens brandissent un portrait de l’ancien Premier ministre irakien, Mohammad Tawfiq Allawi, pour exprimer leur rejet vis-à-vis de sa nomination, durant une manifestation contre le pouvoir à Bagdad, le 1er mars. Wissam al-Okili/Reuters

L’impasse politique perdure en Irak. Après l’annonce, dimanche, par le Premier ministre désigné Mohammad Allawi, qu’il renonçait à former un gouvernement, le pays a plongé, un peu plus encore, dans l’inconnu. Le président irakien, Barham Saleh, dispose, depuis, de quinze jours pour proposer le prochain candidat auquel incombera cette lourde tâche. Cette fois-ci, la Constitution irakienne n’oblige pas le chef de l’État à consulter les grands blocs parlementaires pour nommer le futur chef de gouvernement. C’est donc seul que M. Saleh est tenu de faire un choix.

Depuis la démission, en décembre dernier, de l’ancien Premier ministre Adel Abdel Mahdi, l’Irak est confronté à un vide juridique jamais vu jusque-là, la loi fondamentale du pays n’ayant aucunement prévu l’option d’une démission d’un Premier ministre. Le système politique irakien est fondé sur le confessionnalisme, à travers lequel la communauté chiite récolte près de 50 % des postes, soit la majorité. « La communauté chiite, à travers deux acteurs, à savoir Moqtada Sadr et Mahdi el-Ameri, a négocié non pas en Irak mais en Iran, pendant trois semaines, pour s’accorder sur le nom de Mohammad Allawi et le soumettre au président Barham Saleh », résume pour L’Orient-Le Jour Adel Bakawan, directeur du Centre de sociologie de l’Irak (CSI) à l’Université de Soran au Kurdistan irakien.

La nomination de M. Allawi, sans concertation initiale avec les autres formations politiques, a créé des remous en leur sein. Dans la famille chiite qui siège au Parlement irakien, on retrouve Nouri el-Maliki et le parti Daawa ; Ammar el-Hakim et le mouvement el-Hikma ; le bloc mené par Haider al-Abadi ou encore Iyad Allawi, représentant d’une tendance séculaire dans le pays. « Ces acteurs-là, au sein de la famille chiite, n’étaient pas satisfaits dès le début de cet accord à Qom entre M. Sadr et M. Ameri parce qu’ils ont été exclus de la discussion. Ils ont, dans les coulisses, tout fait pour faire tomber et échouer le projet Allawi », analyse M. Bakawan.


(Lire aussi : Le Premier ministre désigné jette l’éponge, le pays plonge dans l’inconnu)



« Guerre contre le peuple d’Irak »

Depuis l’annonce de M. Allawi, la rumeur court que Barham Saleh serait tenté de nommer Mustafa el-Kazemi. Chef des services de renseignements irakiens, M. Kazemi est loin d’être un inconnu. Longtemps perçu comme pro-iranien dans un pays où la mainmise de Téhéran n’a fait que croître depuis l’intervention américaine de 2003, Mustafa el-Kazemi avait remplacé en 2016, sous la gouvernance de l’ancien Premier ministre Nouri el-Maliki, le général Zouhair Gharbaoui dans un élan visant à évincer des postes-clés les hauts responsables considérés comme trop pro-américains. C’est Mustafa el-Kazemi qui avait ordonné à l’époque la fermeture de la division « Iran » du service des renseignements irakiens. Cette dernière avait été établie sous la surveillance des Américains en 2004 dans le but de mener des investigations à l’encontre des éléments iraniens dans le pays.

Malgré ce passé, la milice pro-iranienne Kataeb Hezbollah a accusé le chef des renseignements d’avoir été impliqué dans l’assassinat de l’ancien commandant en chef de la Brigade al-Qods Kassem Soleimani. Sur Twitter, le porte-parole de l’organisation, Abou Ali al-Askari, a déclaré mardi dernier que Mustafa el-Kazemi « est l’une des personnes accusées d’avoir aidé l’ennemi américain dans la réalisation du crime d’assassinat contre hajj Soleimani et hajj al-Muhandis ». La milice, considérée comme une organisation terroriste par les États-Unis, a également averti qu’en cas de nomination de M. Kazemi au poste de Premier ministre, la démarche serait perçue comme une déclaration de « guerre contre le peuple d’Irak ».

« Il est perçu par les milices iraniennes comme l’homme des Américains en Irak. Il n’a même pas encore été nommé, mais elles considèrent que le simple fait que son nom circule équivaut à une déclaration de guerre contre elles », résume Adel Bakawan. « Après l’intervention des États-Unis en Irak, il s’est engagé dans le projet américain pour documenter les crimes de Saddam Hussein avec plusieurs intellectuels irakiens. À ce moment-là, un lien s’établit entre lui et les différents services américains », poursuit-il.

Dans une déclaration, le service des renseignements irakiens a qualifié les propos tenus par la milice de « menace explicite » contre la paix civile, ajoutant qu’il poursuivrait « tous ceux qui useraient de la liberté d’opinion pour lancer de fausses accusations qui nuisent à l’Irak et à la réputation de l’institution ».


(Lire aussi : Face aux Irakiens en révolte, ministères "à vendre" et postes "à acheter")



Personne pour rassembler

L’impasse politique actuelle en Irak est à l’image des fissures au sein de la communauté chiite du pays, aggravées par la mort de Kassem Soleimani. « Auparavant, il y avait une personnalité charismatique comme Kassem Soleimani qui, avec ses moyens de pression, pouvait imposer un minimum de consensus aux chiites. Aujourd’hui, il n’est plus là et il est très difficile de trouver un consensus au sein de cette famille », évoque M. Bakawan.

Aux divisions entre partis politiques s’ajoutent celles qui traversent les milices. Majoritairement chiites, elles sont partagées entre celles qui prennent directement leurs ordres de l’homme fort d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, et celles qui sont de tendance nationaliste irakienne. Sans compter celles de Moqtada Sadr, chantre du nationalisme chiite, qui n’a pourtant pas hésité au lendemain de l’assassinat de Kassem Soleimani à se ranger derrière l’Iran et à renier ses positionnements précédents en faveur du soulèvement irakien.

Surtout, le soulèvement irakien, qui agite Bagdad et le sud du pays depuis le premier octobre, oppose une rue majoritairement chiite en proie à des conditions de vie de plus en plus difficiles à un pouvoir lui aussi chiite, mais perçu comme corrompu et sous emprise iranienne. Bien que Mohammad Allawi ait été choisi initialement comme un candidat de consensus entre les différents blocs politiques au sein du Parlement irakien, il est resté aux yeux d’une partie des Irakiens un élément à part entière de ce système politique qu’ils honnissent. Le soulèvement populaire a été jusque-là réprimé dans le sang, le nombre de morts s’élevant à ce jour à plus de 500 personnes. Une partie des contestataires semblent aujourd’hui s’unir autour de la figure de Alaa al-Rikaby, un pharmacien et activiste de Nassiriya, dans la province de Dhi Qar, l’un des bastions de la contestation.


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commentaires (2)

EN IRAQ TOUT COMME A BEYROUTH... LA CASTE ANCIENNE NE VEUT PAS PARTIR QUITTE A DETRUIRE LE PAYS.

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 35, le 05 mars 2020

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Commentaires (2)

  • EN IRAQ TOUT COMME A BEYROUTH... LA CASTE ANCIENNE NE VEUT PAS PARTIR QUITTE A DETRUIRE LE PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 35, le 05 mars 2020

  • Le nom du 1er ministre importe peu, le plus important est que les yanky doivent quitter le pays et la région en général. Leur présence nauséeuse n'a que trop durer. À moins que un président américain avec des sentiments plus justes et moins clownesques prenne le pouvoir aux usa . On en a ras le bol de leur esprit criminogène au service de la pire idéologie du monde .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 03, le 05 mars 2020

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